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10 décembre 2006 7 10 /12 /décembre /2006 09:37

Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore,
Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien
Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,

 

C'en est fait à présent des funestes pensées,
C'en est fait des mauvais rêves, ah ! c'en est fait
Surtout de l'ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.

 

Arrière aussi les poings crispés et la colère
A propos des méchants et des sots rencontrés;
Arrière la rancune abominable ! arrière
L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés !

 

Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D'une amour à la fois immortelle et première,
De par la grâce, le sourire et la bonté,

 

Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,
Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;

 

Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,
Vers le but où le sort dirigera mes pas,
Sans violence, sans remords et sans envie :
Ce sera le devoir heureux et gais combats.

 

Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute ;
Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.


 

Paul Verlaine, La bonne chanson

 

 

 

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8 décembre 2006 5 08 /12 /décembre /2006 09:25
VIII

Sur l'aile de mes chants je te transporterai; je te transporterai jusqu'aux rives du Gange; là, je sais un endroit délicieux.

Là fleurit un jardin embaumé sous les calmes rayons de la lune; les fleurs du lotus attendent leur chère petite soeur.

Les hyacinthes rient et jasent entre elles, et clignotent du regard avec les étoiles; les roses se content à l'oreille des propos parfumés.

Les timides et bondissantes gazelles s'approchent et écoutent, et, dans le lointain, bruissent les eaux solennelles du fleuve sacré.

Là nous nous étendrons sous les palmiers dont l'ombre nous versera des rêves d'une béatitude céleste.


Henri Heine, Intermezzo, extrait (1822)

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5 décembre 2006 2 05 /12 /décembre /2006 07:58

Le firmament est plein de la vaste clarté ;
Tout est joie, innocence, espoir, bonheur, bonté.
Le beau lac brille au fond du vallon qui le mure ;
Le champ sera fécond, la vigne sera mûre ;
Tout regorge de sève et de vie et de bruit,
De rameaux verts, d'azur frissonnant, d'eau qui luit,
Et de petits oiseaux qui se cherchent querelle.
Qu'a donc le papillon ? qu'a donc la sauterelle ?
La sauterelle a l'herbe, et le papillon l'air ;
Et tous deux ont avril, qui rit dans le ciel clair.
Un refrain joyeux sort de la nature entière ;
Chanson qui doucement monte et devient prière.
Le poussin court, l'enfant joue et danse, l'agneau
Saute, et, laissant tomber goutte à goutte son eau,
Le vieux antre, attendri, pleure comme un visage ;
Le vent lit à quelqu'un d'invisible un passage
Du poème inouï de la création ;
L'oiseau parle au parfum ; la fleur parle au rayon ;
Les pins sur les étangs dressent leur verte ombelle ;
Les nids ont chaud ; l'azur trouve la terre belle,
Onde et sphère, à la fois tous les climats flottants ;
Ici l'automne, ici l'été ; là le printemps.
Ô coteaux ! ô sillons ! souffles, soupirs, haleines !
L'hosanna des forêts, des fleuves et des plaines,
S'élève gravement vers Dieu, père du jour ;
Et toutes les blancheurs sont des strophes d'amour ;
Le cygne dit : Lumière ! et le lys dit : Clémence !
Le ciel s'ouvre à ce chant comme une oreille immense.
Le soir vient ; et le globe à son tour s'éblouit,
Devient un oeil énorme et regarde la nuit ;
Il savoure, éperdu, l'immensité sacrée,
La contemplation du splendide empyrée,
Les nuages de crêpe et d'argent, le zénith,
Qui, formidable, brille et flamboie et bénit,
Les constellations, ces hydres étoilées,
Les effluves du sombre et du profond, mêlées
A vos effusions, astres de diamant,
Et toute l'ombre avec tout le rayonnement !
L'infini tout entier d'extase se soulève.
Et, pendant ce temps-là, Satan, l'envieux, rêve.

 

Victor Hugo, Les contemplations, avril 1840

 

 Photo: Colin Baxter, Loch Schiel, Ecosse

 

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30 novembre 2006 4 30 /11 /novembre /2006 09:13

Vous me dites, Monsieur, que j'ai mauvaise mine,
Qu'avec cette vie que je mène, je me ruine,
Que l'on ne gagne rien à trop se prodiguer,
Vous me dites enfin que je suis fatigué.

 

Oui je suis fatigué, Monsieur, et je m'en flatte.
J'ai tout de fatigué, la voix, le coeur, la rate,
Je m'endors épuisé, je me réveille las,
Mais grâce à Dieu, Monsieur, je ne m'en soucie pas.
Ou quand je m'en soucie, je me ridiculise.
La fatigue souvent n'est qu'une vantardise.
On n'est jamais aussi fatigué qu'on le croit !
Et quand cela serait, n'en a-t-on pas le droit ?

 

Je ne vous parle pas des sombres lassitudes,
Qu'on a lorsque le corps harassé d'habitude,
N'a plus pour se mouvoir que de pâles raisons...
Lorsqu'on a fait de soi son unique horizon...
Lorsqu'on a rien à perdre, à vaincre, ou à défendre...
Cette fatigue-là est mauvaise à entendre ;
Elle fait le front lourd, l'oeil morne, le dos rond.
Et vous donne l'aspect d'un vivant moribond...

 

Mais se sentir plier sous le poids formidable
Des vies dont un beau jour on s'est fait responsable,
Savoir qu'on a des joies ou des pleurs dans ses mains,
Savoir qu'on est l'outil, qu'on est le lendemain,
Savoir qu'on est le chef, savoir qu'on est la source,
Aider une existence à continuer sa course,
Et pour cela se battre à s'en user le coeur...
Cette fatigue-là, Monsieur, c'est du bonheur.

 

Et sûr qu'à chaque pas, à chaque assaut qu'on livre,
On va aider un être à vivre ou à survivre ;
Et sûr qu'on est le port et la route et le quai,
Où prendrait-on le droit d'être trop fatigué ?
Ceux qui font de leur vie une belle aventure,
Marquant chaque victoire, en creux, sur la figure,
Et quand le malheur vient y mettre un creux de plus
Parmi tant d'autres creux il passe inaperçu.

 

La fatigue, Monsieur, c'est un prix toujours juste,
C'est le prix d'une journée d'efforts et de luttes.
C'est le prix d'un labeur, d'un mur ou d'un exploit,
Non pas le prix qu'on paie, mais celui qu'on reçoit.
C'est le prix d'un travail, d'une journée remplie,
C'est la preuve, Monsieur, qu'on marche avec la vie.

 

Quand je rentre la nuit et que ma maison dort,
J'écoute mes sommeils, et là, je me sens fort ;
Je me sens tout gonflé de mon humble souffrance,
Et ma fatigue alors est une récompense.

 

Et vous me conseillez d'aller me reposer !
Mais si j'acceptais là, ce que vous me proposez,
Si j'abandonnais à votre douce intrigue...
Mais je mourrais, Monsieur, tristement... de fatigue.

 

Robert Lamoureux


 

Rembrandt, Jeune fille endormie, vers 1654

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27 novembre 2006 1 27 /11 /novembre /2006 08:35

Alexandre Pouchkine, Le cavalier d'airain (1833)

Voici le début d'un magnifique poème écrit par le grand Pouchkine. Il y aborde de très beaux thèmes: l'affrontement entre l'ordre et le chaos, la créativité humaine, l'histoire de l'art, le progrès et les grandes mutations historiques, le pouvoir transformateur de l'homme.

Saint-Pétersbourg a été crée par Pierre Le Grand.

 

 

 Prologue

Debout face aux vagues désertes, l'esprit plein de hautes pensées, il fixait l'horizon. À ses pieds, largement, coulait le fleuve. Un pauvre esquif y faisait route, solitaire; le rivage bourbeux, moussu, était tacheté d'isbas noires, abri de Finnois misérables, et la forêt, inconnue des rayons d'un soleil que cachait la brume partout bruissait.
    Et il pensait :
D'ici nous nous ferons redouter du Suédois, je veux qu'ici soit fondée la cité qui bravera notre orgueilleux voisin;
Nature ici nous enjoint de percer une fenêtre ouverte sur l'Europe en prenant pied fermement sur la mer. Ici, fendant des eaux pour eux nouvelles, tous les vaisseaux courront à notre appel et ici nous pourrons festoyer au grand large.

Cent années ont passé. La ville juvénile, merveilleux ornement des pays de Minuit, née des sombres forêts et des marais fangeux, se dresse, fière, fastueuse.
Où jadis le pêcheur finnois, triste bâtard de la nature, seul, face aux rives aplaties, mouillait dans des eaux innomées son vétuste filet, aujourd'hui sur des rives chargées de vie, se pressent, gracieux, puissants les palais et les tours; les navires accourus de partout en foule, abordent aux quais opulents; la Néva s'est vêtue de granit et des ponts surplombent ses eaux et ses îles se sont couvertes de parcs à la sombre verdure et l'ancienne Moscou a perdu son éclat devant la jeune capitale comme l'auguste douairière le cède à l'épouse du tsar.

Je t'aime, ville, oeuvre de Pierre, j'aime ta sévère harmonie, le cours majestueux du fleuve, le granit qui revêt ses rives, l'entrelacs des grilles de fonte, la claire pénombre sans lune de ces nuits porteuses de rêves où, sans allumer ma lampe, dans ma chambre je lis, j'écris, où je vois clairement les masses endormies des rues vides et, scintillant là-haut la flèche d'or sommant l'Amirauté; où, sans laisser l'ombre nocturne s'attarder sur les cieux dorés, un crépuscule chasse l'autre, laissant moins d'une heure à la nuit. J'aime de tes âpres hivers le grand gel dans l'air immobile et la course en traîneaux sur l'immense Néva et le rose éclatant au visage des filles et le bruit et l'éclat et la rumeur des bals et, régal des soupers de garçons, la mousse écumant dans les coupes et le punch aux flammèches bleues. J'aime l'animation guerrière des parades au Champ de Mars, l'uniforme magnificence des fantassins, des cavaliers se mouvant en houle ordonnée, les haillons des drapeaux vainqueurs et l'éclat des shakos de cuivre percés de balles au combat.
J'aime entendre, ô ville martiale, les salves de ta forteresse, quand la souveraine du Nord fait don d'un fils à la maison régnante ou que les armes russes fêtent sur l'ennemi quelque nouveau triomphe ou que, crevant sa glace bleue, la Néva la pousse à la mer et jubile aux souffles d'avril.

Jouis de ta beauté, cité de Pierre, et reste inébranlable, ainsi que la Russie!
Qu'avec toi se réconcilie l'élément jadis terrassé.
Que la mer de Finlande oublie l'ancienne hostilité de ses vagues domptées, que jamais plus elle ne vienne troubler par des sursauts de vaine rage le repos éternel de Pierre.

Or il advint des jours terribles dont le souvenir reste vif...
C'est pour vous, mes amis, que je veux les conter.
Triste en sera l'histoire, que voici (...)

Peinture: Michel Bellion, St-Pétersbourg, la Néva

 

 

 

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14 novembre 2006 2 14 /11 /novembre /2006 08:36

Les feuilles d'automne

Pan

Si l'on vous dit que l'art et que la poésie

C'est un flux éternel de banale ambroisie;

Que c'est le bruit, la foule, attachés à vos pas,

Ou d'un salon doré l'oisive fantaisie,

Ou la rime en fuyant par la rime saisie,

Oh! ne le croyez pas!

O poètes sacrés, échevelés, sublimes,

Allez, et répandez vos âmes sur les cimes,

Sur les sommets de neige en butte aux aquilons,

Sur les déserts pieux où l'esprit se recueille,

Sur les bois que l'automne emporte feuille à feuille,

Sur les lacs endormis dans l'ombre des vallons!

Partout où la nature est gracieuse et belle,

Où l'herbe s'épaissit pour le troupeau qui bêle,

Où le chevreau lascif mord le cytise en fleurs,

Où chante un pâtre assis sous une antique arcade,

Où la brise du soir fouette avec la cascade

Le rocher tout en pleurs;

Partout où va la plume et le flocon de laine;

Que ce soit une mer, que ce soit une plaine,

Une vieille forêt aux branchages mouvants,

Iles au sol désert, lacs à l'eau solitaire,

Montagnes, océans, neige ou sable, onde ou terre,

Flots ou sillons, partout où vont les quatre vents;

Partout où le couchant grandit l'ombre des chênes;

Partout où les coteaux croisent leurs molles chaînes;

Partout où sont des champs, des moissons, des cités;

Partout ou pend un fruit à la branche épuisée;

Partout où l'oiseau boit des gouttes de rosée,

Allez, voyez, chantez!

Allez dans les forêts, allez dans les vallées;

Faites-vous un concert de notes isolées!

Cherchez dans la nature, étalée à vos yeux,

Soit que l'hiver l'attriste ou que l'été l'égaie,

Le mot mystérieux que chaque voix bégaie.

Écoutez ce que dit la foudre dans les cieux!

C'est Dieu qui remplit tout. Le monde, c'est son temple;

Oeuvre vivante, où tout l'écoute et le contemple.

Tout lui parle et le chante. Il est seul, il est un.

Dans sa création tout est joie et sourire.

L'étoile qui regarde et la fleur qui respire,

Tout est flamme ou parfum!

Enivrez vous de tout! enivrez-vous, poètes,

Des gazons, des ruisseaux, des feuilles inquiètes,

Du voyageur de nuit dont on entend la voix;

De ces premières fleurs dont février s'étonne;

Des eaux, de l'air, des prés, et du bruit monotone

Que font les chariots qui passent dans les bois.

Frères de l'aigle! aimez la montagne sauvage!

Surtout à ces moments où vient un vent d'orage,

Un vent sonore et lourd qui grossit par degrés,

Emplit l'espace au loin de nuages et d'ombres,

Et penche sur le bord des précipices sombres, Les arbres effarés.

Contemplez du matin la pureté divine,

Quand la brume en flocons inonde la ravine;

Quand le soleil, que cache à demi la forêt,

Montrant sur l'horizon sa rondeur échancrée,

Grandit comme ferait la coupole dorée

D'un palais d'orient dont on approcherait!

Enivrez-vous du soir! à cette heure où, dans l'ombre,

Le paysage obscur, plein de formes sans nombre,

S'efface, des chemins et des fleuves rayé;

Quand le mont, dont la tête à l'horizon s'élève,

Semble un géant couché qui regarde et qui rêve,

Sur son coude appuyé!

Si vous avez en vous, vivantes et pressées,

Un monde intérieur d'images, de pensées,

De sentiments, d'amour, d'ardente passion,

Pour féconder ce monde, échangez-le sans cesse

Avec l'autre univers visible qui vous presse!

Mêlez toute votre âme à la création!

Car, ô poètes saints, l'art est le son sublime,

Simple, divers, profond, mystérieux, intime,

Fugitif comme l'eau qu'un rien fait dévier,

Redit par un écho dans toute créature,

Que sous vos doigts puissants exhale la nature,

Cet immense clavier!

8 novembre 1831.

Photos: kévin Desplanques

 

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13 novembre 2006 1 13 /11 /novembre /2006 08:06
Autres poésies et textes de Shelley, ici.


Prométhée délivré -extraits-

(...) L'Homme! oh, ne dites pas les hommes! Chaine qui relie la pensée,
L'amour et la force indivisibles,
Imposant sa loi aux éléments avec une vigueur adamantine;
Comme le soleil régit, tyran au regard impérieux,
La république indocile des planètes, au cours capricieux,
S'efforçant de gagner les libres solitudes du ciel.

L'Homme, âme unique et harmonieuse faite d'âmes multiples
Dont la nature même est la loi, propre
Où toutes choses se confondent comme les fleuves dans la mer;
Dont les actes familiers sont embellis par l'amour;
En qui labeur, douleur, chagrin, dans le vert bosquet de la vie,
Se jouent comme des fauves apprivoisés, dont nul ne soupçonnait la douceur!

Sa volonté, avec toutes les passions basses, les joies mauvaises
Et les soucis égoïstes qui en sont les tremblants satellites,
Guide funeste, mais puissance souveraine
Est comme une nef aux ailes de tempête, dont l'amour
Tient le gouvernail, au milieu des vagues qui n'osent l'engloutir
Forçant les rivages les plus sauvages de la vie à reconnaître son empire.

Tout l'univers confesse sa force. A travers la froide matière
Du marbre et de la couleur, ses rêves s'entrelacent,
Soies brillantes, dont les mères tissent les robes de leurs enfants;
Son langage est un hymne Orphique perpétuel,
Dominant d'une harmonie subtile une multitude
De pensées et de formes, qui, sans lui, n'auraient ni figure ni sens.

L'éclair est son esclave; les cieux les plus lointains
Lui livrent leurs étoiles; comme un troupeau de moutons,
Elles passent devant ses yeux, sont dénombrées, et poursuivent leur ronde!
La tempête est son coursier, il chevauche les airs;
L'abîme crie, de ses profondeurs béantes : " Ciel, te reste-t-il des secrets?
L'homme arrache mes voiles; je n'en ai plus" (...)


(...) Douceur, Vertu, Sagesse, Endurance,
Scellent cette assurance inébranlable
Qui referme l'Enfer sur les forces de la Destruction;
Et si, d'une main mal assurée, l'Éternité,
Mère des actes et des heures sans nombre, libérait
Le serpent dont les anneaux la menacent,
Voici les paroles magiques qui restaureront l'empire de l'esprit
Et l'arracheront aux rets de la Fatalité;

Souffrir des maux ressentis, par l'Espoir même, comme infinis;
Pardonner des crimes plus noirs que la nuit ou la mort;
Mettre au défi un Pouvoir qui semble omnipotent;
Aimer et endurer; espérer, jusqu'à ce que l'Espoir
Crée de son propre écroulement l'avenir qu'il contemple;
Ne changer, n'hésiter, ni ne se repentir;
Ceci, comme ta gloire, Titan, est être
Bon, grand, joyeux, beau et libre;
Ceci seul est Vie, Joie, Empire, et Victoire.

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12 novembre 2006 7 12 /11 /novembre /2006 08:40

Les enfants pauvres


Prenez garde à ce petit être;
Il est bien grand, il contient Dieu.
Les enfants sont, avant de naître,
Des lumières dans le ciel bleu.

Dieu nous les offre en sa largesse;
Ils viennent; Dieu nous en fait don;
Dans leur rire il met la sagesse
Et dans leur baiser son pardon.

Leur douce clarté nous effleure.
Hélàs, le bonheur est leur droit.
S'ils ont faim, le paradis pleure.
Et le ciel tremble, s'ils ont froid.

La misère de l'innocence
Accuse l'homme vicieux.
L'homme tient l'ange en sa puissance.
Oh! quel tonnerre au fond des cieux,

Quand Dieu, cherchant ces êtres frêles
Que, dans l'ombre où nous sommeillons,
Il nous envoie avec des ailes,
Les retrouve avec des haillons!


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4 novembre 2006 6 04 /11 /novembre /2006 09:37
shelley.png

Le nuage (1820)

J'apporte de fraîches averses pour les fleurs assoiffées,
Venues des mers et des fleuves;
Je répands une ombre légère sur les feuilles qui reposent
Dans leurs rêves de midi.
De mes ailes, je secoue la rosée qui éveille
Tous les charmants bourgeons,
Bercés et assoupis sur le sein de leur mère,
Quant elle danse devant le soleil.
Je brandis le fléau de la grêle,
Fouettant et blanchissant les vertes plaines plus bas,
Puis, à nouveau, je la dissous en pluie,
Et je ris quand je passe, apportant le tonnerre.

Je tamise la neige sur les monts au dessous,
Et leurs pins géants gémissent de terreur;
Et toute la nuit, c'est là mon blanc oreiller,
Tandis que je dors, dans les bras de la tempête.
Souverain, sur les tours de mes demeures aériennes
Se tient l'éclair, mon pilote;
Dans un antre inférieur est enchaîné le tonnerre;
Il se débat et rugit par accès;
Au-dessus de la terre et de l'océan, d'un mouvement doux
Ce pilote me guide,
Attiré par l'amour des génies qui hantent
Les profondeurs de la mer empourprée;
Par dessus les ruisseaux, les rochers, les collines,
Par dessus lacs et plaines,
Partout où il rêve que, sous monts ou rivières,
L'esprit qu'il aime demeure;
Et moi tout ce temps, je me baigne dans le sourire bleu du firmament,
Tandis qu'il se fond en pluie.

Le soleil levant écarlate, aux yeux de météore,
Aux plumes de flammes largements ouvertes,
Bondit sur mes vapeurs flottantes,
A l'heure où s'amortit l'éclat de l'étoile du matin;
Comme à la pointe d'un roc escarpé
Qu'un tremblement de terre ébranle et fait osciller,
Un aigle perché se repose un moment
Dans la lumière de ses ailes d'or.
Et quand le soleil couchant exhale, de la mer qu'il illumine
Ses feux où s'endort l'amour,
Et que le linceul rutilant du soir
Tombe des hauteurs du ciel,
Les ailes repliées, je repose sur mon nid aérien,
Aussi tranquille qu'une tourterelle qui couve.

Cette sphère vierge, rayonnante de flammes blanches,
Que les mortels appellent Lune
Glisse et luit sur ma toison
Éparpillée par les brises de minuit;
Et toutes les fois que ses invisibles pas
Entendus par les anges seulement,
Rompent la trame de ma mince tente,
Les étoiles regardent derrière elle à la dérobée;
Et je ris de les voir se mouvoir en cercle et fuir,
Comme un essaim d'abeilles dorées,
Quand j'élargis l'ouverture de ma tente, dressée par le vent;
Jusqu'à ce que les calmes rivières, les lacs et les mers,
Comme des rubans de ciel tombés de là-haut à travers moi,
Tous, miroitent sous la lune et sous les astres.

J'entoure le trône du Soleil d'une ceinture brûlante,
Et celui de la Lune d'une cordelière de perles;
Les volcans sont obscurs, les étoiles chancellent et tournoient
Quand les tourbillons déploient ma bannière.
D'un cap à l'autre, semblable à un pont,
Par dessus une mer torrentueuse,
Insensible aux rayons du soleil, je suspends ma voûte,
Dont les montagnes sont les colonnes.
L'arche triomphale à travers laquelle je m'avance
Avec la tempête, l'ouragan, le feu et la neige,
Quand les Puissances de l'air sont enchaînées à mon trône,
Est l'arc-en-ciel aux millions de couleurs;
Cette sphère de feu là-haut tissa ses changeantes teintes,
Tandis que la Terre humide riait au-dessous.

Je suis l'enfant de la Terre et de l'eau,
Et le nourrisson du Ciel;
Je passe à travers les mailles de l'océan et du rivage;
Je change, mais ne puis mourir.
Car, après la pluie, quand sans la moindre tache,
Le pavillon du ciel est dégagé,
Et que le vent, avec les rayons du soleil, de leurs reflets convexes,
Bâtissent le dôme bleu de l'air,
Je ris en silence de mon propre cénotaphe;
Et, des cavernes de la pluie,
Comme un enfant du sein maternel, comme un fantôme de la tombe,
Je me lève, et le détruis à nouveau.

Percy Bisshe Shelley


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29 octobre 2006 7 29 /10 /octobre /2006 09:10
 
Qui est Friedrich Schiller? Cliquez ici.


Ce long poème, Les artistes (1789), est un hommage à la création humaine et à l'art. Selon le poète, c'est par la beauté que l'on s'achemine à la liberté. C'est l'art, dans ce qu'il a de plus universel et intemporel qui permettra à l'humanité de s'affranchir des chaînes de l'esclavage et de la tyrannie. Schiller, "le poète de la liberté", avait compris que l'art et la culture "légifèrent" la société. Ce débat semble toujours d'actualité.



Les artistes


O homme! Que tu es beau, ta palme de victoire à la main, debout sur la pente du siècle, dans ta noble et fière virilité, le sens ouvert, l'esprit fécond, plein d'une douce gravité, dans un calme actif, homme, fils du temps et son fruit le plus mûr, libre par la raison, fort par les lois, grand par la mansuétude, et riche des trésors que ton sein longtemps te cacha, roi de la nature, qui aime tes chaînes, qui exerce ta force en cent combats, et qui, sous ton empire, s'éleva radieuse du sein de la barbarie.

Enivré du triomphe que tu as conquis, ne désapprends pas à bénir la main qui, sur la rive inculte de la vie, trouva l'orphelin pleurant, délaissé, jouet des fougueux caprices du sort; la main qui de bonne heure commença à diriger en silence ton jeune coeur vers la grandeur morale où il devait atteindre, et écarta de ton tendre sein la convoitise qui souille: ce guide bienfaisant qui forma, en jouant, ta jeunesse aux nobles devoirs, te fit deviner, dans de faciles énigmes, le secret de l'auguste vertu, et qui ne confia son favori à des bras étrangers, que pour l'y reprendre plus mûri.... Ah! ne descends pas, par d'indignes désirs, jusqu'à ses servantes avilies! L'abeille peut, pour la diligence, te faire la leçon; un ver te servira de maître pour l'habileté; ta science, tu la partages avec des esprits supérieurs; mais l'art, ô homme, toi seul tu le possèdes.

Ce n'est que par les portes du beau, portes de l'orient, que tu pénétras dans le champ de la connaissance. Pour s'habituer à un plus haut éclat, l'intelligence s'exerce sur ce qui charme et plait. Ce qui, aux accords de la lyre des Muses, te pénétra d'un doux frémissement, développa dans ton sein cette force qui finit par s'élever jusqu'à l'Esprit de l'univers.

Ce que la raison vieillissante n'a découvert qu'après des milliers d'ans écoulés, était enfermé dans le symbole du beau et du grand, qui le révélait d'avance à l'entendement encore enfant. L'aimable image de la vertu nous fit aimer la vertu même; un sens délicat se révolta contre le vice, avant qu'un Solon eût ,écrit la loi qui produit lentement ses pâles fleurs. Bien avant qu'à l'esprit du penseur se présentât l'idée hardie de l'eternel espace.... qui, dites-moi, leva les yeux vers la scène étoilée, sans deviner et sentir l'immensité?

Celle qui, la face ceinte d'une auréole d'Orions, n'est contemplée, dans sa majesté sublime, que par de plus purs esprits que ceux d'ici-bas, qui s'avance éblouissante par delà les astres, emportée sur son trône radieux, la redoutable et souveraine Uranie.... la voilà qui, déposant sa couronne de feu, se présente à nous.... sous l'apparence de la beauté! Enlacée de la ceinture de la Grâce, elle se fait enfant, pour que les enfants la comprennent. Ce que nous avons senti ici-bas, comme beauté, un jour nous apparaîtra comme vérité.

Quand le Créateur relégua l'homme, loin de sa face, dans la mortalité, et lui prescrivit de trouver, par le rude sentier du monde des sens, un tardif retour à la lumière; quand tous les êtres célestes détournèrent de lui leurs regards: elle seule, humaine, s'enferma généreusement, avec le banni délaissé, dans la mortalité. Elle plane ici-bas, abaissant son vol, autour de son favori, près du monde sensible, et, par une illusion charmante, lui peint l'Élysée sur les murs de sa prison.

Quand l'humanité, dans son enfance, reposait encore dans les tendres bras de cette nourrice, alors la sainte fureur du meurtre n'attisait point de flamme; nulle part alors ne fumait un sang innocent. Le coeur qu'elle mène à sa douce lisière dédaigne la servile direction des devoirs; son sentier lumineux, serpentant seulement par de plus beaux détours, descend dans la radieuse carrière de la moralité. Ceux qui vivent sous sa chaste loi, nul penchant vil ne les tente, nul arrêt du sort ne les fait pâlir: comme soumis à une sainte puissance, ils recouvrent la vie pure des esprits, le droit précieux de la liberté.

Heureux ceux qu'elle a voués à son culte.... les plus purs entre des millions!... dans le sein desquels elle a daigné placer son trône, par la bouche de qui elle commande souverainement, qu'elle a choisis pour nourrir le feu sacré sur ses autels éternellement enflammés, ceux à qui seuls elle apparaît sans voile, qu'elle réunit autour d'elle dans une douce alliance! Réjouissez-vous de ce degré d'honneur où vous a placés l'ordre suprême! Vous fûtes, pour monter au monde des esprits, le premier degré de l'humanité!

Avant que vous eussiez apporté dans le monde l'harmonieuse symétrie, il laquelle tous les êtres obéissent avec joie, la création apparaissait à l'homme encore sauvage, comme un édifice immense enveloppé du crêpe sombre de la nuit: il voyait tout près autour de lui, à la lueur de pâles rayons, comme une troupe de spectres hostiles, qui tenaient ses sens dans les liens de l'esclavage, et qui, rudes comme lui, comme lui insociables, dirigeaient contre lui mille forces diverses... Attaché aux phénomènes par les seules chaînes de l'aveugle convoitise, la belle âme de la nature lui échappait, sans qu'il en jouît, ni la sentît!

Et comme elle passait dans sa fuite rapide, votre main saisit sans bruit, avec un sentiment délicat, les ombres voisines: vous apprîtes à les marier ensemble, par les liens d'un harmonieux accord. Le regard se sentait attiré en haut par le port élancé du cèdre, et d'un vol léger s'élevait à sa cime; le cristal de l'onde en reflétait agréablement la flottante image. Comment pouviez-vous négliger ces signes charmants que vous faisait la nature, secourable et prévenante? L'art, pour lui dérober son ombre par l'imitation, vous montra l'image qui nageait sur la vague. Séparée de sa substance, devenant l'aimable fantôme d'elle-même, la nature se jetait dans les flots argentés, pour s'offrir à son ravisseur. A cette vue, la belle puissance de rendre les formes s'éveilla au dedans de vous. Trop nobles déjà, ne voulant pas sentir oisivement, vous reproduisîtes sur le sable, dans l'argile, l'ombre gracieuse, et saisîtes son être en traçant ses contours. Alors naquit le doux plaisir de produire, et la première création sortit de votre sein.

Retenues et fixées par l'observation, enlacées en tous sens par vos regards attentifs, les formes vous devenant familières, trahirent le talisman par lequel elles vous avaient charmés. Les lois du beau, aux magiques effets, les trésors découverts de la grâce et du charme, l'esprit inventif les réunit en un léger faisceau dans les oeuvres de votre main. Alors s'éleva l'obélisque, la pyramide; alors se dressèrent les hermès, et s'élancèrent les colonnes; la mélodie de la forêt coula du chalumeau, et les hauts faits vécurent dans les chants

L'élite des fleurs d'un champ émaillé, liées en un bouquet par un choix habile: tel le premier art sorti de la nature. Bientôt, les bouquets furent dressés en guirlandes, et un second art, un art plus élevé, naquit à son tour des créations de la main de l'homme. L'enfant de la beauté, se suffisant à lui-même, et sorti parfait de votre main, perd, dès qu'il a reçu l'existence, la couronne qu'il portait. Il faut que la colonne, soumise à la symétrie, se range, voisine bienvenue, auprès de ses soeurs. Il faut que le héros se confonde dans une armée de héros: la harpe du chantre de Méonie ouvre la marche et donne le ton.

Bientôt les barbares étonnés se pressèrent, attirés par ces nouvelles créations. "Voyez, criaient leurs troupes joyeuses, regardez, c'est l'homme qui a fait cela! " Puis la lyre du poète les entraîne après elle, en couples heureux et plus sociables: du poète qui chantait les Titans, les combats de géants, les dompteurs de lions, et ces récits, tant que le chantre parlait, faisaient de ses auditeurs des héros. Pour la première fois, l'esprit jouit, récréé par des joies plus paisibles, qui ne le repaissent que de loin, que son ardeur avide ne s'approprie pas avec violence, qui ne meurent point dans la jouissance même.

Alors l'âme libre et belle se dégagea du sommeil de la sensualité. Délivré par vous, l'esclave du souci s'élança dans le sein de la joie. Alors tomba la sombre barrière de la vie animale: l'humanité apparut sur le front serein de l'homme, et de son cerveau émerveillé jaillit la sublime étrangère, la pensée. Alors l'homme se dressa, et montra aux astres son royal visage. Déjà son oeil éloquent remerciait, à de sublimes hauteurs, la lumière du soleil. Le sourire s'épanouit sur ses joues; l'organe expressif de la voix se développa, s'éleva au chant; dans ses yeux humides nagea le sentiment, et, par une aimable alliance, le plaisant uni à la grâce découla de ses lèvres animées.

Il était enseveli dans l'instinct du ver de terre, étouffé sous les désirs des sens; mais vous reconnûtes dans son sein le noble germe de l'amour des esprits. Si des instincts grossiers des sens se dégagea le germe plus pur de l'amour, c'est au premier chant pastoral que l'homme le doit. Élevée à la dignité de la pensée, la passion plus pudique découla mélodieusement des lèvres du chanteur. Les joues, mouillées de la rosée des larmes, s'enflammèrent doucement; le désir survivant à la jouissance annonça l'union des âmes.

La plus parfaite sagesse des sages, la douceur des bons, la puissance des forts, la grâce des plus nobles, vous les confondîtes dans une même image, que vous entourâtes d'une auréole. L'homme tressaillit devant l'inconnu; il s'éprit pour ce reflet de lui-même, et d'illustres héros brûlèrent de ressembler au grand Être. Le premier son du type primitif de toute beauté, vous le fîtes retentir dans la nature.

L'impulsion fougueuse des passions, les jeux déréglés du hasard, la contrainte des devoirs et des instincts, vous les disposez avec un sentiment judicieux, les dirigeant, d'après une règle rigoureuse, vers le but. Ce que la nature, sur sa grande scène, sépare, et place à de lointaines distances, devient sur le théâtre, dans un poème, une partie, facile à saisir, de l'ensemble régulier. Effrayé par le choeur des Euménides, le meurtre, bien qu'ignoré de tous, déduit pour lui-même de ce chant la sentence de mort. Longtemps avant que les sages risquent leur jugement, une Iliade résout les énigmes de la destinée à nos devanciers jeunes encore. Du chariot de Thespis, la Providence descendait sans bruit dans le cours des événements du monde.

Pourtant dans le grand train du monde votre symétrie fut trop tôt portée. Comme la sombre main de la destinée ne dénouait pas à vos yeux ce qu'à vos yeux elle nouait, et que la vie se perdait dans l'abîme, avant d'avoir achevé le beau cercle commencé, votre audace arbitraire prolongea la courbe dans la nuit de l'avenir; vous précipitant sans frissonner dans le sombre océan de l'Averne, vous retrouvâtes, par-delà l'urne fatale, l'existence évanouie. Là se montra, appuyée sur Castor, une torche renversée à la main, la florissante image de Pollux: l'ombre parut sur la face de la lune et l'arrondit, avant que se fût rempli son beau disque d'argent.

Cependant le génie créateur s'éleva, plus haut toujours, à des sommets de plus en plus sublimes. Déjà l'on voit les créations naître des créations, des harmonies une harmonie nouvelle. Ce qui ravit isolément ici l'oeil enivré, est humblement soumis ailleurs à une beauté plus haute; le charme qui pare cette nymphe se fond doucement dans une divine Minerve; la force qui se gonf1e dans les muscles de l'athlète, cesse de parler aux yeux, tempérée avec grâce, dans la beauté du dieu; la merveille de son temps, la fière image de Jupiter, s'incline, abaissant sa grandeur, dans l'ensemble majestueux du temple d'Olympie.

Le monde transformé par le travail diligent, le coeur de l'homme agité par de nouveaux instincts, qui s'exercent dans des luttes ardentes, étendent le cercle de vos créations. Montant de progrès en progrès, l'homme reconnaissant emporte avec lui l'art sur ses ailes qui s'élèvent, et de nouveaux mondes de beautés s'élancent à ses yeux de la nature enrichie. Les barrières de la science s'ouvrent; l'esprit exercé, dans vos faciles triomphes, à embrasser, avec un goût promptement mûri, un ensemble de beautés créé par l'art, recule les bornes de la nature et l'atteint dans sa course mystérieuse. Alors il la pèse avec des poids humains, il la mesure avec les mesures qu'elle lui a prêtées; il la force à passer devant ses yeux, devenue plus intelligible par sa soumission aux lois de la beauté telle qu'il la conçoit. Dans sa joie complaisante et juvénile, il prête aux sphères son harmonie, et loue t-il l'architecture du monde, c'est par la symétrie qu'elle brille à ses yeux.

Désormais, dans tout ce qui vit autour de lui, le charme des proportions parle à ses yeux. La ceinture d'or de la beauté doucement s'insinue dans le tissu même de sa vie; la perfection bienheureuse plane devant lui, triomphante, éclatant dans vos chefs-d'oeuvre. Là où court la joie bruyante, où se réfugie le chagrin muet, où la pensée s'arrête et contemple, où il voit les larmes de la misère, où mille terreurs l'assiègent, partout le suit un courant d'harmonie, partout il voit se jouer les gracieuses déesses, et par ses sentiments, qui peu à peu deviennent plus délicats, il s'efforce de se mettre d'accord avec son aimable entourage. Aussi doucement que s'enlacent les lignes des plus gracieuses images, et qu'autour de lui se fondent en un seul ensemble les contours délicats des objets, aussi doucement s'exhale et fuit le souffle léger de sa vie. Son esprit se perd dans l'océan d'harmonie dont les flots enveloppent délicieusement ses sens, et la pensée, par une insensible fusion, s'unit à la déesse de beauté partout présente. Dans un sublime accord avec la destinée, s'appuyant, calme et doux, sur les Grâces et les muses, il offre sa poitrine au trait qui le menace, et reçoit, résigné, le coup qui part de l'arc bienveillant de la nécessité.

Intimes favoris de l'heureuse harmonie, compagnons qui nous réjouissez à travers l'existence, vous le plus cher, le plus noble présent que nous ait donné, pour embellir notre vie, celle qui nous donna la vie même! Si maintenant l'homme, délivré du joug, a la pensée de ses devoirs, s'il aime la chaîne qui le guide, si le hasard ne lui commande plus avec son sceptre d'airain, vous en êtes récompensés par votre immortalité et par le sublime salaire que vous trouvez dans votre coeur. Si, autour de la coupe où coule pour nous la liberté, folâtrent gaiement les dieux de la joie, et se file gracieusement le plus aimable rêve, recevez, pour ce bienfait, nos plus tendres embrassements.

Le génie brillant et serein qui entoura de charme la nécessité, qui ordonne à son éther, à sa voûte étoilée de nous servir avec grâce, ce génie qui, lors même qu'il épouvante, ravit encore par le sublime, et se pare même pour détruire: le suprême artiste : voilà le modèle que vous imitez. Comme sur le miroir argenté du ruisseau flottent et dansent les rives variées, la pourpre du couchant, la campagne fleurie, ainsi sur l'indigente existence brille le monde riant des ombres que crée la poésie. Vous nous amenez, vêtue en fiancée, la redoutable inconnue, la Parque inflexible. Comme vos urnes cachent les ossements, même vous couvrez d'un voile aimable le choeur horrible des soucis. J'ai parcouru d'un prompt regard des milliers d'années, l'immense empire du monde ancien: comme l'humanité est riante où vous séjournez! Comme derrière vous elle gît tristement!

Elle qui autrefois, d'une aile rapide, s'était élancée, pleine de force, de vos mains créatrices, c'est dans vos bras qu'elle se retrouva, quand, par le triomphe insensible du temps, la fleur de la vie eut disparu de ses joues, la force de ses membres, quand elle se traînait d'un pas énervé, comme le vieillard appuyé sur son bâton. Alors, d'une source fraîche, vous offrîtes à ses lèvres altérées l'onde de la vie; deux fois le temps se rajeunit, deux fois, par les semences que vous avez répandues.

Chassés par des hordes barbares, vous ravîtes le dernier tison de la sainte offrande aux autels profanés du levant, et vous le portâtes aux contrées du couchant. Alors le beau fugitif venu de l'orient, le jour, se leva, brillant d'une jeunesse nouvelle, dans l'occident, et dans les champs de l'Hespérie on vit germer et, rajeunies, s'épanouir les fleurs de l'Ionie. La nature embellie jeta, comme d'un doux miroir, un beau reflet dans les esprits, et la grande déesse de la lumière pénétra, splendide, dans les âmes dignement parées. Alors on vit tomber des millions de chaînes, et le droit de l'humanité prononça son arrêt sur les esclaves; comme des frères marchent ensemble dans la paix, ainsi grandit doucement l'humanité rajeunie. Dans la plénitude d'une noble et intime joie, vous jouissez du bonheur qui est votre ouvrage, et, vous cachant sous le voile de la modestie, vous restez à l'écart et taisez vos mérites.

Si, sur les routes désormais ouvertes de la pensée, l'investigateur, dans son heureuse audace, erre librement aujourd'hui, et, enivré des hymnes de triomphe, saisit déjà la courone d'une main avide; s'il croit, avec l'humble solde d'un mercenaire, payer son noble guide, et près du trône qu'il rêve daigne accorder à l'art le premier rang parmi ses esclaves.... pardonnez-lui.... la couronne de la perfection suprême plane brillante sur votre tête. C'est par vous, première fleur du printemps, que la nature commença à façonner les âmes; par vous, joyeuse couronne de la moisson, que la Nature clôt et parfait son oeuvre.

L'art qui modestement s'éleva de l'argile, de la pierre, l'art créateur embrasse, sans bruit, dans ses triomphes l'immense empire du génie. Les découvertes, les conquêtes du savant dans le champ de la science, artistes, c'est pour vous qu'il les fait. Les trésors que le penseur entasse, il n'en jouira que dans vos bras, lorsque sa science, mûre pour la beauté, se sera transformée en noble chef-d'oeuvre de l'art....lorsqu'il montera avec vous sur la colline, et qu'à ses yeux, au doux éclat du crépuscule, la vallée pittoresque....tout d'un coup apparaîtra. Plus vous satisfaites richement le prompt regard, plus l'esprit parcourt dans son vol et embrasse dans une délicieuse jouissance de belles et sublimes créations, unies par vous en un magique ensemble, plus la pensée et le sentiment se sont ouverts au jeu splendide de l'harmonie, au riche torrent de la beauté.... plus aussi lui apparaissent, comme le beau complément des formes sublimes du grand tout, ces éléments divers du plan du monde qui tout à l'heure, épars et mutilés, lui défiguraient la création; plus belles sont les énigmes qui sortent des ténèbres; plus riche devient le monde qu'il embrasse; plus vaste s'étend la mer sur laquelle il vogue; plus s'affaiblit la puissance aveugle de la destinée; plus s'élèvent ses instincts et ses aspirations; plus il devient petit lui-même, et plus grand son amour. Conduisez-le doucement ainsi, dans sa course insensible, par des formes toujours plus pures, des tons plus purs, par des hauteurs toujours plus hautes et des beautés toujours plus belles, jusqu'au sommet de l'échelle de fleurs de la poésie.... Enfin, au but suprême des temps, à l'heure de la maturité, encore une heureuse inspiration, poétique essor du dernier âge de l'humanité, et.... l'homme glissera dans les bras de la Vérité.

Elle-même, la douce Cypris, couronnée de son auréole éclatante, apparaîtra alors, sans voiles, sous la forme dUranie, à son fils sorti de tutelle, d'autant plus vite saisie par lui, qu'il a fui d'abord plus noblement loin d'elle. Telle fut la douce, la bienheureuse surprise du généreux fils d'Ulysse, lorsque la céleste compagne de sa jeunesse se transfigura en fille de Jupiter.

La dignité de l'homme est remise en vos mains: gardez-la! Elle tombe avec vous! Avec vous elle s'élèvera! La sainte magie de la poésie a son rôle bienfaisant dans un sage plan du monde: que doucement elle nous guide à l'océan de la grande harmonie.

Repoussée par son siècle, que l'austère Vérité se réfugie dans la poésie, et trouve protection dans le choeur des Muses. Dans toute la plénitude de son éclat, plus redoutable sous le voile de la grâce, qu'elle ressuscite dans le chant, et punisse par ses accents victorieux l'oreille timide et lâche de son persécuteur.

Libres enfants de la mère la plus libre, élevez-vous, le regard ferme, au trône radieux de la plus haute beauté. Ne briguez pas d'autres couronnes!  La soeur qui a disparu ici à vos yeux, vous la retrouverez dans le sein de sa mère; ce que de belles âmes ont noblement senti ne peut être qu'excellent et parfait. Elevez-vous, d'une aile hardie, au-dessus du cours de votre temps! Que déjà, dans votre miroir, commence à poindre le siècle futur. Par les mille sentiers entrelacés de la riche diversité, venez, les bras ouverts, à la rencontre les uns des autres, devant le trône de l'unité suprême. Comme la blanche lumière se divise gracieusement en sept doux rayons, comme les sept rayons de l'arc-en-ciel se fondent dans la blanche lumière, ainsi jouez-vous en mille clartés magiques, aux regards enivrés; ainsi refluez, confondus, dans un seul faisceau de vérité, dans un seul torrent de lumière.


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