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1 décembre 2004 3 01 /12 /décembre /2004 00:09


La-Revolution-Roosevelt.jpg


La Révolution Roosevelt
Georges Boris – 1934

 


Chapitre III : La réforme monétaire et financière

 

4 : Vers la reflation de crédit

 

 




    On parle souvent de l'inflation dont l'Amérique est menacée, et jamais de la déflation dont elle souffre encore actuellement. Autant parler d'inondation dans une maison qui brûle.

    Il suffit de quelques chiffres pour le montrer.

    Dans un pays, comme l'Amérique, où les paiements se font en général par virements ou par chèques, l'importance de la déflation se mesure en effet à la diminution du volume de monnaie bancaire ou scripturale en circulation (1).

    Or, le montant total de la monnaie scripturale était le 3 octobre 1928 de 47.977 millions de dollars. Le 4 octobre 1929, il s'élevait à 48.279 millions.

    Mais à partir de cette date, il commençait à diminuer et bientôt se produisait une chute verticale dont voici les étapes :

    24 septembre 1930         47.743 millions

    29 septembre 1931         42.859    —

    30 septembre 1932         35.436    —

    30 juin 1933                   30.045    —

    Ainsi d'octobre 1929 à juin 1933, la destruction de monnaie scripturale atteignait 18.234 millions de dollars, soit 37,8% du montant primitif (2).

    Depuis le 30 juin 1933, il n'a pas été publié de nouvelle statistique d'ensemble. Mais on connaît les chiffres arrêtés au 9 novembre dernier pour les banques affiliées au système de réserve fédérale dans les 90 villes principales des Etats-Unis. Ils ne dénotent aucun changement. On est en droit d'en conclure qu'au milieu de l'automne, la déflation était encore à son point maximum.

    Sans doute doit-on faire état, en regard de cette contraction de la monnaie bancaire, d'une augmentation des billets en circulation. Mais elle est, en comparaison, presque négligeable, puisque, de 1930 à 1933, elle n'a pas même atteint 1 milliard de dollars.

    Les économistes de toutes les écoles, même s'ils nient la valeur rigoureuse de la théorie quantitative de la monnaie, sont d'accord pour penser qu'il ne saurait y avoir de relèvement important du niveau des prix, ni de reprise durable de l'activité économique, sans une reflation de crédit substantielle.

    Ils ne diffèrent que sur le point de savoir si cette reflation peut être délibérément provoquée, ou si c'est seulement de façon spontanée qu'elle peut s'opérer.

    C'est ici qu'il faut introduire une première interprétation des faits américains, ainsi que des mesures dont l'ensemble constitue le New Deal. Cette interprétation peut être formulée de la manière suivante :

    Conscients ou inconscients, la plupart des efforts de l'administration Roosevelt pour le redressement économique tendent à déterminer la reflation de crédit, et c'est de l'échec ou de la réussite de cette tentative que dépend en fin de compte le succès ou la faillite de ce qu'on appelle l'expérience américaine.

    Cet axiome étant admis, on possédera la clef des préoccupations et des attitudes du gouvernement de Washington, on apercevra la ligne générale de sa politique.

    Reflation de crédit signifie constitution de nouveaux dépôts, c'est-à-dire de capitaux liquides qui, s'ils pénètrent et circulent dans l'économie, vont être répartis entre les membres de la collectivité sous forme de revenus nouveaux, donc de nouveau pouvoir d'achat. Or, c'est au développement du pouvoir d'achat national qu'aspire le gouvernement américain. La reflation de crédit est donc forcément son objectif.

    A vrai dire, ce fut aussi, un moment, celui de M. Hoover, en dépit de son conservatisme. A la fin de l'année 1931 et au début de 1932, il avait créé, précisément, à cette fin, plusieurs institutions d'Etat et notamment la Reconstruction Finance Corporation (R. F. C.). Leur but était de faire des prêts aux Chemins de Fer et aux Banques, aux Sociétés et aux individus ; pour se procurer les fonds, elles étaient autorisées à émettre des obligations munies de la garantie fédérale ; les Banques de Réserve pouvaient faire l'acquisition de ces titres, et créer en contre-partie de nouveaux crédits, par le jeu de l'open market policy.

    Ce mécanisme a fonctionné à partir de janvier 1932. Et, pendant l'été qui a suivi, on a même pu croire que la reflation de crédit allait être effectivement réalisée et porterait ses fruits. Une reprise se dessina.

    Mais bien vite les espoirs furent déçus. Dans le même temps, en effet, une défiance croissante s'emparait du public à l'égard des banques ; et celles-ci, pour assurer leur liquidité, révoquaient les crédits anciens plus vite qu'il n'en était créé de nouveaux. Dans la course engagée entre la thésaurisation privée et la reflation due à l'initiative de l'Etat, la première l'emportait. Elle devait, à la fin de février 1933, gagner une victoire complète. Le président Hoover avait totalement échoué dans sa timide tentative de reflation.

    Après un faux départ, après de nombreuses tergiversations, M. Roosevelt s'est remis à la tâche. Il la poursuit aujourd'hui avec des moyens infiniment plus puissants que son prédécesseur.

    Non seulement la R. F. C. multiplie les prêts ; mais elle renfloue les banques qui ont suspendu leurs paiements. Mais aussi, par le jeu des dépenses extraordinaires, par l'aggravation voulue du déficit budgétaire, par le financement des grands travaux publics, le gouvernement s'emploie directement à augmenter le volume du crédit.

    Le résultat obtenu n'est encore, au début de l'année 1934, que l'arrêt du processus de déflation et non pas une reflation effective. Résultat important, mais incomplet : il ne suffit pas que la création de nouveaux crédits compense l'annulation des anciens, il faut qu'elle la dépasse en importance.

    On verra plus loin les causes de ces difficultés. Au préalable, quelques éclaircissements sont nécessaires au sujet des répercussions de cette politique d'expansion de crédit sur le problème de l'étalon monétaire international.






1 - Tel qu'il ressort du total des postes « Loans and investments » (prêts et investissements) des banques américaines à l'exclusion des caisses d'épargne.

2 - Pendant la période de déflation 1928-1933 il a été détruit beaucoup plus de crédit qu'il n'en avait été créé pendant la période d'inflation 1926-1929. La différence est du simple au double pour les Banques affiliées au système de Réserve Fédérale.

 

 

 

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