30 octobre 2008
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Franklin Delano Roosevelt
Looking Forward
Le regard vers demain
Looking Forward
Le regard vers demain
The John Day Company, New York - Imprimé en mars 1933
Chapitre quatre : Réorganisation du gouvernement (autres chapitres)
L’urgente nécessité de la planification économique par ceux qui sont en charge des affaires rend essentielle la réflexion la plus claire possible. Lorsque les grandes lignes d’action sont établies, il est requis de tous ceux concernés une coopération pleine et entière – et cela signifie le soutien et l’action de ces intelligents groupes de nos citoyens en charge des affaires locales.
La simple honnêteté dans la mise en œuvre des plans ne suffit pas ; une efficacité plus grande que celle que nous avons connue jusqu’à présent est urgente. Pour autant que les plans économiques soient l’affaire du gouvernement, leurs succès peuvent être mis en péril si nous ne mettons pas notre organisation gouvernementale en ordre pour cette fonction.
Mes efforts pour accomplir la réorganisation et la consolidation des ministères de l’administration nationale, en vue de remplir cette fonction économiquement et efficacement, constitueront un chapitre qui sera écris dans l’action. J’espère grâce à cela réduire le coût des opérations courantes du gouvernement fédéral de vingt-cinq pour cent au minimum.
Mais le gouvernement fédéral avec ses immenses responsabilités envers le citoyen n’est pas, cependant, le seul gouvernement de ce pays. Je ne vais pas tenter ici de définir les droits et responsabilités du gouvernement fédéral et ceux des gouvernements d’états. Qu’il me suffise de dire que le gouvernement local est le point de contact avec le citoyen moyen, et que quoique le gouvernement fédéral puisse faire ou pas pour soutenir intelligemment sa vie et son avenir, les actions de son gouvernement local sont ce qui l’affecte le plus directement et rapidement.
Le gouvernement local est l’instrument par lequel les actions particulièrement essentielles des prochaines années réussiront ou échoueront. Y être indifférent est stupide, si ce n’est criminellement négligent. Examinons le gouvernement local dans ce pays.
Le coût du gouvernement dans ce pays, en particulier celui du gouvernement local, cause de grandes inquiétudes. L’addition des dépenses fédérales, d’états et locales est d’approximativement douze à treize milliards de dollars par an. Sur cette somme, le gouvernement fédéral en dépense environ un tiers, les gouvernements d’états près de treize pour cent, ce qui nous laisse largement plus de la moitié en tant que coût des gouvernements locaux.
Malgré l’influence de la guerre mondiale sur les dépenses du gouvernement fédéral, ces ratios existent, avec des variations mineures, depuis 1890. Il est manifeste que dans la mesure où le coût des gouvernements locaux constitue majeure portion de l’ensemble de nos revenus fiscaux, nous devons, si nous souhaitons une réduction ou une hausse moins rapide des taxes, analyser les gouvernements locaux et voir si leurs fonctionnements peuvent être simplifiés et rendus moins coûteux pour le contribuable.
L’organisation du gouvernement sous la forme locale, de comté et de municipalité, telle que nous la connaissons dans la plupart de nos états, trouve son origine dans les lois du Duc d’York, mises en œuvre à partir de 1670. Elles furent conçues pour répondre aux conditions qui existaient à l’époque. Elles furent maintenues par les états américains après la Guerre Révolutionnaire. Il est saisissant de constater qu’elles n’ont été que très peu modifiées dans leur forme depuis la naissance de notre nation, et il est probable qu’à l’époque de leur adoption elles convenaient aux conditions de la période.
En effet, il n’existait ni bateaux à vapeur, ni voies ferrées, ni téléphones, ni télégraphes, ni véhicules à moteur, ni bonnes routes. Les moyens de transports et de communications étaient maigres. Les moyens de voyager et de communiquer les plus rapides étaient le cheval sellé, la diligence et le canal. Parfois, nous entendons faire référence à ce passé sous le nom de « l’âge du cheval et du boghei ». Il serait peut-être plus exact de décrire le temps où furent organisés nos gouvernement par « l’âge du chariot à bœufs ». Nous n’avions pas de centre urbain – uniquement quelques villages surdéveloppés. En ce temps-là, huit travailleurs sur dix gagnaient leur vie en retournant la terre. Les gens vivaient en petits groupes territoriaux et suivaient un mode de vie communautaire local. Ils subsistaient presque entièrement grâce aux choses qu’ils produisaient eux-mêmes, ou qui étaient produites par d’autres au sein de leur localité. La forme municipale de gouvernement était naturelle. Elle correspondait aux conditions de ce temps.
De plus, le besoin de services gouvernementaux n’était pas très considérable. Les chemins répondaient aux besoins limités des circulations intercommunautaires, alors qu’aujourd’hui de coûteuses routes pour les véhicules motorisés sont nécessaires. On trouvait parfois une fontaine villageoise ici où là, mais autrement chaque citoyen se débrouillait pour s’approvisionner en eau, et les questions de drainage et de détritus étaient des affaires familiales. On ne considéra pas immédiatement la police et la protection contre le feu comme des fonctions municipales. Chaque communauté faisait des provisions pour ses propres pauvres. Une éducation fondée sur les trois R (reading, ‘riting, ‘rithmetic – ndt)* était considérée suffisante pour l’enfant. *(Lecture, écriture, arithmétique)
Il n’est pas nécessaire de continuer la comparaison entre ces temps et aujourd’hui, mais il apparait de nos jours une instabilité particulière qui rend les vieilles formes de gouvernement local plus obsolètes encore qu’elles ne le sont à l’évidence. Il s’agit du fait qu’une proportion croissante de notre population est devenue mobile, fluctuante. Nous suivons l’appel de l’industrie, de l’ambition et du caprice de communauté en communauté et d’état en état. Ce n’est pas uniquement dans les nouvelles régions de l’Amérique que l’ancien résident peut se retrouver en minorité. Le personnel et le caractère même de la population de n’importe quel village de l’un quelconque de nos plus vieux états peuvent être changés en l’espace de quelques années de déplacements rapides de groupes, dont les membres constituent les unités d’un schéma économique et social national plutôt que les résidents fixes d’une communauté.
Les sujets qui étaient à l’origine des questions locales ou communautaires sont maintenant d’un intérêt beaucoup plus large. Cela s’applique à des choses telles que les routes, les écoles, la santé publique, le soin des socialement dépendants et finalement à peu près toutes les activités du gouvernement local. Pourtant, nous avons continué à utiliser cette mécanique, conçues sous des conditions radicalement différentes, en tant qu’instrument principal pour la fourniture de services gouvernementaux, en cette ère de stupéfiante mobilité.
Telle que cette mécanique de gouvernement local existe aujourd’hui, nous avons, très probablement, cinq cent mille unités gouvernementales. Elles vont du gouvernement fédéral jusqu’au plus petit district scolaire ou spécial. Prenez par exemple le cas de mon propre état, l’état de New York. Nous y trouvons soixante-deux comtés et soixante grandes villes. Mais ce n’est qu’un début ; s’y trouvent encore neuf cent trente-deux petites villes et, selon le dernier décompte, cinq cent vingt-cinq villages, neuf mille six cent districts scolaires et deux mille trois cent soixante-cinq districts pour l’eau, l’éclairage, les égouts et la voierie, pour un grand total de treize mille cinq cent quarante-quatre unités gouvernementales distinctes et indépendantes.
Poussons l’analyse plus avant : dans un petit comté de banlieue densément peuplé adjacent à la ville de New York, on trouve trois petites villes et deux grandes. Ici encore, ce n’est qu’un début dans la complexité des gouvernements locaux ; dans ce même petit secteur, nous avons quarante villages, quarante-quatre districts scolaires et cent cinquante-six districts spéciaux. Dans ce simple petit comté se trouvent un total de deux cent quarante-six unités gouvernementales.
Nous avons besoin, pour obtenir la nécessaire économie de fonctionnement, d’une organisation gouvernementale simple, efficace et au fonctionnement fluide.
Mais avec la complexité actuelle les dépenses des gouvernements locaux se sont accrues à une vitesse stupéfiante. En 1890 le coût de fonctionnement des gouvernements locaux de la nation entière était de 487.000.000$. En 1927, dernière année pour laquelle des statistiques complètes sont disponibles, le coût de ces petites unités au sein des états fut de 6.454.000.000$. Il est passé de 7,73$ par tête en 1890 à 54,41$ en 1927.
Dans la petite unité suburbaine à laquelle j’ai fait référence, l’ensemble des taxes locales en 1900 représentait 337.000$, et 22.000.000$ en arrondissant en 1929. Dans cet espace de temps, la valorisation de la propriété imposable a été multipliée par trente-cinq, mais les taxes l’ont été par soixante-cinq, alors que la population ne s’est agrandie que de cinq fois et demie. Dans un autre cas, celui d’un comté rural agricole, les taxes locales s’élevaient à 158.000$ en 1900 et à 1.150.000$ en 1929. Dans ce cas, les taxes furent multipliées par sept, la valorisation taxable par un peu plus de deux, alors que la population du comté vit en fait son nombre décroître de cinq pour cent. Dans le comté suburbain les taxes locales par tête correspondaient à 6$ et dans le comté rural à 4,30$, mais en 1929 elles étaient respectivement de 90$ et 52$.
Je parlerai ailleurs de la taxation et du financement des unités gouvernementales. Je souhaite souligner ici la question de l’organisation de ces unités. Bien que des mesures variées aient permis d’avancer assez loin vers l’égalisation des charges fiscales à travers l’état de New York, il n’en demeure pas moins que nous devons toujours soutenir une mécanique compliquée de gouvernements locaux qui me semble être déraisonnable, dispendieuse, gaspilleuse et inefficace. Nous avons réussi jusqu’ici par nos efforts à faire quelques réductions dans l’agrégat des coûts de cette mécanique élaborée. La même situation existe dans chaque état de l’Union. J’utilise l’état de New York à titre d’exemple pour la simple raison qu’ayant été gouverneur de cet état durant deux mandats, je suis intimement familier avec les détails des problèmes qu’on y trouve.
Si nous regardons franchement les faits, nous y voyons une situation incroyable. Aucun citoyen de l’état de New York ne peut vivre sous moins de quatre gouvernements – fédéral, état, comté et municipalité. S’il vit dans un bourg à l’extérieur d’un village, il se trouve sous cinq strates de gouvernement –fédéral, état, comté, municipalité et scolaire. S’il habite dans un village aggloméré à une communauté urbaine, une nouvelle strate est ajoutée. S’il habite dans un bourg à l’extérieur d’un village, il peut se trouver dans un district de protection contre l’incendie, d’approvisionnement en eau, d’égouts, d’éclairage et de voierie, auquel cas il y aura dix strates de gouvernement.
Dans une telle situation, un citoyen a beaucoup trop de mécanique gouvernementale à surveiller. Cela lui est beaucoup trop compliqué à comprendre. Il ne se rend peut-être pas compte que dix équipes d’officiels affectent les fonds publics, prélèvent des taxes et émettent des obligations. Son attention n’est pas habituellement focalisée sur le gouvernement local, car il sait rarement, si tant est qu’il en sache quelque chose, quelles sommes sont affectées, quelles taxes sont prélevées ou quelles obligations sont émises. Les moyens d’obtenir des informations concernant ces choses sont complètement inadéquats. Même les journalistes des journaux locaux ne savent pas quelles sont les actions gouvernementales à l’égard de la population, à moins qu’un cas particulier n’attire leur attention sur quelques détails.
Il n’y a pas réellement besoin de tant d’unités gouvernementales superposées et empiétant les unes sur les autres.
On peut trouver des excuses, mais aucune nécessité à la vaste armée d’officiels inutiles que nous avons sur le dos. Laissez-moi vous donner quelques faits.
Dans les seuls gouvernements de comtés et de villes de l’état de New York, en laissant complètement de côté les agglomérations villes-villages, on trouve environ quinze mille officiels, pour la plupart élus et disposants de statuts constitutionnels. Cela comprend dans les comtés principalement les juges de comté, les shérifs, les auxiliaires de justice, les greffiers de comté, les officiers d’état-civil, les procureurs de l’état auprès du comté, les médecins-légistes, les procureurs de comté, les commissaires à l’aide sociale ; et dans les villes, les directeurs administratifs, les greffiers de ville, les juges de paix, les assesseurs, les collecteurs d’impôts de ville, les superviseurs aux autoroutes, les agents de police, les commissaires à l’aide sociale. Ces officiers rémunérés, à de rares exceptions près, se trouvent dans tous les comtés et villes. Ils constituent ce qu’on pourrait appeler l’armée d’occupation normale. Mais mis à part cette armée d’occupation, il se trouve un corps encore plus grand de ce que j’appellerai la garde civile, payée ou non, à temps partiel ou complet, élue ou nommée, représentant la police, l’entretien de l’éclairage public, les services de protection contre l’incendie, l’entretien des égouts, l’entretien de la voierie, la distribution d’eau, d’autres districts d’améliorations locales et les districts scolaires avec leurs conseils d’administrations, leurs directeurs, leurs employés et les professeurs.
En guise d’illustration, prenons juste un cas. En mettant de côté les cinq comtés faisant partie de la ville de New York et les comtés de Westchester et Nassau constitués de banlieues, et en examinant les cinquante-cinq autres comtés de l’état, nous trouvons aux alentours de onze mille collecteurs d’impôts ! Ces onze mille collecteurs d’impôts représentent neuf cent onze villes, quatre cent soixante-et-un villages et plus de neuf mille districts scolaires – ce qui représentent une densité moyenne d’à-peu-près douze par ville pour les seuls collecteurs. Il est intéressant de noter que ces onze mille collecteurs d’impôts représentent une armée plus nombreuse que celle qui gagna la bataille de Marathon. Notez aussi que cette puissante force n’est responsable que de la collection d’un-sixième de la taxe foncière levée dans l’état. Les cinq-sixièmes restants sont collectés par deux cent officiers de grandes villes, de comtés, de villes et de villages.
La grande majorité des officiers de villes et de comtés que j’ai mentionnés ci-dessus sont des officiers salariés, mais il est encore permis à un grand nombre d’entre eux de recevoir des honoraires d’un montant inconnu. Nous avons essayé de sortir de cet ancien système d’honoraire, mais il reste encore très enraciné dans les gouvernements de villes et de comtés. Ce système d’honoraire devrait sans aucun doute être aboli, mais cela dépend à un degré considérable de la consolidation des unités gouvernementales locales et d’un réajustement de leurs relations avec le comté et l’état.
Permettez-moi ici de préciser que cette situation lamentable et peu économique, qui affecte nos gouvernements locaux, n’est pas l’apanage du seul état de New York. Dans tout le pays le fardeau croissant de la taxation contraint les officiels publics et les citoyens à consacrer leur attention à la reconstruction.
En Pennsylvanie, au New Jersey, au Minnesota, en Californie, au Missouri, au Michigan, et dans de nombreux autres états, des mesures correctives ont été mises en œuvre. En Caroline du Nord, l’état a pris en charge la maintenance et la réparation de toutes les routes, y compris ce qu’on pourrait appeler les routes communales. En Virginie, bien que la division des comtés ait été conservée, beaucoup de leurs fonctions ont été concentrées au sein de districts composés de plusieurs comtés. Dans le Minnesota, un comté forestier aux habitations éparpillées a été autorisé, après référendum, à abolir le gouvernement municipal. En Californie, une commission a recommandé des changements radicaux de la Constitution de l’état afin de faire du comté l’organe responsable de l’administration du gouvernement local. Pour résumer la situation, je dirai que le mouvement pour l’amélioration du gouvernement local est active partout et s’étend dans tous les Etats-Unis.
La conclusion établie par toutes les études qui ont été réalisées est qu’une réorganisation radicale des gouvernements locaux est nécessaire. Il est généralement entendu que le gouvernement de comté est obsolète et que le comté, en tant qu’unité administrative, peut très bien être supprimé. Il est admis qu’obtenir un soutien majoritaire à cette proposition prendra du temps, et en l’attendant il est souligné l’urgence du regroupement des comtés et qu’une forme grandement simplifié du gouvernement de comté soit mise en place afin de remplacer les formes actuelles encombrantes, ainsi que leurs nombreux officiels.
Les coûts excessifs des gouvernements locaux peuvent très efficacement être réduits en simplifiant l’organisation gouvernementale locale et en structurant et redéfinissant les responsabilités de mises en œuvre de différents services selon une analyse logique, plutôt que selon la contrainte du moment ou la tradition. Nous devons examiner chaque service et décider quelle unité administrative, de quelle taille, sera la plus à même de rendre ce service, de la manière la plus efficace et économique. Les plus petites unités de gouvernements ruraux sont si inégalement dotées en terme de revenus que certaines sont incapables de maintenir correctement leurs routes et leurs écoles, même avec des taux d’impositions excessivement élevés, alors que d’autres, tout en appliquant des taux minimum, sont capables de dépenses généreuses, voire extravagantes.
Toutes ces juridictions locales se chevauchant les unes les autres devraient être abolies. Un ou deux échelons de gouvernement local subordonnés à la souveraineté de l’état sont suffisants, et nous devrions sérieusement entreprendre la réorganisation radicale et la redistribution des fonctions nécessaires si l’on veut éliminer les autres.
Il existe un remède à portée de la main contre les coûts excessifs des gouvernements locaux. Il n’est pas aussi efficace qu’une réorganisation, mais il constitue un pas dans la bonne direction, que nous devrions faire si nous voulons que le gouvernement local soit aussi efficace qu’il doit le devenir dans un futur proche. Il s’agit de mettre les dépenses locales sous le contrôle des autorités du district ou de l’état. Il est couramment fait référence à ce plan sous le nom de « Plan Indiana ».
Dans cet état, dix contribuables au minimum d’un district fiscal peuvent faire appel auprès de la commission des taxes de l’état, pour contester le budget local ou une proposition d’émission de bonds. Après une audition, la commission peut réduire l’allocation proposée ou le montant pour lequel pourront être émis les bonds, ou encore les supprimer purement et simplement.
C’est une méthode nette et efficace pour contrôler les dépenses locales. Elle a dépassé le stade expérimental, et les informations dont je dispose indiquent qu’elle a le soutien du sentiment public. Le Colorado et le Nouveau Mexique dispose de versions modifiées du plan Indiana. L’Ohio, l’Oklahoma et l’Oregon ont aussi adopté l’idée, mais le contrôle est exercé par les conseils de districts. Cette méthode générale pour contrôler les coûts de gouvernements locaux mérite l’attention immédiate des autorités de chaque état.
La réorganisation des gouvernements locaux a été bien trop longtemps reportée et cela a coûté sans nécessité à beaucoup de monde des dollars, tout en privant le peuple des améliorations et des services allants vers une meilleure protection de la vie et de la propriété et des équipements pour une vie stable et heureuse, qui auraient pu être achetés avec ces mêmes dollars, voire avec moins.
Nous admettons tous, je pense, que l’essentiel de la croissance de l’ensemble des dépenses gouvernementales a été inévitable et nécessaire. Le résumé sommaire que je viens de faire ici au sujet de l’organisation est suffisant pour montrer que c’est à raison que le gouvernement a été appelé à assumer des responsabilités qui autrefois étaient celles des individus ou des familles. De la même manière, les unités supérieures de gouvernement ont été correctement et logiquement forcées d’assumer des fonctions qui appartenaient auparavant aux unités inférieures. L’exigence d’une nouvelle sorte de civilisation et celle d’une nouvelle sorte d’économie nationale nous ont forcés à redistribuer les charges qu’impose le service public.
Les routes, par exemple, ne sont plus dorénavant de simples équipements locaux. En regardant la question de l’éducation, nous nous apercevons que l’état en tant que souverain a mandat d’offrir à tout les enfants l’opportunité de s’instruire. Nous commençons à admettre que la santé publique est plus qu’une responsabilité locale. Le crime a cessé d’être une préoccupation locale lorsque les criminels ont adopté comme échelle d’action l’état et la nation.
En ce qui concerne tous ces sujets, j’attends et j’espère bientôt voir une augmentation de leur prise en charge par l’état, d’une manière ou d’une autre.
S’efforcer d’égaliser la charge fiscale revient généralement à faire de l’état le maître des cordons de la bourse pour le financement d’une grande part des dépenses locales. Cela crée pour l’état une responsabilité difficile à éviter, celle de dépenser avec sagesse, ne serait-ce que par souci de justice envers ceux qui ont été imposé à l’échelle de l’état afin d’alimenter son trésor. De cette responsabilité, me semble-t-il, résultera très certainement une supervision plus sûre et plus précise de toutes les dépenses locales. Cela signifie inévitablement une intégration accrue des autorités locales sous une autorité d’état compétente, suivant le principe que, en ce qui concerne de nombreuse fonctions, une autorité compétente, dotée d’une équipe d’expert et d’information à l’échelle de l’état, possèdera tant le pouvoir de conseiller que le pouvoir de veto sur l’usage des fonds alloués aux dépenses locales.
Il paraît aussi logique que l’autorité locale se doit de concentrer ou d’éliminer plusieurs couches de gouvernements locaux, en vue de conserver toutes les mesures appropriées de contrôle domestique sur les affaires locales.
Nous avons été trop nombreux à avoir l’esprit paresseux sur cette question de gouvernement. Nous aimons parler en usant de grandes phrases des avantages et désavantages comparatifs de la démocratie et de l’autocratie ; nous aimons patriotiquement admirer l’œuvre de nos pères fondateurs lorsqu’ils conçurent notre forme de gouvernement, ou les critiquer en tant qu’imitateurs trop serviles, mais lorsqu’il s’agit de suivre leur exemple en cherchant à planifier et à préparer en vue de nos besoins immédiats et de notre futur, nous manquons d’enthousiasme. En particulier, nous détestons nous occuper des détails du gouvernement. Nous préférons parler des plans quinquennaux et décennaux de la Russie et de l’excellence ou de l’iniquité du système mussolinien, plutôt que de prêter attention à la question de savoir si la supervision municipale est bonne à quelque chose ou d’enquêter sur ce que fais l’officier de santé publique du village pour gagner sa paie. Cela vient peut-être du fait qu’il est plus facile de former un jugement sur des sujets qui ne nous touchent pas immédiatement. Je détesterai penser que cela provienne de ce que nous préférerions que quelqu’un d’autre forme à notre place notre jugement.
Cela me fait penser que ceux qui détiennent des responsabilités publiques ne devraient pas se contenter simplement d’assumer les responsabilités de leurs positions telles qu’ils les ont trouvées et de les accomplir de la même manière que leurs prédécesseurs. Ceux qui ont acquis de l’expérience dans le fonctionnement de la machine devraient être capables d’en signaler les défauts. J’ai entendu parler une fois d’un officier public qui recommanda la suppression de sa fonction pour cause d’inutilité. Cela serait encourageant et rafraîchissant s’il s’en trouvait plein d’autre comme lui.
Nous avons beaucoup entendu parler durant la Grande Guerre du défi lancé à la démocratie, et je pense qu’il s’agissait d’une bonne chose pour notre autosatisfaction d’apprendre que notre démocratie était menacée. Mais la démocratie est tout autant, sinon plus, menacée aujourd’hui. La menace provient de tous ceux qui se lamentent sur l’inefficacité, la stupidité et le coût du gouvernement. Elle peut être lue dans les statistiques criminelles et dans l’état d’abandon d’un grand nombre de nos communautés. Elle est exprimée dans tous les comptes-rendus de la presse sur les corruptions et les gaffes d’officiels. Elle est écrite dans notre code des impôts et même dans les livres d’écoles à priori patriotiques que nos enfants étudient. Elle rôde à son aise le jour des élections, lorsque les électeurs voient devant eux de longues listes de noms d’hommes et de femmes dont ils n’ont jamais entendu parler mais qu’ils doivent élire, candidats à des fonctions rémunérées, devoirs et responsabilités desquelles fonctions les électeurs n’ont qu’une idée extrêmement vague.
Les hommes qui, après que la liberté fut conquise, se consacrèrent à la tâche d’établir les fondements de notre gouvernement national, écrivirent en termes durables que leur but était de former « une union plus parfaite ». En inscrivant cet idéal dans le Préambule de la Constitution de Etats-Unis, je pense qu’ils établirent cette mission pour nous autant que pour eux.
Le nouveau gouvernement qu’ils étaient en train de former correspondait, ainsi qu’ils le pensaient, aux conditions de leur temps, mais ils eurent assez de sagesse pour regarder au-delà de l’horizon du futur et pour reconnaître que les conditions de vie ainsi que les exigences dont le gouvernement a la charge devaient inéluctablement changer, comme elles changèrent à travers l’histoire, et c’est ainsi que le plan du gouvernement qu’ils avaient préparé fut fait non pas rigide mais flexible – adapté au changement et au progrès.
Nous ne pouvons prétendre nous attribuer nous-mêmes les qualités de sagesse ou de patriotisme si nous cherchons à échapper à la responsabilité de remodeler le gouvernement afin de le rendre plus utile au peuple entier et plus adapté aux besoins modernes.
Franklin Delano Roosevelt, 1932-33
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4-REORGANIZATION OF GOVERNMENT