La Révolution Roosevelt
Georges Boris – 1934
Chapitre IV : Les procédés de reflation
Toutes les lois votées depuis le mois de mars 1933 et qui comportent des engagements de dépenses extraordinaires, sans recettes budgétaires en regard, peuvent être considérées sous deux aspects, soit qu'on les regarde comme des mesures tendant à remédier à telle ou telle situation particulière, soit qu'on les envisage comme des moyens de reflation. Sans doute, dans quelques cas, ont-elles été surtout décidées en vertu de la première raison ; mais, dans leur ensemble, elles ont joué, et jouent encore, essentiellement un rôle monétaire.
Dans l'interprétation qui sera donnée ici de l'expérience américaine et, à mon sens, dans toute explication rationnelle des événements, c'est le point de vue de la reflation qui domine: ce qui ne veut pas dire qu'aux yeux d'un grand nombre d'Américains, voire même au sein de l’Administration, la question monétaire ne soit pas rejetée au second plan. Mais la logique interne des situations et des faits est plus forte que les opinions et les résistances individuelles.
Les textes relatifs aux crédits hypothécaires et agricoles, au Civilian Conservation Corps, à l'assistance aux chômeurs (1) et aux travaux de la vallée du Tennessee, promulgués au début de la législature, ne relevaient pas d'un programme de reflation ; d'ailleurs, à cette époque, l'administration Roosevelt se déclarait encore déflationniste. Des circonstances ou des motifs spéciaux en avaient déterminé l'adoption : revendications des agriculteurs, existence de jeunes chômeurs turbulents qu'il paraissait sage d'embrigader, nécessité de porter un secours immédiat à la détresse de la population ouvrière, volonté de poursuivre une expérience tendant à la réhabilitation d'une contrée déshéritée.
Néanmoins, toutes ces mesures, du fait des énormes dépenses engagées, participent, quoi qu'en aient pensé leurs auteurs, à la lutte contre la déflation et à l'entreprise de reflation du système monétaire et financier américain.
Il en va de même de l'activité de la Reconstruction Finance Corporation, vaste Banque d’état fondée en février 1932 par le président Hoover et qui, en deux ans, a avancé plus de 4 milliars 1/2 de dollars à l'économie américaine, dont 400 millions aux Compagnies de chemins de Fer, autant aux Caisses de Crédit hypothécaires, 87 millions aux Compagnies d'Assurance et près de 1500 millions aux Banques.
Mais les prêts consentis par la R. F. C. aux Compagnies de Chemins de Fer ont, bien entendu, pour effet de les mettre sous la dépendance de l'Etat, et peut-être de préparer les voies à leur nationalisation dans l'avenir.
1 - Un crédit de 500 millions de dollars a été voté le 12 mai 1933 (Federal Emergencg Relief Act) pour venir en aide aux familles dans la détresse et suppléer aux autorités locales que leur situation financière mettait dans l'impossibilité de remplir leur devoir d'assistance.