Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Travaux


Etude sur la nature
des mouvements écologistes
et leurs véritables objectifs



L'héritage de
Franklin Delano Roosevelt


boris 

La révolution Roosevelt 

Georges Boris


Moulin.jpgL'héritage du
Conseil National
de la Résistance

Quelques textes de
Vladimir I. Vernadski

henry charles carey
Principes de la science sociale
de Henry Charles Carey

Friedrich List
Le Système national
d'économie politique
de Friedrich List

Friedrich Von Schiller

Le Droit des Gens
d'Emerich De Vattel

 

Recherche

Page d'accueil
- Cliquez ici -

Fusion,
enfin les archives !
4 juillet 2007 3 04 /07 /juillet /2007 00:21
simoneweil.gif
Il n’est pas facile de combattre pour la justice. Il ne suffit pas de discerner quel camp est celui de la moindre injustice, et, y étant allé, de prendre les armes et de s’exposer aux armes ennemies. Certes cela est beau, plus que les paroles ne peuvent dire. Mais, en face, on fait exactement de même.

Il faut en plus être habité par l’esprit de justice. L’esprit de justice n’est pas autre chose que la fleur suprême et parfaite de la folie d’amour.

La folie d’amour fait de la compassion un mobile bien plus puissant que la grandeur, la gloire et même l’honneur, pour toute espèce d’action, y compris le combat.

Elle contraint à abandonner toute chose pour la compassion, et, comme dit saint Paul du Christ, à se vider.

Au milieu même de la souffrance injustement infligée, elle fait consentir à subir la loi universelle qui expose toute créature de ce monde à l’injustice. Ce consentement soustrait l’âme au mal  il a la vertu miraculeuse de transformer, dans l’âme où il a lieu, le mal en bien, l’injustice en justice  par lui la souffrance, accueillie avec respect, sans bassesse ni révolte, devient chose divine.

La folie d’amour incline à discerner et à chérir également, dans tous les milieux humains sans exception, en tous lieux du globe, les fragiles possibilités terrestres de beauté, de bonheur et de plénitude  à souhaiter les préserver toutes avec un soin également religieux  là où elles manquent, à souhaiter réchauffer tendrement les moindres traces de celles qui ont existé, les moindres germes de celles qui peuvent naître.

La folie d’amour fait pénétrer dans un endroit du coeur plus profond que l’indignation et le courage, dans le lieu où l’indignation et le courage puisent leur vigueur, une tendre compassion pour l’ennemi.

La folie d’amour ne cherche pas à s’exprimer. Mais elle rayonne irrésistiblement par l’accent, le ton et la manière, à travers toutes les pensées, toutes les paroles et tous les actes, en toute circonstance et sans aucune exception. Elle rend impossibles les pensées, les paroles et les actes au travers desquels elle ne peut pas rayonner.

C’est vraiment une folie. Elle précipite dans des risques qu’on ne peut pas courir si on a accordé son coeur à quoi que ce soit en ce monde, fût-ce une grande cause, ou une Église, ou une patrie.

Le résultat auquel la folie d’amour a conduit le Christ n’est pas, après tout, une référence pour elle.

Mais nous n’avons pas à craindre ses périls. Elle n’habite pas en nous. Si elle y habitait, cela se sentirait. Nous sommes des gens raisonnables, comme il semble certain qu’il convient de l’être à ceux qui s’occupent des grandes affaires de ce monde.

Mais si l’ordre de l’univers est un ordre sage, il doit y avoir quelquefois des moments où, du point de vue de la raison terrestre, la folie d’amour seule est raisonnable. Ces moments ne peuvent être que ceux où, comme aujourd’hui, l’humanité est devenue folle à force de manquer d’amour.

Est-il sûr qu’aujourd’hui la folie d’amour ne soit pas susceptible de fournir aux foules malheureuses, dont le corps et l’âme ont faim, une nourriture bien plus facile à digérer pour elles que des inspirations d’une source moins élevée ?

Et puis, tels que nous sommes, est-il sûr que nous soyons à notre place dans le camp de la justice ?

Simone WEIL, Écrits de Londres, 1957.
Partager cet article
Repost0

commentaires