PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)
TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE
1861
CHAPITRE VII :
DE LA RICHESSE.
Notes de bas de page
1 Le proverbe français : Il n'y a que le premier pas qui coûte, est vrai en ce qui concerne toutes les relations de la vie ; mais en aucune circonstance, il ne l'est plus expressément que lorsqu'il s'agit de l'occupation de la terre. C'est alors qu'on aperçoit facilement combien doit être funeste aux intérêts le mieux entendus de l'homme un système qui, visant à l'épuisement continu du sol, conduit à la nécessité, incessamment croissante, de commencer la culture sur des terrains nouveaux qui devront être épuisés à leur tour. Retour
2 Adam Smith mérite moins un pareil reproche qu'aucun des auteurs dont il est ici question. Personne ne peut lire son ouvrage sans demeurer convaincu, que dans toutes les parties qui le composent, il n'a jamais perdu de vue que le progrès moral et intellectuel était compris dans la sphère de l'économie politique. On verra clairement démontrée la vérité de ce que nous avançons, dans une note annexée à l'une des pages postérieures. Retour
3 Journal des économistes. Février 1853. Retour
4 Journal des économistes, Février 1853, p. 166. Retour
5 « Cet ordre de choses, qui est en général imposé par la nécessité, quoique certains pays puissent faire exception, se trouve en tout pays fortifié par le penchant naturel de l'homme. Si ce penchant naturel n'eût jamais été contrarié par les institutions humaines, nulle part les villes ne se seraient accrues au-delà de la population que pouvait soutenir l'état de culture et d'amélioration du territoire dans lequel elles étaient situées, au moins jusqu'à ce que la totalité de ce territoire eût été pleinement cultivée et améliorée. A égalité de profits, ou à peu de différence près, la plupart des hommes préfèrent employer leurs capitaux à la culture ou à l'amélioration de la terre, plutôt que de les placer dans l'industrie manufacturière ou dans le commerce étranger. Une personne qui fait valoir son capital sur une terre l'a bien plus sous les yeux et à sa disposition, et sa fortune est moins exposée aux accidents que celle du commerçant ; celui-ci est souvent obligé de confier la sienne, non-seulement aux vents et aux flots, mais à des éléments encore plus incertains, la folie et l'injustice des hommes, quand il accorde de longs crédits, dans des pays éloignés, à des personnes dont il ne peut que rarement connaître à fond la situation et le caractère. Au contraire le capital qu'un propriétaire a fixé par des améliorations au sol même de sa terre, paraît être aussi assuré que peut le comporter la nature des choses humaines. En outre, la beauté de la campagne, les plaisirs de la vie champêtre, la tranquillité d'esprit qu'ils font espérer, et l'indépendance que la campagne procure réellement partout où l'injustice des lois humaines ne vient pas s'y opposer, sont autant de charmes qui plus ou moins attirent tout le monde. Et comme la destination de l'homme, dès son origine, fut de cultiver la terre, il semble conserver, dans toutes les périodes de sa vie, une prédilection pour cette occupation primitive de son espèce. A la vérité, la culture de la terre, à moins d'entraîner beaucoup d'incommodités et de continuelles interruptions, ne saurait guère se passer de l'aide de quelques artisans. Les forgerons, les charpentiers, les fabricants de charrues et de voitures, les maçons et les briquetiers, les tanneurs, les cordonniers et les tailleurs sont tous gens aux services desquels le fermier a souvent recours. Ces artisans ont aussi besoin de temps en temps les uns des autres, et leur résidence n'étant pas attachée rigoureusement comme celle du fermier, à un coin de terre déterminé, ils s'établissent naturellement dans le voisinage les uns des autres et forment ainsi une petite ville ou un village. Le boucher, le brasseur et le boulanger viennent bientôt s'y réunir, avec beaucoup d'autres artisans ou détaillants nécessaires ou utiles pour leurs besoins journaliers, et qui contribuent encore d'autant à augmenter la population de la ville. Les habitants de la ville et ceux de la campagne sont, réciproquement, les serviteurs les uns des autres. La ville est une foire ou marché continuel, où se rendent les habitants de la campagne pour échanger leurs produits bruts contre des produits fabriqués. C'est ce commerce qui fournit aux habitants de la ville, et les matières de leur travail, et leurs moyens de subsistance. La quantité d'ouvrage fait qu'ils vendent aux habitants de la campagne détermine, nécessairement, la quantité de matières et de vivres qu'ils achètent. Ni leur occupation, ni leurs subsistances ne peuvent s'accroître qu'en raison de la demande que fait la campagne de ce même ouvrage ; et cette demande ne peut elle-même s'accroître qu'en raison du développement et du progrès de la culture. Si les institutions humaines n'eussent jamais troublé le cours naturel des choses, le progrès des villes en richesse et en population aurait, dans toute société politique, marché à la suite et en proportion de la culture et de l'amélioration de la campagne ou du territoire environnant. » (Richesse des nations, liv. III, ch. 1 ; Collection des principaux économistes, t. V.) Retour
6 SENIOR, Esquisse de l'économie politique, p. 130. Retour