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11 décembre 2004 6 11 /12 /décembre /2004 00:03

CHAPITRE II

De ce qui sert à faire la Guerre, de la levée des Troupes &c., de leurs Commandans, ou des Puissances subalternes dans la Guerre.

 

§.6        Des instruments de la Guerre

            Le Souverain est le véritable Auteur de la Guerre, laquelle se fait en son nom & par son ordre.   Les Troupes, Officiers, Soldats, & en général tous ceux par le moyen desquels le Souverain fait la Guerre, ne sont que des instruments dans sa main.   Ils exécutent sa volonté, & non la leur.   Les armes, & tout l’appareil des choses qui servent à la Guerre, sont des instruments d'un ordre inférieur.   Il est important, pour des questions qui se présenteront dans la suite, de déterminer précisément quelles sont les choses qui appartiennent à la Guerre.   Sans entrer ici dans le détail, nous disons que tout ce qui sert particulièrement à faire la Guerre, doit être mis au rang des instruments de la Guerre ; & les choses qui sont également d'usage en tout tems, comme les vivres, appartiennent à sa paix ; si ce n'est en certaines occasions particulières, où l’on voit que ces choses-là sont spécialement destinées à soutenir la Guerre.   Les Armes de toute espèce, l’Artillerie, la poudre à canon, le salpêtre & le souffre, qui servent à la fabriquer, les échelles, gabions, outils, & tout l’attirail d'un siège ; les matériaux de construction pour vaisseaux de guerre, les tentes, les habits de soldats &c., tout cela appartient constamment à la Guerre.           

           

 

§.7        Du droit de lever des Troupes

            La Guerre ne pouvant se faire sans soldats il est manifeste que Quiconque a le droit de faire la Guerre, a naturellement aussi celui de lever des Troupes.   Ce dernier droit appartient donc encore au Souverain (§.4), & il et au nombre des Droits de Majesté (L.I §.45).   Le pouvoir de lever des Troupes, de mettre une Armée sur pied, est d'une trop grande conséquence dans l’Etat, pour qu'il puisse être confié à d'autres qu'au Souverain.   Les Puissances subalternes n'en sont point revêtuës : Elles l’exercent seulement par ordre ou par Commission du Souverain.   Mais il n'est pas toûjours nécessaire qu'elles en ayent un ordre exprès.   Dans ces occasions pressantes, où il est impossible d'attendre les ordres suprêmes, un Gouverneur de Province, un Commandant de Place peuvent lever des Troupes, pour la défense de la Ville ou de la Province qui leur est confiée ; & ils le sont en vertu du pouvoir que leur donne tacitement leur Commission, pour des cas de cette nature.

 

            Je dis que ce pouvoir éminent est l’appannage du Souverain ; il fait partie de l’Empire suprême.   Mais on a vû ci-dessus, que les droits, dont l’assemblage constituë la souveraineté, peuvent être divisés (L. I §§.31 & 45), si telle est la volonté de la Nation.   Il peut donc arriver que la Nation ne confie pas à son Conducteur un droit si dangereux à la Liberté, celui de lever des Troupes & de les tenir sur pied, ou qu'elle en limite au moins l’exercice, en le faisant dépendre du consentement de ses Réprésentans.   Le Roi d'Angleterre, qui a le droit de faire la Guerre, a bien aussi celui de délivrer des Commissions pour la levée des Troupes ; mais il ne peut contraindre personne à s'enrôller, ni entretenir une Armée sur pied sans le concours du Parlement.

 

§.8        Obligation des Citoyens ou Sujets

            Tout Citoyen est obligé de servir & de défendre l’Etat, autant qu'il en est capable.   La Société ne peut se conserver autrement ; & ce concours pour la défense commune est une des prémières vuës de toute Association Politique.   Quiconque est en état de porter les armes, doit les prendre, au prémier commandement de celui qui a le pouvoir de faire la Guerre.

 

§.9        Enrôllemens, levée des Troupes

            Autrefois, & sur-tout dans les petits Etats, dès que la Guerre se déclaroit, tout devenoit soldat ; le peuple entier prenoit les armes & faisoit la guerre.   Bientôt on fit un choix, on forma des Armées de gens d'élite, & le reste du peuple se tint à ses occupations ordinaires.   Aujourd’hui l’usage des Troupes réglées s'est établi presque par-tout, & principalement dans les grands Etats.   La Puissance publique lève des soldats, les distribuë en différens Corps, sous l’autorité des Chefs & autres Officiers, & les entretient aussi long-tems qu'elle le trouve à propos.   Puisque tout Citoyen ou sujet est obligé de servir l’Etat, le Souverain est en droit d'enrôller qui il lui plaît, dans le besoin.   Mais il ne doit choisir que des gens propres au métier de la guerre ; & il est tout-à-fait convenable qu'il ne prenne, autant que cela se peut, que des hommes de bonne volonté, qui s'enrôllent sans contrainte.

 

§.10       S’il y a des exemptions de porter les armes

            Naturellement nul n'est exempt de prendre les armes pour la Cause de l’Etat ; l’obligation de tout Citoyen étant la même.   Ceux-là seuls sont exceptés, qui ne sont pas capables de manier les armes, ou de soutenir les fatigues de la guerre.   Par cette raison, on exempte les vieillards, les enfans & les femmes.   Quoiqu'il se trouve des femmes aussi robustes & aussi courageuses que les hommes, cela n'est pas ordinaire ; & les règles sont nécessairement générales, elles se forment sur ce qui se voit plus communément.   D'ailleurs les femmes sont nécessaires à d'autres soins dans la Société ; enfin le mélange des deux séxes dans les armées, entraineroit trop d'inconvéniens.

 

            Autant qu'il est possible, un bon Gouvernement doit employer tous les Citoyens, distribuer les charges & les fonctions, de manière que l’Etat soit le mieux servi, dans toutes ses affaires.   Il doit donc, quand la nécessité ne le presse pas, exempter de la Milice tous ceux qui sont voüés à des fonctions utiles, ou nécessaires à la Société.   C'est pourquoi les Magistrats sont ordinairement exempts ; ils n'ont pas trop de tout leur tems pour rendre la Justice & maintenir le bon ordre.

 

            Le Clergé ne peut naturellement, & de droit, s'arroger aucune exemption particulière.   Défendre la Patrie n'est point une fonction indigne des mains les plus sacrées.   La Loi de l’Eglise, qui défend aux Ecclésiastiques de verser le sang, est une invention commode, pour dispenser d'aller aux coups, des gens souvent si ardens à souffler le feu de la discorde & à exciter des guerres sanglantes.   A la vérité, les mêmes raisons que nous venons d'alléguer en faveur des Magistrats, doivent faire exempter des armes le Clergé véritablement utile, celui qui sert à enseigner la Religion, gouverner l’Eglise & à célébrer le Culte public (a(a) Autrefois les Evêques alloient à la Guerre, à raison de leurs Fiefs, & y menoient leurs Vassaux.   Les Evêques Danois ne manquoient point à une fonction, qui leur plaisoit davantage que les soins paisibles de l’Episcopat.   Le fameux ABSALON Evêque de Roschild & ensuite Archevêque de Lunden, étoit le principal General du Roi VALDEMAR I.   Et depuis que l’usage des Troupes réglées a mis fin à ce service féodal, on a vû des Prélats guerriers ambitionner le Commandement des Armées.   Le Cardinal de LA VALETTE, SOURDIS Archevêque de Bourdeaux endossérent la cuirasse sous le Ministère de RICHELIEU, qui s'en revêtit lui-même, à l’attaque du pas de Suse.   C'est un abus, auquel l’Eglise s'oppose avec raison.   Un Evêque est mieux à sa place dans son Diocèse, qu'à l’Armée : Et aujourd’hui les Souverains ne manquent pas de Généraux & d'Officiers, plus utiles que ne pourroient l’être des Gens d'Eglise.   En général, il convient que chacun reste dans ses fonctions.   Je ne conteste au Clergé qu'une exemption de droit, & dans les cas de nécessité.).

 

            Mais cette immense multitude d'inutiles Religieux, ces gens, qui, sous prétexte de se consacrer à Dieu, se voüent en effet à une molle oisiveté, de quel droit prétendent-ils une prérogative ruïneuse à l’Etat ? Et si le Prince les exempte des armes, ne fait-il pas tort au reste des Citoyens, sur qui il rejette le fardeau ? Je ne prétens pas ici conseiller à un Souverain de remplir ses Armées de Moines ; mais de diminuer insensiblement une Espèce inutile, en lui ôtant des Privilèges abusifs & mal fondés.   L’Histoire parle d'un Évêque guerrier (b(b) Un Evêque de Beauvais sous PHILIPPE-AUGUSTE.   Il combattit à la Bataille de Bouvines.), qui combattoit avec une massuë, assommant les ennemis, afin de ne pas encourir l’irrégularité en répandant leur sang.   Il seroit plus raisonnable, en dispensant les Religieux de porter les armes, de les employer aux travaux & au soulagement des soldats.   Plusieurs s'y sont prêtés avec zèle dans la nécessité : je pourrois citer plus d'un siège fameux, où des Religieux ont servi utilement à la défense de la Patrie.   Quand les Turcs assiégèrent Malte, les Gens d'Eglise, les femmes, les enfans mêmes, tous contribuèrent chacun selon son état ou ses forces, à cette glorieuse défense qui rendit vains tous les efforts de l’Empire Ottoman.

 

            Il est une autre espèce de fainéans, dont l’exemption est plus criante encore ; je veux parler de ce tas de valets, qui remplissent inutilement les Maisons des Grands & des riches : Gens dont la vocation est de se corrompre eux -mêmes, en étalant le luxe de leur Maître.

 

§.11       Solde & logement des Gens de guerre

            Chez les Romains, la Milice fut gratuite, pendant que tout le peuple y servoit à son tour.   Mais dès que l’on fait un choix, dès que l’on entretient des Troupes sur pied, l’Etat doit les soudoyer ; car personne ne doit que sa quote-part du service public : Et si les revenus ordinaires ne suffisent pas, il faut y pourvoir par des Impôts.   Il est juste que ceux qui ne servent pas, payent leurs Défenseurs.

 

            Quand le soldat n'est pas sous la tente, il faut nécessairement le loger.   Cette charge tombe naturellement sur ceux qui possèdent des Maisons.   Mais comme elle est sujette à bien des inconvéniens, & très-fâcheuse aux Citoyens ; il est d'un bon Prince, d'un Gouvernement sage & équitable, de les en soulager autant qu'il est possible.   Le Roi de France y a pourvû magnifiquement en bien des Places, par des Casernes, construites pour le logement de la Garnison.

 

§.12       Des Hôpitaux & Hôtels d'Invalides

            Les Asyles préparés aux soldats & aux Officiers pauvres, qui ont blanchi sous le harnois, que les fatigues ou le fer de l’ennemi ont mis hors d'état de pourvoir à leurs besoins, peuvent être envisagés comme une partie de la solde militaire.   En France & en Angleterre, de magnifiques Etablissemens en faveur des Invalides, font honneur au Souverain & à la Nation, en acquittant une dette sacrée.   Le soin de ces infortunées victimes de la Guerre, est un devoir indispensable pour tout Etat, à proportion de son pouvoir.   Il est contraire, non pas seulement à l’humanité, mais à la plus étroite justice, de laisser périr de misère, ou indignement forcés à mendier leur pain, de généreux Citoyens, des Héros, qui ont versé leur sang pour le salut de la Patrie.   Leur entretien honorable seroit une charge bien convenable à répartir sur les riches Couvents & sur les gros Bénéfices Ecclésiastiques.   Il est trop juste que des Citoyens, qui fuient tous les dangers de la guerre, employent une partie de leurs richesses à soulager leurs vaillans Défenseurs.

 

§.13       Des soldats mercénaires

            Les soldats mercénaires sont des Etrangers qui s'engagent volontairement à servir l’Etat, pour de l’argent, pour une solde convenuë.   Comme ils ne doivent aucun service à un Souverain, dont ils ne sont pas sujets, les avantages qu'il leur fait sont leurs motifs.   Ils contractent, par leur engagement, l’obligation de le servir & le Prince, de son côté leur promet des conditions, stipulées dans leur Capitulation.   Cette Capitulation, règle & mesure des obligations & des droits respectifs des Contractans, doit être observée religieusement.   Les plaintes de quelques Historiens François, contre des Troupes Suisses, qui, en diverses occasions, ont autrefois refusé de marcher à l’ennemi & se sont même retirées parce qu’on ne les payoit pas ; ces plaintes, dis-je, ne sont pas moins ridicules qu'injustes.   Par quelle raison, une Capitulation lieroit-elle plus fortement l’une des parties que l’autre ? Dès que le Prince ne tient pas ce qu’il a promis, les soldats étrangers ne lui doivent plus rien.   J'avoüe qu'il y auroit peu de générosité à abandonner un Prince, Lorsqu’un accident le mettroit pour un tems hors d'état de payer, sans qu'il y eût de sa faute.   Il pourroit se trouver même des circonstances, dans lesquelles cette infléxibilité seroit, sinon injuste à rigueur, au moins fort contraire à l’équité.   Mais ce n'a jamais été le cas des Suisses.   Ils ne quittoient point à la prémière montre qui manquoit : Et lorsqu’ils ont vû dans un Souverain beaucoup de bonne volonté, jointe à une véritable impuissance de les satisfaire, leur patience & leur zèle se sont constamment soutenus.   HENRI IV leur devoit des sommes immenses : Ils ne l’abandonnèrent point dans ses plus grandes nécessités ; & ce Héros trouva dans la Nation autant de générosité que de bravoure.

 

            Je parle ici des Suisses, parce qu'en effet, ceux dont il est question étoient souvent de simples Mercénaires.   Mais il ne faut pas confondre avec des Troupes de cette espèce, les Suisses qui servent aujourd’hui diverses Puissances avec la permission de leur Souverain & en vertu des Alliances, qui subsistent entre ces Puissances & le Corps Helvétique ou quelque Canton en particulier.   Ces dernières Troupes sont de véritables Auxiliaires, quoique payées par les Souverains qu'elles servent.

 

            On a beaucoup agité la question, si la profession de soldat mercénaire est légitime, ou non ; s'il est permis à des particuliers de s'engager pour de l’argent, ou pour d'autres récompenses, à servir un Prince étranger, dans ses guerres.   Je ne vois pas que cette question soit fort difficile à résoudre.   Ceux qui s'engagent ainsi, sans la permission expresse ou tacite, de leur Souverain péchent contre leur devoir de Citoyens.   Mais dès que le Souverain leur laisse la liberté de suivre leur inclination pour les armes ; ils deviennent libres à cet égard.   Or il est permis à tout homme libre, de se joindre à telle Société qu'il lui plaît, & où il trouve son avantage, de faire Cause commune avec elle, & d'épouser ses querelles.   Il devient en quelque façon, au moins pour un tems, Citoyen de l’Etat où il prend du service : Et comme, pour l’ordinaire, un Officier est libre de quitter quand il le trouve propos, & le simple soldat au terme de son engagement ; si cet Etat entreprend une guerre Manifestement injuste, l’Etranger peut prendre son Congé.   Ce soldat mercénaire, en apprenant le métier de la guerre, se sera rendu plus capable de servir sa Patrie, si jamais elle a besoin de son bras.   Cette dernière considération nous fournira la réponse à une instance, que l’on fait ici.   On demande, si le Souverain peut honnêtement permettre à ses sujets de servir indistinctement des Puissances étrangères, pour de l’argent ? Il le peut, par cette seule raison, que de cette manière ses sujets vont à l’Ecole d'un Métier, qu'il est utile & nécessaire de bien savoir.   La tranquillité, la paix profonde, dont jouit depuis long-tems la Suisse, au milieu des Guerres qui agitent l’Europe, ce long repos lui deviendroit bientôt funeste, si ses Citoyens n'alloient pas dans les services étrangers, se former aux opérations de la guerre & entretenir leur ardeur martiale.

 

§.14       Ce qu'il faut observer dans leur engagement

            Les soldats mercénaires s'engagent volontairement ; le Souverain n'a aucun droit de contraindre des étrangers : il ne doit même employer ni surprise, ni artifice, pour les engager à un Contrat, lequel, aussi bien que tout autre, doit être fondé sur la bonne-foi.

 

§.15       Des enrôllemens en pays étrangers

            Le droit de lever des soldats appartenant uniquement à la Nation, ou au Souverain (§.7) personne ne peut en enrôller en pays étranger, sans la permission du Souverain ; & avec cette permission même, on ne peut enrôller que des volontaires.   Car il ne s'agit pas ici du service de la Patrie, & nul Souverain n'a le droit de donner, ou de vendre ses sujets à un autre.

 

            Ceux qui entreprennent d'engager des soldats en pays étranger, sans la permission du Souverain, & en général quiconque débauche les sujets d'autrui, viole un des droits les plus sacrés du Prince & de la Nation.   C’est le crime que l’on appelle Plagiat, ou vol d'homme.   Il n'est aucun Etat policé qui ne le punisse très-sévèrement.   Les Enrôlleurs étrangers sont pendus sans rémission & avec justice.

 

            On ne présume point que leur Souverain leur ait commandé de commettre un crime, & quand ils en auroient reçu l’ordre, ils ne devoient pas obéir ; le Souverain n'étant pas en droit de commander des choses contraires à la Loi Naturelle.   On ne présume point, dis-je, que ces Enrôlleurs agissent par ordre de leur Souverain, & on se contente pour l’ordinaire de punir, quand on peut les attraper, ceux qui n'ont mis en œuvre que la séduction.   S'ils ont usé de violence ; on les réclame, lorsqu’ils ont échapé, & on redemande les hommes qu’ils ont enlevés.   Mais si l’on est assûré qu’ils ont eû des ordres, on est fondé à regarder cet attentat d'un Souverain étranger comme une injure, & comme un sujet très-légitime de lui déclarer la Guerre, à moins qu'il ne fasse une réparation convenable.

 

§.16       Obligation des soldats

            Tous les soldats, sujets ou étrangers doivent prêter serment de servir avec fidélité, & de ne point déserter le service.   Ils y sont déja obligés, les uns par leur qualité de sujets, & les autres par leur engagement.   Mais leur fidélité est si importante à l’Etat, qu’on ne sçauroit prendre trop de précautions pour s'en assûrer.   Les déserteurs méritent d'être punis très-sévèrement, & le Souverain peut même décerner contre eux une peine capitale, s'il le juge nécessaire.   Les émissaires, qui les sollicitent à la désertion, sont beaucoup plus coupables encore que les enrôlleurs, dont nous venons de parler.

 

§.17       Des Loix Militaires

            Le bon ordre & la subordination, par-tout si utiles, ne sont nulle part si nécessaires que dans les Troupes.   Le Souverain doit déterminer exactement les fonctions, les devoirs & les droits des gens de Guerre, soldats, Officiers, Chefs des Corps, Généraux ; il doit régler & fixer l’autorité des Commandans dans tous les grades, les peines attachées aux délits, la forme des Jugemens &c.   Les Loix & les Ordonnances, qui concernent ces différens points, forment le Code Militaire.

 

§.18       De la Discipline Militaire

             Les réglemens qui tendent en particulier à maintenir l’ordre dans les troupes & à les mettre en état de servir utilement, forment ce qu’on appelle la Discipline Militaire, Elle est d'une extrême importance.   Les Suisses sont la prémiére des Nations modernes qui l’ait remise en vigueur.   Une bonne Discipline jointe à la Valeur d'un Peuple libre, produisit dès les commencemens de la République, ces exploits éclatans, qui étonnèrent toute l’Europe.   MACHIAVEL dit, que les Suisses sont les Maîtres de l’Europe dans l’art de la Guerre (a(a) Discours sur TITE LIVE).   De nos jours les Prussiens ont fait voir ce que l’on peut attendre d'une bonne Discipline & d'un exercice assidu : Des soldats ramassés de tout côté, ont exécuté, par la force de l’habitude & par l’impression du Commandement, ce que l’on pourroit espérer des sujets les plus affectionnés.

 

§.19       Des Puissances subalternes dans la guerre

            Chaque Officier de Guerre, depuis l’Enseigne jusqu’au Général, jouit des droits & de l’autorité qui lui sont attribués par le Souverain : Et la volonté du Souverain, à cet égard, se manifeste par ses déclarations expresses, soit dans les Commissions qu'il délivre, soit dans les Loix Militaires ; ou elle se déduit, par une conséquence légitime, de la nature des fonctions commises à un chacun.   Car tout homme en place est présumé revêtu de tous les pouvoirs, qui lui sont nécessaires pour bien remplir sa Charge, pour s'acquitter heureusement de ses fonctions.

 

            Ainsi la Commission de Général en chef, quand elle est simple & non limitée, donne au Général un pouvoir absolu sur l’Armée, le droit de la faire marcher où il juge à propos d'entreprendre telles opérations qu'il trouve convenables au service de l’Etat &c.   Il est vrai que souvent on limite son pouvoir : Mais l’exemple du Maréchal de TURENNE montre assez, que quand le Souverain est assûré d'avoir fait un bon choix, il lui est avantageux & salutaire de donner carte blanche au GénéraL.   Si le Duc de MARLBOUROUGH eût dépendu dans ses opérations, de la direction du Cabinet ; il n’y a pas d'apparence que toutes ses Campagnes eussent été couronnées de succès si éclatans.

 

            Quand un Gouverneur est assiégé dans sa Place ; toute communication lui étant ôtée avec son Souverain, il se trouve par cela même revêtu de toute l’Autorité de l’Etat, en ce qui concerne la défense de la Place & le salut de la Garnison.   Il est nécessaire de bien remarquer ce que nous disons ici, afin d'avoir un principe pour juger de ce que les divers Commandans, qui sont des Puissances subalternes, ou inférieures, dans la Guerre, peuvent faire avec un pouvoir suffisant.

 

            Outre les conséquences que l’on peut tirer de la nature même des fonctions, il faut encore ici consulter la Coûtume & les usages reçûs.   Si l’on sçait que chez une Nation, les Officiers d'un certain grade ont constamment été revêtus de tels ou tels pouvoirs, on présume légitimement que celui à qui on a affaire est muni des mêmes pouvoirs.

 

§.20       Comment leurs promesses obligent le Souverain

            Tout ce qu'une Puissance inférieure, un Commandant dans son département, promet dans les termes de sa Commission & suivant le pouvoir que lui donnent naturellement son Office & les fonctions qui lui sont commises ; tout cela, dis-je, par les raisons que nous venons d'exposer, est promis au nom & en l’autorité du Souverain, & l’oblige comme s'il avoit promis lui-même immédiatement.   Ainsi un Commandant capitule pour sa Place & pour sa Garnison ; & le Souverain ne peut invalider ce qu’il a promis.   Dans la dernière Guerre, le Général qui commandoit les François à Lintz, s'engagea à ramener ses Troupes en-deça du Rhin.   Des Gouverneurs de Place ont souvent promis que pendant un certain tems, leur Garnison ne porteroit point les armes contre l’ennemi avec qui ils capituloient : Et ces Capitulations ont été fidèlement observées.

 

§.21       En quels cas leurs promesses ne lient qu'elles seules

            Mais si la Puissance inférieure va plus loin & passe le pouvoir de sa Charge, la promesse n’est plus qu'un engagement privé, ce que l’on appelle sponsio & dont nous avons traité ci-dessus (L.II Ch.XIV).   C'étoit le cas des Consuls Romains aux Fourches-Caudines.   Ils pouvoient bien consentir à livrer des Otages, à faire passer l’Armée sous le joug &c.   Mais ils n'étoient pas en pouvoir de faire la paix ; comme ils eurent soin d'en avertir les Samnites.

 

§.22       De celle qui s'attribuë un pouvoir qu’elle n'a pas

            Si une Puissance inférieure s'attribuë un pouvoir qu'elle n'a pas, & trompe ainsi celui qui traite avec elle, même un Ennemi ; elle est naturellement tenuë du dommage causé par sa fraude, & obligée à le réparer.   Je dis, même un Ennemi ; car la Foi dans les Traités doit être gardée entre

 

            Ennemis, comme en conviennent tous ceux qui ont du sentiment, & comme nous le prouverons dans la suite.   Le Souverain de cet Officier de mauvaise foi, doit le punir & l’obliger à réparer sa faute ; il le doit à la justice & à sa propre gloire.

 

§.23       Comment elles obligent leurs inférieurs

            Les Puissances subalternes obligent par leurs promesses ceux qui sont sous leurs ordres, à l’égard de toutes les choses qu'elles sont en pouvoir & en possession de leur commander.   Car, à l’égard de ces choses-là, elles sont revêtuës de l’autorité du Souverain, que leurs inférieurs sont tenus de respecter en elles.   C’est ainsi que dans une Capitulation, le Gouverneur de la Place stipule & promet pour sa Garnison, & même pour les Magistrats & les Citoyens.


 

 

 

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