31 décembre 2007
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ELLIOTT ROOSEVELT
MON PERE M'A DIT...
MON PERE M'A DIT...
(As He Saw It)
Chapitre VI : LE CAIRE I (autres chapitres ici)
(Première partie)
Tandis que nous survolions, de nuit, les vastes étendues du désert entre Tunis et l'Egypte, j'entendis mon beau-frère s'entretenir avec le général Eisenhower. Il déplorait entre autres les difficultés auxquelles se heurtaient les officiers du gouvernement militaire en Italie. Je finis cependant par m'endormir et ne me réveillai que juste à temps pour ne pas manquer le spectacle des approches du Caire.
Le panorama est, en effet, magnifique. Le désert déploie, à perte de vue, sa nappe de sable brunâtre. Puis, soudain, sans transition, le sable fait place à une mer de verdure, d'un vert si éclatant qu'on est comme aveuglé. C'est la bande étroite de terre fertile qui s'étend du nord au sud : la vallée du Nil. Nous allongeâmes le cou pour apercevoir les pyramides de Gizeh. Quelques propos s'échangèrent : « Où est le Sphinx ? » « Est-ce ça ? », et déjà notre avion plongeait vers la verdure, décrivant une courbe au-dessus du ruban bleu sale du Nil, pour venir se poser sur l'aérodrome de Payne, au sud-est de la ville.
Des voitures militaires nous attendaient pour nous ramener sur la rive gauche du Nil et nous conduire, à travers les rues grouillantes du Caire, vers le faubourg de Mena, à l'ouest de la ville, où la conférence se poursuivait déjà depuis deux jours.
Comme à Casablanca, Mike Reilly et ses hommes avaient veillé à ce que l'enceinte réservée à la réunion fût entourée de fils de fer barbelés.
La plupart des membres étaient logés à Mena House, hôtel dû à un architecte de l'époque victorienne, à en juger par son apparence. Mon père habitait dans la villa de l'Ambassadeur Kirk. Churchill ainsi que Tchang et sa femme, arrivés là un jour avant mon père, étaient également installés dans des villas proches.
J'imagine que la Conférence du Caire devait donner pas mal de soucis à Mike, en dépit du fil de fer barbelé. A ses yeux, le Caire était une ville remplie d'individus que les querelles politiques risquaient de conduire tout droit à l'idée d'assassiner une des personnalités résidant dans le quartier de Mena, sinon toutes.
Dès que la voiture de l'armée m'eut déposé devant la villa de l'Ambassadeur Kirk, j'allai dire bonjour à mon père. Il n'était pas encore dix heures et demie. Mon père était au lit, et prenait son petit déjeuner seul. Il avait bonne mine et semblait reposé. Je lui demandai ce qui s'était passé pendant ces deux jours.
— Beaucoup de choses, beaucoup de choses... me dit-il.
— C'est-à-dire ?
— Oh... J'ai eu une entrevue avec le généralissime chinois, j'ai visité les Pyramides, j'ai reçu un télégramme d'Oncle Joe.
— Tiens ! Et qu'est-ce qu'il te dit ?
— Il dit qu'il sera à Téhéran le 28, dimanche prochain.
— Alors, la réunion est décidée ?
— Ça en a bien l'air.
Tout en continuant à manger ses oeufs, il me lança un regard.
— Que penses-tu du généralissime? demandai-je.
— A peu près ce que je prévoyais, dit-il avec un haussement d'épaules. Il est venu dîner ici, hier soir, avec Mme Tchang, et ils sont restés jusqu'à onze heures. Il sait ce qu'il veut, et il sait aussi qu'il ne peut pas obtenir tout ce qu'il veut. Mais nous trouverons une solution.
Il écarta le plateau et dit :
— Veux-tu bien me donner la main, Elliott?
En s'appuyant sur moi, il se leva et commença à s'habiller, tout en parlant, tandis que je dégustais une rôtie restée sur son plateau et me versais un peu de café.
— Nous avons eu déjà deux réunions plénières. Les chefs d'état-major y ont assisté. Mais, vois-tu, cela a été... comment dirais-je ? trop officiel. Il n'y a pas été question de ce qui se passe réellement en Chine, en Birmanie et aux Indes. En causant hier soir avec Tchang et sa femme, j'en ai appris plus qu'au cours de ces quatre heures de conférence avec les chefs d'état-major.
— A quel sujet ?
— Au sujet de la guerre ou plutôt au sujet des raisons pour lesquelles on ne fait pas la guerre en Chine. Le fait est que les troupes de Tchang ne se battent pas du tout, quoi qu'en disent les communiqués publiés par la presse. Le généralissime affirme que ses troupes ne sont pas entraînées et qu'elles manquent d'équipement. C'est d'ailleurs facile à croire. Mais cela n'explique pas pourquoi il met tant de zèle à empêcher Stilwell d'instruire les troupes chinoises. Et cela n'explique pas non plus pourquoi il garde ses meilleurs soldats massés par milliers dans le nord-ouest, aux frontières de la Chine Rouge.
Arthur Prettyman, le valet de chambre de mon père, entra pour enlever le plateau du petit déjeuner et revint bientôt afin d'aider mon père à terminer sa toilette.
Cependant, notre conversation continuait. Mon père me parla des difficultés de transport du matériel et de l'attitude des Anglais qui s'étaient opposés à la construction de la route de Ledo et à l'organisation de la moindre offensive dans la jungle birmane... Il me parla aussi des problèmes que posaient les livraisons aéroportées au-dessus de Hump et des sacrifices tragiques que réclamait cette tâche particulière en matière d'approvisionnement. J'avais déjà eu l'occasion de m'entretenir avec plusieurs aviateurs de l'A.T.C. qui connaissaient, pour y avoir travaillé, la situation qui régnait dans le secteur C.B.I. (Chine-Birmanie-Indes). et je savais par conséquent que l'on pouvait trouver beaucoup à y redire. J'en parlai à mon père. Il m'écouta, puis hocha la tête.
— Une mission, dans cette région-là, n'est pas une partie de plaisir, me dit-il. Certains parlent du front du Pacifique comme d'un front oublié. Or, comparé au C.B.I., le Pacifique est aussi mouvementé que le Times Square à Broadway et la Quarante-deuxième rue. Je n'envie pas ceux qui sont là-bas, à commencer par Stilwell. Ils ont pour tâche de mener le combat dans toute la mesure du possible, et ils ne sont pour ainsi dire pas ravitaillés. On ne peut leur en vouloir de ne pas se rendre compte que la guerre se joue surtout en Europe et que, dès que cette guerre sera gagnée, le centre de gravité sera reporté au Japon et dans les Philippines. Il ne sera jamais dans leur secteur, mais on ne peut leur faire grief de chercher à l'attirer vers eux.
« J'ai vu Stilwell l'autre soir, poursuivit-il, à la réunion de l'état-major. Je lui ai demandé de se rendre libre pour quelque temps, dès que nous aurions l'occasion de causer un peu entre nous. Je n'ose pas penser à ce qu'il adviendrait en Chine s'il n'y était pas.
« Notre tâche se ramène pratiquement à ceci : il faut maintenir la Chine dans la guerre afin d'immobiliser une partie des armées japonaises.
Je demandai à mon père ce qu'il pensait des Anglais du C. B. I. :
— Je croyais qu'il s'y passerait de grandes choses à l'arrivée de Mountbatten, ajoutai-je.
Mon père sourit :
— Je crois que Mountbatten a fait effectivement de grandes choses. Ce qu'il veut faire maintenant, c'est réunir assez de bateaux de débarquement pour lancer une attaque amphibie dans les Iles Andaman.
— Les Iles Andaman ? Où sont-elles ?
— A entendre Churchill, on croirait que c'est le point stratégique le plus important du côté de ses chers Balkans. Elles se trouvent, en réalité, dans le Golfe du Bengale au large de la Birmanie méridionale. Les Anglais croient que, des Iles Andaman, ils pourraient attaquer Rangoon.
— Je présume que tous les navires de débarquement dont on dispose sont réservés au second front, pour le printemps prochain.
— Tu me croiras ou tu ne me croiras pas, Elliott, mais les Anglais recommencent à soulever des questions et à faire des réserves au sujet du front occidental.
— Au sujet du plan Overlord? Je croyais pourtant que la chose était réglée à Québec.
— Nous le croyions tous. Le fait est que c'est une chose réglée. Mais cela n'empêche pas Winston d'exprimer ses doutes à tout bout de champ et à qui veut l'entendre.
— Quelle justification en donne-t-il ?
— Il s'agit toujours de l'idée d'une attaque par les Balkans, d'un « front commun avec la Russie », ou quelque chose comme ça. Le général Marshall est... très patient, très poli et très ferme. Il me semble que depuis quelque temps Winston n'a pas beaucoup de sympathie pour le général Marshall. Il constate que, quelle que soit la manière dont il use à son égard, flatterie, logique ou emportement, Marshall préfère toujours la politique qui consiste à asséner un grand coup de poing sur la mâchoire d'Hitler.
— Je ne voudrais pas être à la place de ceux qui doivent tenir tête à Churchill.
— Eh bien, dit mon père, je vais te nommer un homme qui mérite une médaille pour savoir à merveille s'y prendre avec lui. C'est Ike Eisenhower.
— Au fait ! m'écriai-je. Cela me fait penser à quelque chose.
— A quoi ? demanda mon père. Et dépêche-toi car, à onze heures, j'ai une réunion avec les chefs d'état-major. Je n'ai plus que cinq minutes.
— As-tu dit sérieusement qu'Eisenhower méritait une médaille ?
— Bien sûr. Mais il ne veut pas en accepter. Au moment où l'on décernait à Mac Arthur la Medal of Honor, la même décoration était également offerte à Ike, mais il l'a refusée, sous prétexte qu'elle est destinée à récompenser des actes de bravoure et qu'il n'en a accompli aucun.
— Il y a un mois, fis-je, j'en ai parlé à Beedle Smith. Il m'a dit que la seule décoration dont Eisenhower eût envie parmi celles qu'il n'avait pas était la Legion of Merit. Il le tenait d'Ike lui-même. Cette décoration, me dit Smith, ferait plaisir à Eisenhower, parce que tout le monde peut l'avoir dans l'armée, ne serait-ce qu'à titre de bon cuisinier. Pourtant Ike ne l'a pas reçue.
Mon père réfléchit un instant, un sourire aux lèvres.
— Peut-on arranger ça en secret?
— Pourquoi pas ?
— Bien. Si tu peux faire envoyer un message à Smith lui demandant de rédiger une citation — campagne nord-africaine, campagne de Sicile, etc. — et s'il peut recevoir la médaille ici, je la lui épinglerai moi-même, avant de partir pour Téhéran.
— Je ferai le nécessaire, fis-je.
Cependant que mon père se rendait à sa réunion avec les chefs d'état-major, je montai dans la chambre qui avait été préparée à mon intention, fis ma toilette et commandai un petit déjeuner digne de ce nom. On me servit sur le toit en terrasse de la villa, un endroit charmant et ensoleillé avec vue sur les Pyramides.
Tout ce luxe me rappela que la conférence du Caire ne se déroulait pas dans les mêmes conditions que celle de Casablanca. Cette fois, la Marine avait envoyé huit maîtres d'hôtel et maîtres-queux, tous des Philippins qui savaient organiser merveilleusement, avec des rations militaires, des banquets convenables et prévenir le moindre désir des convives.
Cela me dispenserait de veiller à ce que les verres ne fussent jamais vides. Je n'avais pas à être constamment sur le qui-vive comme aux conférences précédentes, et je conservais mes fonctions auprès de mon père. Cela me promettait aussi un peu de temps libre et la possibilité de m'absenter de la villa pour aller faire un tour en ville.
Ce matin-là, assis au soleil sur la terrasse, je pus me détendre complètement, contempler à loisir les Pyramides et méditer — comme tant d'autres ont dû le faire avant moi devant ce spectacle — sur le temps et l'éternité, sur les guerres qui, au cours des siècles, furent livrées autour de ces tombes, sur les généraux qui se sont succédé, sur les Pharaons, les Césars, les rois, les maréchaux et les généralissimes.
L'amiral McIntire vint fort heureusement troubler cette rêverie qui accompagnait ma dernière tasse de café. Il était aussi le médecin de mon père, et le projet de celui-ci de se rendre à Téhéran en avion lui causait des inquiétudes.
— Comment pouvez-vous, Mac, vous laisser envahir par les soucis sous un soleil aussi radieux ? dis-je.
— Je parle sérieusement, Elliott. Je crois qu'il devrait se contenter d'aller en avion jusqu'à Bassora seulement et, là, prendre le train. Dans les montagnes de l'Iran, on est obligé de voler très haut. Or, l'altitude...
— Il doit y avoir des cols dans les montagnes.
— Certes, mais tout de même... Vous déjeunez avec lui, n'est-ce pas ?
— Oui, sauf imprévu.
— Il vous écoutera, vous. Dites-lui qu'il devrait faire la dernière partie de son voyage en chemin de fer. C'est sérieux.
— En avez-vous parlé à Otis Bryan ?
— Non.
— Pourquoi ne pas lui demander d'examiner la question, de voir s'il y a des cols ? Jusqu'à quelle altitude mon père peut-il aller sans danger ?
— Jusqu'à 2.500 mètres au grand maximum.
— Parfait. J'en parlerai à Bryan. Il a assez souvent piloté l'avion de mon père pour comprendre la question. Ne vous faites plus de soucis à ce sujet, Mac, je m'en charge.
La conférence avait commencé un peu avant une heure. J'allai saluer le Premier Ministre et Harry Hopkins ainsi que tous ceux que je n'avais pas rencontrés à Casablanca : le général Marshall, le général Arnold, l'amiral King et le général Somerwell, ainsi que leurs collègues britanniques.
Juste avant le déjeuner j'eus l'occasion d'échanger quelques mots avec mon père. Je lui demandai où en était le plan Overlord.
— Remis en question, fit-il en souriant. Du moins du point de vue des Anglais. Les plans de Québec sont pourtant maintenus.
Il allait me quitter quand il reprit :
— Ils ont conçu une nouvelle idée, celle d'une attaque de moindre envergure, peut-être en Norvège. Le point de gravité resterait néanmoins fixé en Méditerranée. Mais la discussion n'est pas encore terminée.
Il fit, dans la direction du général Marshall, un signe accompagné d'un regard éloquent.
— C'est le général George, ajouta-t-il, qui est le meilleur d'entre nous à la table de conférence. Pour lui, la seule question qui se pose est celle-ci : Qui commandera les troupes d'invasion à l'Ouest ?
Harry Hopkins et John Boettiger s'approchèrent de nous et mon père sortit avec eux pour attendre l'heure du déjeuner dans le jardin. A table, on ne parla pas de politique. Harry rappela à mon père que Tchang et sa femme donnaient une cocktail-party l'après-midi.
— C'est exact, ma foi. Mais je ne pourrai pas y aller. Cela te dit quelque chose, à toi, Elliott?
— Une cocktail-party chez les Tchang? Parfait. Si toutefois tu n'as pas besoin de moi.
— Cet après-midi, me dit mon père, il n'y aura pas grand'chose, sauf quelques visites protocolaires. Reste là un moment à t'occuper des visiteurs en attendant que je les reçoive. Mais, à quatre heures et demie, laisse tout et fais-toi conduire à la villa des Tchang.
— Comment t'excuserai-je ?
— Dis-leur que j'ai rendez-vous à cinq heures avec Lawrence Steinhardt.
Steinhardt était notre ambassadeur en Turquie. Des bruits couraient à cette époque avec persistance sur une prochaine entrée en guerre de la Turquie aux côtés des Alliés. Je demandai à mon père si quelque décision avait été prise à ce sujet.
— Non, rien de définitif n'a été arrêté, répondit-il. Mais ma décision à moi est prise.
Harry Hopkins eut un petit rire. Il était facile de deviner que cette question venait justement d'être discutée et qu'un désaccord s'était manifesté quant à la décision définitive. Une tierce personne s'y était sans doute opposée. Il n'était pas non plus difficile de deviner que cette tierce personne n'était autre que Churchill.
— Et ta propre décision concernant la Turquie, papa, est-ce un grand secret ici ?
Il se mit à rire.
— Je l'ai fait connaître à tout le monde, je crois, dit-il. La Turquie n'entrera en guerre à nos côtés que si nous lui donnons beaucoup de matériel de guerre en prêt-bail. Et pourquoi cela? Uniquement parce qu'elle veut être forte dans le monde d'après-guerre ? Winston pense qu'il faut lui fournir du matériel pour qu'elle intervienne dans le combat. Pourquoi ? Comment expliquer son point de vue si l'on pense que tout matériel de guerre fourni à la Turquie, c'est autant de matériel en moins pour l'invasion de l'Europe.
Je risquai une hypothèse :
— Peut-être, dis-je, l'entrée en guerre de la Turquie à nos côtés renforcerait-elle la thèse de Churchill qui veut combattre Hitler en partant de la Méditerranée?
— Cela se pourrait, dit mon père d'un ton sarcastique.
Après le déjeuner, les visites que mon père avait qualifiées de « protocolaires » commencèrent et la villa de l'ambassadeur Kirk prit l'aspect d'une grande gare aux heures d'affluence. Nous accueillions les visiteurs dans le hall, les introduisions dans le salon, leur offrions à fumer tout en bavardant et, au bout de quelques minutes, au signal convenu, nous les priions de nous suivre dans le jardin où mon père était assis, soit avec Harry, soit avec moi, soit avec Pa Watson, son aide de camp militaire. Ces visites se succédèrent, de deux heures un quart à quatre heures et demie, dans l'ordre suivant : Sir Ahmed Mohamed Hassanein Pacha, chef du cabinet royal égyptien; Mustapha Nahas Pacha, premier ministre égyptien et ministre des Affaires Etrangères, (il présenta à mon père les regrets de Sa Majesté, le roi Farouk Ier, qui, ayant été récemment victime d'un accident d'automobile, n'avait pas pu venir en personne) ; le roi Georges de Grèce (mon père dit en parlant de lui : « Charmant garçon, surtout pour quelqu'un qui a la tête aussi vide ») ; Emmanuel Tsouderos, alors premier ministre et ministre des Affaires Etrangères du gouvernement grec en exil ; Lord Killean, ambassadeur de Grande-Bretagne en Egypte ; le roi Pierre de Yougoslavie (je demandai à mon père ce qu'il pensait de Pierre qui avait, paraît-il, sollicité l'aide directe des Américains pour reconquérir son trône qui lui échappait ; mon père parut étonné que l'on pût s'intéresser à lui. « Que veux-tu qu'on pense de lui ? Ce n'est qu'un enfant. Les idées qu'il pourrait avoir lui auront été dictées par quelqu'un d'autre ») ; Pouritch, premier ministre et ministre des Affaires Etrangères yougoslave ; le prince Paul de Grèce; le général Sir Henry Maitland Wilson, commandant en chef des forces britanniques dans le Moyen-Orient, venu avec le général Royce, son collègue américain; le maréchal en chef de l'Air Sir Sholto Douglas, commandant de la R. A. F. dans le Moyen-Orient; l'amiral Sir Algernon Willis, commandant naval britannique dans le Levant; et le général R. G. W. Stone, commandant des troupes britanniques en Egypte.
Profitant d'une brève accalmie, j'échangeai quelques paroles avec Harry Hopkins.
— Je suppose que mon père et Churchill ont recommencé à se chamailler?
— Il y a une différence, cette fois, répondit Harry avec un mouvement d'épaules, ou plutôt il y en a deux. D'abord, nous produisons maintenant tout le matériel de guerre : des tanks, des navires, des canons. Cela compte. Dorénavant, la guerre se fera avec du matériel fabriqué en Amérique et par des soldats nés en Amérique pour la plus grande partie. Cela fait une différence, n'est-ce pas ?
— Bien sûr.
— Qui mène le jeu ?
Il me regarda un instant d'un air soucieux.
— Et pourtant, reprit-il, Winston n'oublie pas que cette conférence a lieu sur le sol de l'Empire. Cela crée une légère nuance. Il y a aussi autre chose. L'ordre du jour de cette conférence diffère de celui des précédentes. On y discutera principalement des affaires d'Extrême-Orient et du Moyen-Orient, donc des questions et des hommes que, nous autres Américains connaissons fort peu, sans excepter votre père. Quant à Churchill et à Eden, ils sont là-dedans depuis l'école primaire. C'est de l'histoire ancienne pour eux. Il s'agit du coeur même de leur Empire.
— Eh bien ? Qui mène le jeu ?, répétai-je.
— Ne vous inquiétez pas pour cela, dit Harry rassurant. C'est toujours votre père. Mais il prend son temps. Pour le moment, il a les oreilles et les yeux grands ouverts. Il se documente. Mais c'est toujours lui « le patron ».