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10 décembre 2004 5 10 /12 /décembre /2004 00:01
LE DROIT

DES GENS

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LIVRE IV

Du rétablissement de la Paix, & des Ambassades.


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CHAPITRE I

De la Paix, & de l’obligation de la cultiver.

 

 

§.1        Ce que c’est que la Paix

            La Paix est opposée à la Guerre, c’est cet état désirable, dans lequel chacun jouït tranquillement de ses droits, ou les discutte amiablement & par raison, s’ils sont controversés.   HOBBES a osé dire, que la Guerre est l’état naturel de l’homme.   Mais si, comme la raison le veut, on entend par l’état naturel de l’homme, celui auquel il est destiné & appellé par sa nature, il faut dire plûtôt, que la Paix est son état naturel.   Car il est d'un être raisonnable de terminer ses différends par les voies de la raison ; c’est le propre des bêtes, de les vuider par la force (a(a) CICERO.   De Offic.   Lib.I cap.II).   L’homme, ainsi que nous l’avons déja observé (Prélim.   §.10), seul, dénué de sécours, ne pourroit être que très-misérable ; il a besoin du commerce & de l’assistance de ses semblables, pour jouïr d'une vie douce, pour développer ses facultés & vivre d'une manière convenable à sa nature : Tout cela ne se trouve que dans la paix.   C’est dans la paix que les hommes se respectent, qu’ils s'entresécourent, qu’ils s'aiment.   Ils ne sortiroient point de cet heureux état, s'ils n'étoient emportés par les passions, & aveuglés par les illusions grossières de l’amour-propre.   Le peu que nous avons dit des effets de la Guerre, suffit pour faire sentir combien elle est funeste.   Il est triste pour l’humanité, que l’injustice des méchans la rende si souvent inévitable.


 

§.2        Obligation de la cultiver

            Les Nations pénétrées des sentimens de l’humanité, sérieusement occupées de leurs devoirs, éclairées sur leurs véritables & solides intérêts, ne chercheront jamais leur avantage, au préjudice d'autrui ; soigneuses de leur propre bonheur, elles sçauront l’allier avec celui des autres, & avec la Justice & l’équité.   Dans ces dispositions, elles ne pourront manquer de cultiver la Paix.   Comment s'acquitter de ces devoirs mutuels & sacrés, que la Nature leur impose, si elles ne vivent ensemble en paix ? Et cet état ne se trouve pas moins nécessaire à leur félicité, qu'à l’accomplissement de leurs devoirs.   Ainsi la Loi Naturelle les oblige de toute manière à rechercher & à cultiver la Paix.   Cette Loi Divine n'a pour fin que le bonheur du Genre-humain : C’est là que tendent toutes ses règles, tous ses préceptes : on peut les déduire tous de ce Principe, que les hommes doivent chercher leur propre félicité ; & la Morale n’est autre chose que l’Art de se rendre heureux.   Cela est vrai des particuliers ; il ne l’est pas moins des Nations, comme on s'en convaincra sans peine, si l’on veut réfléchir seulement sur ce que nous avons dit de leurs devoirs communs & réciproques, dans le prémier Chapitre du Livre II.


 

§.3        Obligation du Souverain à ce même égard

            Cette obligation de cultiver la paix, lie le Souverain par un double nœud.   Il doit ce soin à son peuple, sur qui la Guerre attire une foule de maux : Et Il le doit de la manière la plus étroite & la plus indispensable ; puisque l’Empire ne lui est confié que pour le salut & l’avantage de la Nation (Liv.I §.39).   Il doit ce même soin aux Nations étrangères, dont la Guerre trouble le bonheur.   Nous venons d'exposer le devoir de la Nation à cet égard ; & le Souverain, revêtu de l’Autorité publique, est en même-tems chargé de tous les devoirs de la Société, du Corps de la Nation (Liv.I §.41).


 

§.4        Etendue de ce devoir

            Cette Paix si salutaire au Genre-humain, non-seulement la Nation ou le Souverain ne doit point la troubler lui-même ; il est de plus obligé à la procurer, autant que cela dépend de lui, à détourner les autres de la rompre sans nécessité, à leur inspirer l’amour de la Justice, de l’équité, de la tranquillité publique, l’amour de la paix.   C’est l’un des plus salutaires Offices, qu'il puisse rendre aux Nations & à l’Univers entier.   Le glorieux & aimable personnage que celui de Pacificateur ! Si un grand Prince en connoissoit bien les avantages ; s'il se réprésentoit la Gloire si pure & si éclatante, dont ce précieux caractère peut le faire jouïr, la reconnoissance, l’amour, la vénération, la confiance des peuples ; s'il sçavoit ce que c'est que régner sur les cœurs ; il voudroit être ainsi le Bienfaiteur, & le Père du Genre-humain : il y trouveroit mille fois plus de charmes, que dans les Conquêtes les plus brillantes.   AUGUSTE fermant le Temple de Janus, donnant la paix à l’Univers, accommodant les différends des Rois & des Peuples ; Auguste en ce moment, paroît le plus grand des Mortels ; c’est presque un Dieu sur la Terre.


 

§.5        Des perturbateurs de la paix

            Mais ces perturbateurs de la Paix publique, ces fléaux de la Terre, qui, dévorés d'une Ambition effrénée, ou poussés par un caractère orgueilleux & féroce, prennent les armes sans Justice & sans raison, se jouent du repos des hommes & du sang de leurs sujets ; ces Héros monstrueux, presque déifiés par la sotte admiration du vulgaire, sont les cruels ennemis du Genre-humain ; & ils devroient être traités comme tels.   L’expérience nous montre assez combien la Guerre cause de maux, même aux peuples qui n'y sont point impliqués : Elle trouble le Commerce, elle détruit la subsistance des hommes, elle fait hausser le prix des choses les plus nécessaires, elle répand de justes alarmes & oblige toutes les Nations à se mettre sur leurs gardes, à se tenir armées.   Quiconque rompt la paix sans sujet, nuit donc nécessairement aux Nations mêmes, qui ne sont pas l’objet de ses armes ; & il attaque essentiellement le bonheur & la sûreté de tous les peuples de la terre, par l’exemple pernicieux qu'il donne.   Il les autorise à se réunir pour le réprimer, pour le châtier, & pour lui ôter une Puissance, dont il abuse.   Quels maux ne fait-il pas à sa propre Nation, dont il prodigue indignement le sang, pour assouvir ses passions déréglées, & qu'il expose sans nécessité au ressentiment d'une foule d'ennemis ! Un Ministre fameux du dernier siécle n'a mérité que l’indignation de sa Nation, qu'il entrainoit dans des Guerres continuelles, sans Justice, ou sans nécessité.   Si par ses talens, par son travail infatigable, il lui procura des succès brillans dans le Champ de Mars, il lui attira, au moins pour un tems, la haine de l’Europe entière.


 

§.6        Jusqu'où on peut continuer la guerre

            L’amour de la paix doit empêcher également & de Commencer la guerre sans nécessité, & de la continuer, lorsque cette nécessité vient à cesser.   Quand un Souverain a été réduit à prendre les armes, pour un sujet juste & important, il peut pousser les opérations de la Guerre, jusqu’à-ce qu’il en ait atteint le but légitime, qui est d'obtenir Justice & sûreté (Liv.III §.28).


             Si la Cause est douteuse, le juste but de la Guerre ne peut être que d'amener l’Ennemi à une Transaction équitable (Liv.III §.38) ; & par conséquent, elle ne peut être continuée que jusques-là.   Aussi-tôt que l’Ennemi offre, ou accepte cette Transaction, il faut poser les armes.


             Mais si l’on a affaire à un Ennemi Perfide ; il seroit imprudent de se fier à sa parole & à ses sermens.   On peut très-justement, & la prudence le demande, profiter d'une Guerre heureuse, & pousser ses avantages, jusqu'à-ce qu’on ait brisé une Puissance excessive & dangereuse, ou réduit cet Ennemi à donner des sûretés suffisantes pour l’avenir.


             Enfin, si l’Ennemi s'opiniâtre à rejetter des Conditions équitables, il nous contraint lui-même à pousser nos progrès jusqu'à la Victoire entière & définitive, qui le réduit & le soumet.   Nous avons vû ci-dessus (Liv.III Chap. VIII, IX & XIII) comment on doit user de la Victoire.


 

§.7        Paix, fin de la Guerre

            Lorsque l’un des Partis est réduit à demander la paix, ou que tous les deux sont las de la guerre, on pense enfin à s'accommoder, & l’on convient des Conditions.   La Paix vient mettre fin à la Guerre.


 

§.8        Effets généraux de la Paix

            Les effets généraux & nécessaires de la Paix sont, de réconcilier les ennemis & de faire cesser de part & d'autre toute hostilité.   Elle remet les deux Nations dans leur état naturel.


Table des matières


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