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12 décembre 2004 7 12 /12 /décembre /2004 00:04
CHAPITRE III
De la Dignité et de l'égalité des Nations, des Titres autres marques d'honneur.



§.35         De la Dignité des Nations ou Etats Souverains.

Toute Nation, tout Etat souverain & indépendant mérite de la considération & du respect, parce qu'il figure immédiatement dans la grande Société du Genre-humain, qu'il est indépendant de tout pouvoir sur la Terre, & qu'il est un assemblage d'un grand nombre d'hommes, plus considérable sans-doute qu'aucun individu.   Le Souverain réprésente sa Nation entiére, il en réunit dans sa personne toute la Majesté.   Nul particulier, fût-il même libre & indépendant, ne peut faire comparaison avec un Souverain ; ce seroit vouloir s'égaler seul à une multitude de ses égaux.   Les Nations & les Souverains sont donc en même-tems & dans l'obligation & en droit de maintenir leur Dignité, de la faire respecter, comme une chose importante à leur sûreté & à leur tranquillité.

§.36         De leur égalité.

Nous avons déjà observé (Prélim. §.18) que la Nature a établi une parfaite égalité de Droits entre les Nations indépendantes.   Aucune par conséquent ne peut naturellement prétendre de Prérogative.   Tout ce que la qualité de Nation libre & souveraine donne à l'une, elle le donne aussi à l'autre.

§.37         De la Préséance.

Et puisque la Préséance, ou la primauté de rang est une Prérogative, aucune Nation, aucun Souverain ne peut se l'attribuer naturellement & de droit.   Pourquoi des Nations qui ne dépendent point de lui, lui céderoient-elles quelque chose malgré elles ?   Cependant, comme un Etat puissant & vaste est beaucoup plus considérable dans la Société universelle, qu'un petit Etat, il est raisonnable que celui-ci lui céde, dans les occasions où il faut que l'un céde à l'autre, comme dans une Assemblée, & lui témoigne ces déférences de pur Cérémonial, qui n'ôtent point au fonds l'égalité, & ne marquent qu'une priorité d'ordre, une prémiére place entre égaux.   Les autres attribueront naturellement cette prémière place au plus puissant & il seroit aussi inutile que ridicule au plus foible, de vouloir s'opiniâtrer.   L'ancienneté de l’Etat entre encore en considération dans ces rencontres ; un nouveau venu ne peut déposséder personne des honneurs dont il joüit ; & il lui faut des raisons bien fortes, pour se faire préférer.

§.38         La forme du Gouvernement n'y fait rien.

La forme du Gouvernement est naturellement étrangère à cette question.   La Dignité, la Majesté réside originairement dans le Corps de l'Etat ; celle du Souverain lui vient de ce qu'il réprésente sa Nation.   L’Etat auroit-il plus ou moins de Dignité, selon qu'il sera gouverné par un Seul, ou par plusieurs ?   Aujourd'hui les Rois s’attribuent une supériorité de rang sur les Républiques : Mais cette prétention n'a d'autre appui que la supériorité de leurs forces.   Autrefois la République Romaine regardoit tous les Rois comme bien loin au-dessous d'elle : les Monarques de l'Europe, ne trouvant en leur chemin que de foibles Républiques ont dédaigné de les admettre à l'égalité.   La République de Venise & celle des Provinces-Unies ont obtenu les honneurs des Têtes-Couronnées ; mais leurs Ambassadeurs cèdent le pas à ceux des Rois.

§.39         Un Etat doit garder son rang, malgré le changement dans la forme du Gouvernement.

En conséquence de ce que nous venons d'établir, si la forme du Gouvernement vient à changer chez une Nation, elle n'en conservera pas moins le rang & les honneurs, dont elle est en possession.   Lorsque l'Angleterre eut chassé ses Rois, CROMWEL ne souffrit pas que l’on rabattit rien des honneurs que l’on rendoit à la Couronne, ou à la Nation ; & il sçut maintenir par-tout les Ambassadeurs Anglois dans le rang qu'ils avoient toûjours occupé.

§.40         Il faut observer à cet égard les Traités & l'usage établi.

Si les Traités, ou un usage constant, fondé sur un consentement tacite, ont marqué les rangs ; il faut s'y conformer.   Disputer à un Prince le rang qui lui est acquis de cette manière, c'est lui faire injure puisque c'est lui donner une marque de mépris, ou violer des engagemens qui lui assûrent un droit.   Ainsi les partages faits mal-à-propos dans la Maison de CHARLEMAGNE, ayant donné l'Empire à l'aîné ; le cadet, qui est le Royaume de France, lui céda le pas, d'autant plus aisément qu'il restoit encore dans ces tems-là une idée récente de la Majesté du véritable Empire Romain.   Ses Successeurs suivirent ce qu'ils trouvèrent établi ; ils furent imités par les autres Rois de l'Europe, & c'est ainsi que la Couronne Impériale se trouve, sans contradiction, en possession du prémier rang dans la Chrétienté.   La plûpart des autres Couronnes ne sont point d'accord entr'elles sur le rang.

            Quelques-uns voudroient faire envisager la Préséance de l'Empereur comme quelque chose de plus qu'une prémière place entre égaux, lui attribuer une supériorité sur tous les Rois, en un mot, le faire Chef temporel de la Chrétienté (
a) BARTOLE est allé jusqu'à dire, que tous ceux-là sont hérétiques, qui ne croient pas que l'Empereur soit Seigneur de tout le Monde.   Voyez BODIN, de la République, Liv. I. Chap. IX. p. in. 139).   Et il paroît en effet que plusieurs Empereurs ont eû dans l'esprit des prétentions semblables ; comme si en ressuscitant le nom de l'Empire Romain, on eût pu en faire revivre les Droits.   Les autres Etats ont été en garde contre ces prétentions.   On peut voir dans MEZERAY (b) Histoire de France, explication des Médailles de CHARLES V) les précautions que prit le Roi CHARLES V quand l'Empereur CHARLES IV vint en France, crainte, dit l'Historien, que ce Prince & son fils le Roi des Romains ne pussent fonder quelque droit de supériorité sur sa courtoisie.   BODIN (c) De la République p.138) rapporte, que l’on trouva fort mauvais en France que l'Empereur SIGISMOND eût pris séance en lieu royal en plein Parlement, & qu'il eût fait Chevalier le Sénéchal de Beaucaire, ajoûtant que pour couvrir la faute notable que l’on avoit faite de l'endurer, on ne voulut point souffrir que le même Empereur étant à Lyon, il y fit Duc le Comte de Savoie.   Aujourd'hui un Roi de France croiroit sans-doute se commettre, s'il marquoit seulement la moindre pensée, qu'un autre pourroit s’attribuer quelque autorité sur son Royaume.

§.41         Du nom & des honneurs attribues par la Nation à son Conducteur.

La Nation pouvant accorder à son Conducteur le dégré d'Autorité & les Droits qu'elle trouve à propos, elle n’est pas moins libre à l'égard du nom, des titres & de tous les honneurs, dont elle voudra le décorer.   Mais il convient à sa sagesse, aux intérêts de sa réputation, de ne point trop s'écarter à cet égard des usages reçus généralement chez les peuples civilisés.   Observons encore que la prudence doit ici la diriger, & l’engager à proportionner les Titres & les honneurs à la puissance de son Supérieur, & à l'autorité dont elle veut qu'il soit revêtu.   Les Titres, les honneurs ne décident de rien, il est vrai ; vains noms, vaines cérémonies, quand ils sont mal placés : Mais qui ne sçait combien ils influent dans les pensées des hommes ?   C’est donc ici une affaire plus sérieuse qu'elle ne le paroît au prémier coup d'œil.   La Nation doit prendre garde de ne point s'abaisser elle-même devant les autres peuples, de ne point avilir son Conducteur, par un Titre trop bas : Elle doit se garder plus encore de lui enfler le cœur par un vain nom, par des honneurs démésurés ; de lui faire naître la pensée de s'arroger sur elle un pouvoir qui y réponde, ou d’acquérir, par d’injustes Conquêtes, une Puissance proportionnée.   D'un autre côté, un Titre relevé peut engager le Conducteur à soutenir avec plus de fermeté la Dignité de la Nation.   Les conjonctures déterminent la prudence, & elle garde en toutes choses une juste mesure.   La Royauté, dit un Auteur respectable, & qui peut en être cru sur la matière, la Royauté tira la Maison de Brandebourg de ce joug de servitude, où la Maison d'Autriche tenoit alors tous les Princes d'Allemagne.   C'était une amorce que Fréderic III jettoit à toute sa postérité, & par laquelle il sembloit lui dire : Je vous ai acquis un titre, rendez-vous en digne ; j'ai jetté les fondemens de votre grandeur, c’est à vous d'achever l'ouvrage (a) Mémoires pour servir à l’Histoire de Brandebourg).

§.42         Si le Souverain peut s’attribuer le titre & les honneurs qu'il veut.

Si le Conducteur de l’Etat est Souverain, il a dans ses mains les Droits & l'Autorité de la Société Politique, & par conséquent Il peut ordonner lui-même de son Titre & des honneurs qui doivent lui être rendus, à moins que la Loi fondamentale ne les ait déterminés, ou que les limitations apportées à son Pouvoir ne s'opposent manifestement à ceux qu'il voudroit s’attribuer.   Ses Sujets sont obligés de lui obéir en cela, comme dans tout ce qu'il commande en vertu d'une Autorité légitime.   C'est ainsi que le Czar PIERRE I, fondé sur la vaste étenduë de ses Etats, se décerna lui-même le titre d'Empereur.

§.43         Du droit des autres Nations à cet égard.

Mais les Nations étrangères ne sont point obligées de déférer aux volontés du Souverain qui prend un Titre nouveau, ou du peuple qui appelle son Conducteur de tel nom qu'il lui plaît.

§.44         De leur devoir.

Cependant, si ce Titre n'a rien que de raisonnable ; conformément aux usages reçus ; il est tout-à-Fait convenable aux devoirs mutuels qui lient les Nations, de donner à un Souverain, ou au Conducteur quelconque d'un Etat, le même titre que lui donne son peuple.   Que si ce Titre est contre l'usage, s'il désigne des choses qui ne se trouvent point dans celui qui l’affecte, les étrangers peuvent le lui refuser, sans qu'il ait raison de se plaindre.   Le titre de Majesté est consacré par l'usage, aux Monarques qui commandent à de grandes Nations.   Les Empereurs d'Allemagne ont long-tems prétendu se le réserver, comme appartenant uniquement à leur Couronne Impériale.   Mais les Rois prétendirent avec raison, qu'il n'y avoit rien sur la terre de plus éminent, de plus auguste que leur Dignité : Ils refusèrent la Majesté, à qui la leur refusoit (a) Dans le tems du fameux Traité de Westphalie, les Plénipotentiaires de France convinrent avec ceux de l'Empereur, que le Roi & la Reine écrivant de leur main propre à l'Empereur, & lui donnant de la Majesté, il feroit réponse aussi de sa main avec le même titre.   Lettre des Plénipot. à M. de Brienne, 15 Oct. 1646) ; & aujourd'hui, à quelques exceptions près, fondées sur des raisons particulières, le titre de Majesté est un attribut propre à la qualité de Roi.

            Comme il seroit ridicule à un petit Prince de prendre le nom de Roi & de se faire donner de la Majesté ; les Nations étrangères, en se refusant à cette fantaisie, ne feront rien que de conforme à la raison & à leurs devoirs.   Cependant, s’il se trouve quelque part un Souverain, qui, malgré le peu d'étenduë de sa Puissance, soit en possession de recevoir de ses voisins le titre de Roi ; les Nations éloignées, qui veulent commercer avec lui, ne peuvent lui refuser ce titre.   Ce n’est point à elles de réformer les loges de ces régions lointaines.

§.45         Comment on peut s'assurer les titres & les honneurs.

Le Souverain qui veut recevoir constamment certains titres & honneurs, de la part des autres Puissances, doit se les assûrer par des Traités.   Ceux qui ont pris des engagemens par cette voie, sont désormais obligés envers lui, & ils ne pourroient s'écarter du Traité, sans lui faire injure ; Ainsi, dans les exemples que nous avons rapportés tout-à-l’heure, le Czar & le Roi de Prusse eurent soin de négocier d'avance avec les Cours amies, pour s'assûrer d'en être reconnus, dans la nouvelle qualité qu'ils vouloient prendre.

            Les Papes ont prétendu autrefois, qu'il appartenoit à la Thiare seule de créer de nouvelles Couronnes ; ils osérent espérer de la superstition des Princes & des peuples, une Prérogative si sublime.   Elle s'est éclypsée à la renaissance des Lettres, comme les spectres s'évanouissent au lever du soleil (*
(*) Les Princes Catholiques reçoivent encore aujourd'hui du Pape les Titres qui ont rapport à la Religion.   Benoit XIV a donné celui de Très-Fidèle au Roi de Portugal, & on a bien voulu ne point s'arrêter au stile impératif, dans lequel la Bulle est conçuë.   Elle est datée du 23 Décembre 1748).   Les Empereurs d'Allemagne, qui ont formé la même prétention, avoient au moins pour eux l'exemple des anciens Empereurs Romains.   Il ne leur manque que la même puissance pour avoir le même droit.

§.46         On doit se conformer à l’usage général.

Au défaut de Traités, on doit se conformer pour les titres, & en général pour toutes les marques d'honneur, à ce qui est établi par un usage généralement reçu.   Vouloir s'en écarter à l'égard d'une Nation, ou d'un Souverain, quand on n'en a aucune raison particulière, c'est lui témoigner ou du mépris, ou une mauvaise volonté : Conduite également contraire à la Saine Politique, & à ce que les Nations se doivent les unes aux autres.

§.47         Des égards mutuels que les Souverains se doivent.

Le plus grand Monarque doit respecter dans tout Souverain le Caractère éminent dont il est revêtu.   L'indépendance, l'égalité des Nations, les devoirs réciproques de l'humanité, tout l'invite à marquer au Conducteur même d'un petit Peuple, les égards qui sont dûs à sa qualité.   Le plus foible Etat est composé d'hommes, aussi bien que le plus puissant, & nos devoirs sont les mêmes envers tous ceux qui ne dépendent point de nous.

            Mais ce précepte de la Loi Naturelle ne s'étend point au-delà de ce qui est essentiel aux égards que les Nations indépendantes se doivent les unes aux autres ; en un mot de ce qui marque que l’on reconnoît un Etat, ou son Souverain, pour être véritablement indépendant & souverain, digne par conséquent de tout ce qui est dû à cette qualité.   Du reste, un grand Monarque étant, comme nous l'avons déjà observé, un personnage très-important dans la société humaine, il est naturel qu'on lui rende, en tout ce qui n’est que pur Cérémonial, sans blesser en aucune manière L’égalité des droits des Nations, qu'on lui rende, dis-je, des honneurs, auxquels un petit Prince ne sçauroit prétendre : Et celui-ci ne peut refuser au Monarque toutes les déférences qui n’intéressent point son indépendance & sa souveraineté.

§.48         Comment un Souverain doit maintenir sa Dignité.

Toute Nation, tout Souverain doit maintenir sa Dignité (§.35) en se faisant rendre ce qui lui est dû, & sur-tout ne pas souffrir qu'on y donne atteinte.   S'il est donc des titres, des honneurs, qui lui appartiennent suivant un usage constant, il peut les exiger ; & il le doit, dans les occasions où sa gloire se trouve intéressée.

            Mais il faut bien distinguer entre la négligence ; ou l'omission de ce qui auroit dû se faire suivant l’usage communément reçu, & les actes positifs, contraires au respect & à la considération, les insultes.   On peut se plaindre de la négligence ; & si elle n’est pas réparée, la considérer comme une marque de mauvaises dispositions : On est en droit de poursuivre, même par la force des armes, la réparation d'une insulte.   Le Czar PIERRE I se plaignit, dans son Manifeste contre la Suède, de ce qu'on n'avoit pas tiré le canon, lors de son passage à Riga.   Il pouvoit trouver étrange qu'on ne lui eût point rendu cet honneur, il pouvoit s'en plaindre : Mais en faire le sujet d'une Guerre, ce seroit prodiguer étrangement le sang humain.


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