1 janvier 2005
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II. PROFIL ET MODE D'OPÉRER DES PRINCIPAUX ACTEURS ÉCOLOGISTES
8. WISE - PDF
Présentation générale
Le Service mondial d'information sur l'énergie (WISE) a été fondé en 1978 par un ensemble d'organisations non gouvernementales antinucléaires parmi lesquelles l'on peut citer Greenpeace, les Amis de la Terre, Natural Ressources Defence Council et le Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland. ll s'agissait à l'origine d'un réseau mondial permettant de coordonner la communication de toutes les ONG antinucléaires. WISE a eu des bureaux dans toutes les grandes capitales occidentales mais le nombre de ses collaborateurs est toujours resté très restreint (jamais plus de trente personnes à temps plein, environ douze en 1994 dont cinq à Paris).
L'évaluation des commanditaires de WISE étant que leur but initial — la défaite mondiale du nucléaire civil — a été atteint, la plupart des bureaux de l'organisme ont été fermés (Washington, Bruxelles, Londres en 1992). La principale activité de WISE demeure donc à Paris, sous la direction de Mycle Schneider. WISE-Paris est une association loi 1901.
Officiellement, WISE est une agence de presse dont la compétence ne se limite pas au domaine du nucléaire. Selon Mycle Schneider :
« Nous pouvons fournir des rubriques environnement clef en main, comme nous l'avons fait pour le magazine Politis, où nous avons même créé cette rubrique. Nous collaborons avec des hebdomadaires comme l'Express (nos relations avec Sylvie O'dy sont trés bonnes) ou l'Événement du Jeudi (...) mais la plupart du temps, il s'agit de dossiers. Un journaliste travaillant sur un sujet nous appelle et nous réalisons pour lui un dossier (...). Nous faisons ensuite du conseil sur la rédaction. C'est la raison pour laquelle nous sommes pratiquement inconnus : nous travaillons à un niveau invisible et nous sommes rarement mentionnés. A la limite, nous préférons ne pas l'être parce que nous n'avons pas une vocation grand public. »
Cependant, la principale activité de WISE reste « l'expertise ». Les clients sont le plus souvent des organismes militants, le principal étant Greenpeace, pour lequel WISE a réalisé de nombreuses études et pour lequel il est intervenu comme « expert » dans de nombreux débats contradictoires, parlementaires ou autres.
On trouve néanmoins d'autres clients dans les milieux institutionnels tels que le ministère de l'Environnement sous Brice Lalonde, la DSIN (Direction de sûreté des installations nucléaires) ou la municipalité de Nantes pour laquelle Mycle Schneider a écrit un rapport de 400 000 francs qui démolissait le projet de centre de traitement et d'incinération des déchets industriels de la municipalité. Dupont de Nemours a également demandé à Schneider via l'INESTENE, d'évaluer son projet d'usine de fabrication de pesticides à Dunkerque.
Un organisme antinucléaire militant
La stratégie de WISE présente certaines analogies avec celle de la CRII-RAD dans les deux cas, il s'agit d'organismes militant contre le nucléaire, qui s'attribuent la casquette d'objectivité de l'expert scientifique indépendant.
Comme on peut le voir, WISE a un nom tout à fait neutre dans lequel la relation avec le nucléaire n'apparaît même pas. Cependant, alors que tous les acteurs du nucléaire français connaissent WISE, même si certains tels que la DSIN semblent encore se faire des illusions sur son compte, il est frappant de constater qu'en dehors de ce secteur, l'organisation de Mycle Schneider est parfaitement inconnue. Par exemple, au service de presse de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), personne n'a jamais entendu parler du « Service mondial de l'information sur l'énergie » alors que l'AIF est l'un des principaux producteurs de documents d'étude sur les question d'énergie mondiale ! Nous avons pris contact avec les grandes compagnies pétrolières françaises, anglo-américaines : Elf-Aquitaine, Total, Esso, Shell, ARCO, BP : « Jamais entendu parler de WISE. Il semble donc bien que sous des dehors neutres, le principal intérêt de WISE soit le nucléaire.
Ceci étant dit, du côté des écologistes les choses semblent plus claires ; Martin Nypels, le coordinateur des opérations mondiales de WISE déclare :
« Il n'y a pas de problème, nous sommes entièrement antinucléaires ».
Il est intéressant ensuite de constater que non seulement WISE a été constitué par des organisations antinucléaires, mais qu'en plus il partage les locaux de certaines de ces organisations, ce qui donne une indication sur les objectifs partagés. Par exemple, les bureaux de WISE en Angleterre, en Allemagne et en Belgique ont été fermés en 1992 et 1993, mais si l'on regarde qui y avait accueilli WISE, on trouve les Amis de la Terre à Londres, Greenpeace à Bruxelles et Strahlenblox (association locale spécialisée dans la lune antinucléaire, avec des actions allant juqu'au sabotage) à Berlin. A Paris, WISE partage ses bureaux avec l'INESTENE de Pierre Radanne, un vieux routier des luttes écologistes, passé par le ministère de l'Environnement de Dominique Voynet.
Pour les antinucléaires, WISE est « du bon côté ». Les liens avec Greenpeace ne sont un secret pour personne : « Nous travaillons étroitement avec Greenpeace », déclare Martin Nypels, ou encore « Nous sommes plus proches de Greenpeace que du WWF car, au WWF, ils ne sont pas assez radicaux » entendez : « pas assez antinucléaires ».
Cas d'étude
Nous allons maintenant examiner les qualités « d'expertise » de Mycle Schneider sur quelques exemples.
• Débat parlementaire sur le nucléaire belge
Entre juin et décembre 1993 ont eu lieu des débats parlementaires en Belgique en vue de l'élaboration de la Résolution relative à l'utilisation de combustibles contenant du plutonium et de l'uranium dans les centrales nucléaires belges, ainsi qu'à l'opportunité du retraitement des barres de combustible. Au cours de ces débats donnant la parole à tous les intervenants (industriels, associations, etc.), Mycle Schneider est intervenu en tant que rédacteur d'un document commandé par Greenpeace-Belgique à WISE-Paris : Le Mox ou l'aberration du plutonium belge, réflexions sur un projet de l'industrie belge dont le titre indique très clairement qu'il prend une position antinucléaire.
Il faut savoir que l'option du retraitement du combustible est l'une des bêtes noires des antinucléaires car elle permet de répondre à l'une de leur principales objections, l'avenir des déchets radioactifs. La stratégie actuelle des écologistes est de stopper le nucléaire en rendant le problème des déchets insoluble, c'est pour cela qu'ils s'acharnent principalement contre les solutions potentielles : le retraitement (La Hague), la surgénération (Superphénix), le stockage (laboratoires d'enfouissement), etc.
Parmi les contre-vérités contenues dans son rapport, notons que Mycle Schneider affirme qu'une partie de l'uranium récupéré au retraitement est non recyclable et « viendra sans doute s'ajouter aux montagnes de déchets nucléaires ». La réalité est que c'est bien la totalité de l'uranium de retraitement qui est recyclable, et qui doit donc être considéré comme une matière première énergétique et non comme un déchet.
Le rapport de Mycle Schneider prétend encore que « le potentiel théorique de recyclage des matières fissibles de l'option retraitement semble dérisoire ». Pour ce qui est de la Belgique, qui génère 120 t de combustible usé par an, le retraitement permet de récupérer 96% des matières recyclables, l'uranium et le plutonium. Ces matières ont un potentiel énergétique équivalent, chaque année, à celui de 2 milliards de mètres cubes de gaz naturel, soit 20% de la consommation annuelle totale de gaz (chauffage, production d'électricité et autres usages) en Belgique. Il n'y a rien là de dérisoire.
Un dernier exemple : « La réalisation d'un programme Mox est une aberration économique. Aux conditions économiques actuelles, l'option Mox revient onze fois plus chère que l'option No-Mox ». Le rapport pour ce faire s'appuie sur un tableau présenté en page 115 comparant les coûts des deux options. Dans le calcul de l'option No-Mox que Schneider estime à 2,7 milliards de francs belges, il y a plusieurs oublis qui le faussent complètement. D'abord il « oublie » que dans l'option No-Mox résultant d'une annulation du contrat de retraitement de 1978 passé entre Synatom et la Cogema, les 28 milliards de ce contrat doivent être payés de toute façon. Cette somme doit donc s'ajouter aux 2,7 milliards. A cela, il faut ajouter le coût du stockage du plutonium déjà séparé à La Hague, le coût de son conditionnement en vue de son évacuation et le coût du conditionnement des assemblages irradiés non retraités et réimportés de La Hague. Synatom évalue l'ensemble à environ 50 milliards de francs belges, à comparer aux 30,1 milliards calculés par Schneider pour l'option Mox...
• Mycle Schneider et la DSIN.
La revue Contrôle de la DSIN du ministère de l'lndustrie a publié dans son numéro 102 un dossier consacré à la gestion des déchets faiblement radioactifs. Parmi les auteurs de ce dossier, on retrouve Mycle Schneider. Son article est une gigantesque manipulation comme nous allons le voir sur un passage particulier.
Il commence par faire la liste de trois accidents liés à des matières radioactives :
« En 1983, au Mexique et aux Etats-Unis, plusieurs morts, plusieurs dizaines de maisons contaminées, une prison d'Etat et un centre médical sont détruits suite à la contamination au cobalt de métal recyclé. Au Brésil, en 1987 : plusieurs morts suite l'éparpillement d'une source au césium en provenance d'un appareil de radiothérapie abandonné. A Taiwan, en 1992, doses significatives suite a la contamination grave d'un immeuble d'habitation. 10000 immeubles supplémentaires seront testés, etc. La liste des événements concernant des accidents impliquant des sources de radioactivité qui appartiennent à la catégorie dite de faible voire de très faible activité est longue. Dès l'ouverture du dossier, ce qui frappe c'est que, d'une part, les déchets dits de faible activité sont très souvent liés aux événements les plus meurtriers et, d'autre part, qu'un pourcentage élevé des accidents est provoqué en dehors de l'industrie nucléaire. »
Le lecteur non informé des détails techniques sera forcé de penser que les sources au cobalt et au césium auxquelles il est fait référence sont assimilables à des déchets de faible ou de très faible activité. Or c'est faux ! Ces sources ont une très haute activité, qui se situe classiquement entre 1 000 et 2 000 curies. Un « expert » comme Mycle Schneider ne peut pas l'ignorer: c'est donc sciemment qu'il cherche à faire croire à ses lecteurs que les déchets faiblement radioactifs peuvent tuer. Or l'activité de ces déchets est de l'ordre du microcurie, soit du milliard de fois inférieure à celle des sources utilisées en curiethérapie.
Les doses auquel les ont été exposées les victimes des accidents du Mexique et du Brésil sont de l'ordre de celles encourues par les quelque trente personnes des services de secours qui sont mortes dans les premières semaines ayant suivi l'acccident de Tchernobyl. Les victimes ne sont pas mortes de cancers déclenchés des années plus tard, mais de maladies des rayons provoquant un décès très rapide...
• Le « scandale » des transports radioactifs.
Les convois ferroviaires acheminant du combustible nucléaire issu des centrales et à destination de La Hague, à l'origine du scandale à dimension européenne qui s'est déclenché au début de 1998, n'ont jamais présenté le moindre risque sanitaire. Les doses relevées sur la surface des châteaux étaient certes anormalement élevées, mais d'un niveau tellement bas qu'elles représentaient un problème de propreté, non un problème sanitaire. Cependant, l'EDF qui connaissait ce problème depuis plusieurs années, n'avait pas réussi à en identifier la cause et a préféré se taire - erreur majeure lorsque l'on joue la carte de la « transparence » !
En décembre 1997, André-Claude Lacoste qui vient d'obtenir du gouvernement le contrôle de la sûreté du transport des matières nucléaire, se voit « révéler » par un journaliste allemand, Mycle Schneider, le contenu d'un compte rendu d'une réunion de travail entre EDF, la Cogema et Transnucléaire faisant état du problème. Selon nos sources, Schneider a peut-être obtenu ce rapport par I'intermédiaire de ses contacts à la CFDT-Cogema. Si ce rapport n'était pas public, il n'est pas non plus secret. Quoi qu'il en soit, on comprend qu'un directeur français soit mécontent d'être informé par un journaliste allemand d'un problème qu'il est sensé contrôler. Tout ceci a permis à la presse d'épiloguer sur les « mensonges » et le manque de transparence du « lobby nucléaire »... En mentant elle-même allègrement, puisqu'on peut lire par exemple dans Libération lorsqu'il titre : « Une radioactivité très élevée, risquée pour ceux qui manipulent » les conteneurs.
De toute cette histoire, il faut retenir que l'homme qui est à l'origine de ce déferlement médiatique c'est Mycle Schneider. En fait, « l'affaire » a été rapidement oubliée en France mais a perduré en Suisse et surtout dans la presse allemande : c'est là que se trouve la principale cause de cette campagne (dans un contexte pré-électoral). Il faut savoir que ce pays a souvent connu des déferlements de violence autour du transport des combustibles. Cependant, au moment où « l'affaire » éclate, la mobilisation allemande contre les convois commençait sérieusement à marquer le pas. Les écologistes allemands ont trouvé chez Schneider un homme capable de transformer un simple problème d'hygiène en catastrophe internationale et relancer ainsi une mobilisation en perte de vitesse.
Table des matières
<préc. - suiv.>
8. WISE - PDF
Présentation générale
Le Service mondial d'information sur l'énergie (WISE) a été fondé en 1978 par un ensemble d'organisations non gouvernementales antinucléaires parmi lesquelles l'on peut citer Greenpeace, les Amis de la Terre, Natural Ressources Defence Council et le Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland. ll s'agissait à l'origine d'un réseau mondial permettant de coordonner la communication de toutes les ONG antinucléaires. WISE a eu des bureaux dans toutes les grandes capitales occidentales mais le nombre de ses collaborateurs est toujours resté très restreint (jamais plus de trente personnes à temps plein, environ douze en 1994 dont cinq à Paris).
L'évaluation des commanditaires de WISE étant que leur but initial — la défaite mondiale du nucléaire civil — a été atteint, la plupart des bureaux de l'organisme ont été fermés (Washington, Bruxelles, Londres en 1992). La principale activité de WISE demeure donc à Paris, sous la direction de Mycle Schneider. WISE-Paris est une association loi 1901.
Officiellement, WISE est une agence de presse dont la compétence ne se limite pas au domaine du nucléaire. Selon Mycle Schneider :
« Nous pouvons fournir des rubriques environnement clef en main, comme nous l'avons fait pour le magazine Politis, où nous avons même créé cette rubrique. Nous collaborons avec des hebdomadaires comme l'Express (nos relations avec Sylvie O'dy sont trés bonnes) ou l'Événement du Jeudi (...) mais la plupart du temps, il s'agit de dossiers. Un journaliste travaillant sur un sujet nous appelle et nous réalisons pour lui un dossier (...). Nous faisons ensuite du conseil sur la rédaction. C'est la raison pour laquelle nous sommes pratiquement inconnus : nous travaillons à un niveau invisible et nous sommes rarement mentionnés. A la limite, nous préférons ne pas l'être parce que nous n'avons pas une vocation grand public. »
Cependant, la principale activité de WISE reste « l'expertise ». Les clients sont le plus souvent des organismes militants, le principal étant Greenpeace, pour lequel WISE a réalisé de nombreuses études et pour lequel il est intervenu comme « expert » dans de nombreux débats contradictoires, parlementaires ou autres.
On trouve néanmoins d'autres clients dans les milieux institutionnels tels que le ministère de l'Environnement sous Brice Lalonde, la DSIN (Direction de sûreté des installations nucléaires) ou la municipalité de Nantes pour laquelle Mycle Schneider a écrit un rapport de 400 000 francs qui démolissait le projet de centre de traitement et d'incinération des déchets industriels de la municipalité. Dupont de Nemours a également demandé à Schneider via l'INESTENE, d'évaluer son projet d'usine de fabrication de pesticides à Dunkerque.
Un organisme antinucléaire militant
La stratégie de WISE présente certaines analogies avec celle de la CRII-RAD dans les deux cas, il s'agit d'organismes militant contre le nucléaire, qui s'attribuent la casquette d'objectivité de l'expert scientifique indépendant.
Comme on peut le voir, WISE a un nom tout à fait neutre dans lequel la relation avec le nucléaire n'apparaît même pas. Cependant, alors que tous les acteurs du nucléaire français connaissent WISE, même si certains tels que la DSIN semblent encore se faire des illusions sur son compte, il est frappant de constater qu'en dehors de ce secteur, l'organisation de Mycle Schneider est parfaitement inconnue. Par exemple, au service de presse de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), personne n'a jamais entendu parler du « Service mondial de l'information sur l'énergie » alors que l'AIF est l'un des principaux producteurs de documents d'étude sur les question d'énergie mondiale ! Nous avons pris contact avec les grandes compagnies pétrolières françaises, anglo-américaines : Elf-Aquitaine, Total, Esso, Shell, ARCO, BP : « Jamais entendu parler de WISE. Il semble donc bien que sous des dehors neutres, le principal intérêt de WISE soit le nucléaire.
Ceci étant dit, du côté des écologistes les choses semblent plus claires ; Martin Nypels, le coordinateur des opérations mondiales de WISE déclare :
« Il n'y a pas de problème, nous sommes entièrement antinucléaires ».
Il est intéressant ensuite de constater que non seulement WISE a été constitué par des organisations antinucléaires, mais qu'en plus il partage les locaux de certaines de ces organisations, ce qui donne une indication sur les objectifs partagés. Par exemple, les bureaux de WISE en Angleterre, en Allemagne et en Belgique ont été fermés en 1992 et 1993, mais si l'on regarde qui y avait accueilli WISE, on trouve les Amis de la Terre à Londres, Greenpeace à Bruxelles et Strahlenblox (association locale spécialisée dans la lune antinucléaire, avec des actions allant juqu'au sabotage) à Berlin. A Paris, WISE partage ses bureaux avec l'INESTENE de Pierre Radanne, un vieux routier des luttes écologistes, passé par le ministère de l'Environnement de Dominique Voynet.
Pour les antinucléaires, WISE est « du bon côté ». Les liens avec Greenpeace ne sont un secret pour personne : « Nous travaillons étroitement avec Greenpeace », déclare Martin Nypels, ou encore « Nous sommes plus proches de Greenpeace que du WWF car, au WWF, ils ne sont pas assez radicaux » entendez : « pas assez antinucléaires ».
Cas d'étude
Nous allons maintenant examiner les qualités « d'expertise » de Mycle Schneider sur quelques exemples.
• Débat parlementaire sur le nucléaire belge
Entre juin et décembre 1993 ont eu lieu des débats parlementaires en Belgique en vue de l'élaboration de la Résolution relative à l'utilisation de combustibles contenant du plutonium et de l'uranium dans les centrales nucléaires belges, ainsi qu'à l'opportunité du retraitement des barres de combustible. Au cours de ces débats donnant la parole à tous les intervenants (industriels, associations, etc.), Mycle Schneider est intervenu en tant que rédacteur d'un document commandé par Greenpeace-Belgique à WISE-Paris : Le Mox ou l'aberration du plutonium belge, réflexions sur un projet de l'industrie belge dont le titre indique très clairement qu'il prend une position antinucléaire.
Il faut savoir que l'option du retraitement du combustible est l'une des bêtes noires des antinucléaires car elle permet de répondre à l'une de leur principales objections, l'avenir des déchets radioactifs. La stratégie actuelle des écologistes est de stopper le nucléaire en rendant le problème des déchets insoluble, c'est pour cela qu'ils s'acharnent principalement contre les solutions potentielles : le retraitement (La Hague), la surgénération (Superphénix), le stockage (laboratoires d'enfouissement), etc.
Parmi les contre-vérités contenues dans son rapport, notons que Mycle Schneider affirme qu'une partie de l'uranium récupéré au retraitement est non recyclable et « viendra sans doute s'ajouter aux montagnes de déchets nucléaires ». La réalité est que c'est bien la totalité de l'uranium de retraitement qui est recyclable, et qui doit donc être considéré comme une matière première énergétique et non comme un déchet.
Le rapport de Mycle Schneider prétend encore que « le potentiel théorique de recyclage des matières fissibles de l'option retraitement semble dérisoire ». Pour ce qui est de la Belgique, qui génère 120 t de combustible usé par an, le retraitement permet de récupérer 96% des matières recyclables, l'uranium et le plutonium. Ces matières ont un potentiel énergétique équivalent, chaque année, à celui de 2 milliards de mètres cubes de gaz naturel, soit 20% de la consommation annuelle totale de gaz (chauffage, production d'électricité et autres usages) en Belgique. Il n'y a rien là de dérisoire.
Un dernier exemple : « La réalisation d'un programme Mox est une aberration économique. Aux conditions économiques actuelles, l'option Mox revient onze fois plus chère que l'option No-Mox ». Le rapport pour ce faire s'appuie sur un tableau présenté en page 115 comparant les coûts des deux options. Dans le calcul de l'option No-Mox que Schneider estime à 2,7 milliards de francs belges, il y a plusieurs oublis qui le faussent complètement. D'abord il « oublie » que dans l'option No-Mox résultant d'une annulation du contrat de retraitement de 1978 passé entre Synatom et la Cogema, les 28 milliards de ce contrat doivent être payés de toute façon. Cette somme doit donc s'ajouter aux 2,7 milliards. A cela, il faut ajouter le coût du stockage du plutonium déjà séparé à La Hague, le coût de son conditionnement en vue de son évacuation et le coût du conditionnement des assemblages irradiés non retraités et réimportés de La Hague. Synatom évalue l'ensemble à environ 50 milliards de francs belges, à comparer aux 30,1 milliards calculés par Schneider pour l'option Mox...
• Mycle Schneider et la DSIN.
La revue Contrôle de la DSIN du ministère de l'lndustrie a publié dans son numéro 102 un dossier consacré à la gestion des déchets faiblement radioactifs. Parmi les auteurs de ce dossier, on retrouve Mycle Schneider. Son article est une gigantesque manipulation comme nous allons le voir sur un passage particulier.
Il commence par faire la liste de trois accidents liés à des matières radioactives :
« En 1983, au Mexique et aux Etats-Unis, plusieurs morts, plusieurs dizaines de maisons contaminées, une prison d'Etat et un centre médical sont détruits suite à la contamination au cobalt de métal recyclé. Au Brésil, en 1987 : plusieurs morts suite l'éparpillement d'une source au césium en provenance d'un appareil de radiothérapie abandonné. A Taiwan, en 1992, doses significatives suite a la contamination grave d'un immeuble d'habitation. 10000 immeubles supplémentaires seront testés, etc. La liste des événements concernant des accidents impliquant des sources de radioactivité qui appartiennent à la catégorie dite de faible voire de très faible activité est longue. Dès l'ouverture du dossier, ce qui frappe c'est que, d'une part, les déchets dits de faible activité sont très souvent liés aux événements les plus meurtriers et, d'autre part, qu'un pourcentage élevé des accidents est provoqué en dehors de l'industrie nucléaire. »
Le lecteur non informé des détails techniques sera forcé de penser que les sources au cobalt et au césium auxquelles il est fait référence sont assimilables à des déchets de faible ou de très faible activité. Or c'est faux ! Ces sources ont une très haute activité, qui se situe classiquement entre 1 000 et 2 000 curies. Un « expert » comme Mycle Schneider ne peut pas l'ignorer: c'est donc sciemment qu'il cherche à faire croire à ses lecteurs que les déchets faiblement radioactifs peuvent tuer. Or l'activité de ces déchets est de l'ordre du microcurie, soit du milliard de fois inférieure à celle des sources utilisées en curiethérapie.
Les doses auquel les ont été exposées les victimes des accidents du Mexique et du Brésil sont de l'ordre de celles encourues par les quelque trente personnes des services de secours qui sont mortes dans les premières semaines ayant suivi l'acccident de Tchernobyl. Les victimes ne sont pas mortes de cancers déclenchés des années plus tard, mais de maladies des rayons provoquant un décès très rapide...
• Le « scandale » des transports radioactifs.
Les convois ferroviaires acheminant du combustible nucléaire issu des centrales et à destination de La Hague, à l'origine du scandale à dimension européenne qui s'est déclenché au début de 1998, n'ont jamais présenté le moindre risque sanitaire. Les doses relevées sur la surface des châteaux étaient certes anormalement élevées, mais d'un niveau tellement bas qu'elles représentaient un problème de propreté, non un problème sanitaire. Cependant, l'EDF qui connaissait ce problème depuis plusieurs années, n'avait pas réussi à en identifier la cause et a préféré se taire - erreur majeure lorsque l'on joue la carte de la « transparence » !
En décembre 1997, André-Claude Lacoste qui vient d'obtenir du gouvernement le contrôle de la sûreté du transport des matières nucléaire, se voit « révéler » par un journaliste allemand, Mycle Schneider, le contenu d'un compte rendu d'une réunion de travail entre EDF, la Cogema et Transnucléaire faisant état du problème. Selon nos sources, Schneider a peut-être obtenu ce rapport par I'intermédiaire de ses contacts à la CFDT-Cogema. Si ce rapport n'était pas public, il n'est pas non plus secret. Quoi qu'il en soit, on comprend qu'un directeur français soit mécontent d'être informé par un journaliste allemand d'un problème qu'il est sensé contrôler. Tout ceci a permis à la presse d'épiloguer sur les « mensonges » et le manque de transparence du « lobby nucléaire »... En mentant elle-même allègrement, puisqu'on peut lire par exemple dans Libération lorsqu'il titre : « Une radioactivité très élevée, risquée pour ceux qui manipulent » les conteneurs.
De toute cette histoire, il faut retenir que l'homme qui est à l'origine de ce déferlement médiatique c'est Mycle Schneider. En fait, « l'affaire » a été rapidement oubliée en France mais a perduré en Suisse et surtout dans la presse allemande : c'est là que se trouve la principale cause de cette campagne (dans un contexte pré-électoral). Il faut savoir que ce pays a souvent connu des déferlements de violence autour du transport des combustibles. Cependant, au moment où « l'affaire » éclate, la mobilisation allemande contre les convois commençait sérieusement à marquer le pas. Les écologistes allemands ont trouvé chez Schneider un homme capable de transformer un simple problème d'hygiène en catastrophe internationale et relancer ainsi une mobilisation en perte de vitesse.
Table des matières
<préc. - suiv.>