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1 novembre 2004 1 01 /11 /novembre /2004 10:58

PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)

 

henry_charles_carey.jpg


TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE

  1861

 

 

 

 

 

CHAPITRE Ier :

DE LA SCIENCE ET DES MÉTHODES DE LA SCIENCE.

 

 

    § 4. — L'enfance des sciences est purement théorique ; à mesure qu'elles arrivent à l'état de connaissance positive, les lois remplacent les hypothèses. Les mathématiques servent à régler leur développement, les choses éloignées s'étudient à l'aide de celles qui sont rapprochées de nous, le passé et l'avenir à l'aide du présent. La méthode pour découvrir est la même dans toutes les branches de la science. Auguste Comte en niant ce fait, ne trouve ni philosophie dans l'histoire, ni science sociale.


   
    L’homme cherche à dominer la matière, et, par cette raison, il désire acquérir la connaissance des lois qui ont été établies pour la régir. Pour que la matière soit soumise à une loi, il est indispensable qu’il existe une succession régulière et uniforme de causes et d’effets, dont la nature puisse s’exprimer en quelques propositions ; de telle façon qu’en observant les causes nous puissions prédire les effets, ou qu’en observant avec certitude ceux-ci nous puissions affirmer que celles-là ont préexisté.

    Dans les premiers âges de la société les théories abondent, et il en est ainsi, par cette raison qu’à défaut de connaissance, presque tous les faits qui se présentent « sont regardés comme accidentels, ou attribués à l’intervention directe de puissances mythologiques, dont les qualités sont conçues assez vaguement pour faire que l’idée des événements, dépendant de leur action, s’écarte à peine une fois de celle de faits absolument fortuits, et qui ne peuvent se ramener à l’ordre et à la règle ; » et c’est ainsi que les Grecs, au temps d’Homère, sollicitaient le secours de divinités imaginaires qui étaient excitées à agir par les mêmes sentiments et les mêmes passions que celles qui dirigeaient leurs adorateurs ; exactement comme agit aujourd’hui le pauvre Africain qui fait ses offrandes de vin de palmier, de rhum, de blé ou d’huile au bloc de bois ou de pierre, au serpent alligator, ou à l’amas de chiffons dont il a fait son idole. Cependant, avec le temps on arrive à comprendre la succession régulière des effets et des causes, et à chaque phase du progrès la théorie tend à disparaître, laissant la place à la science ; avec celle-ci arrive pour l’homme la puissance de diriger à son profit les forces de la nature. A chaque phase nouvelle il acquiert une nouvelle preuve de l’universalité des lois naturelles, preuve nouvelle de ce fait, que là où des exceptions paraissent exister, elles sont plutôt apparentes que réelles et ne peuvent que prouver la règle, lorsqu’on les a analysées avec soin et complètement comprises ; ainsi que nous le voyons pour la fumée, lorsqu’elle s’élève dans l’air, contrariant en apparence cette grande loi, en vertu de laquelle toute la matière dont la terre se compose tend vers son centre (10).

    — Prouver l’universalité de la loi, et par là même établir l’unité de la science, c’est ce qui semblait avoir été d’abord l’intention de M. Comte, au livre duquel nous avons emprunté les citations précédentes ; livre servant de préambule, et qui semblait destiné à former la base d’un ouvrage spécialement consacré à la science sociale. Il a paru depuis ; mais là, aussi bien que dans toutes les parties du livre publié antérieurement et qui traitait de l’homme et de ses actes, M. Comte a ignoré à dessein la méthode mathématique, à laquelle les branches les plus anciennes et les plus développées de la science ont de si larges obligations. Cette manière de procéder paraît avoir résulté de ce qu’il a regardé les mathématiques comme une science, et non comme un simple instrument pour acquérir les connaissances scientifiques. Ainsi, en traitant de la chimie, il nous dit « que toute tentative pour rapporter les questions chimiques aux doctrines mathématiques doit être considérée, aujourd’hui et toujours, comme profondément irrationnelle, comme étant contraire à la nature des phénomènes (11) ». Quelles sont donc ces doctrines ? Sont-elles plus que de simples formules adaptées aux circonstances particulières du cas à examiner ? Assurément non. Le géomètre nous dit que tout entier est égal à toutes ses parties, et que les parties qui forment la moitié d’un objet quelconque sont égales entre elles ; ce sont là des axiômes d’une application universelle également vrais, par rapport à tous les corps, qu’ils soient traités par le chimiste, le sociologiste ou celui qui mesure la terre, mais qui n’impliquent aucune question de doctrine quelconque.

    Souvent M. Comte parle des mathématiques comme étant, ce qui est évidemment vrai, « un instrument d’une admirable efficacité, » mais si ce n’est qu’un instrument, il ne peut pas plus être considéré comme une science qu’une clef ne peut devenir une serrure.

    Cet instrument, ou la méthode mathématique, est toujours susceptible d’application quel que soit le sujet de nos investigations. Cette méthode est l’analyse, c’est-à-dire l’étude de chaque cause isolée tendant à produire un effet donné. C’est à cette méthode que nous devons toutes les découvertes de Copernic, de Kepler, de Newton et de leurs successeurs ; mais c’est également celle du chimiste qui commence par constater la force isolée de chacun des divers éléments des corps et finit en concluant la loi, de l’effet qui se produit. Le physiologiste analyse ce qui est connu, dans l’espoir de pouvoir en déduire ce qui reste encore inconnu, et il emploie toujours les formules qui appartiennent à la catégorie particulière des faits dont il s’occupe. Lorsqu’il s’applique à l’étude du squelette, il emploie les formules du physicien, mais lorsqu’il étudie la composition du sang, il a nécessairement recours aux formules du chimiste, dans lesquelles se trouve comprise toute la science empruntée à l’observation des savants qui l’ont précédé. C’est cependant cette méthode que repousse M. Comte, lorsqu’il traite de la science sociale, ainsi qu’on le verra par le passage suivant :
« Il ne peut exister d’étude scientifique de la société, soit dans ses conditions, soit dans ses mouvements, si on sépare cette étude en portions diverses, et qu’on en étudie les divisions isolément. J’ai déjà fait des remarques à ce sujet, relativement à ce qu’on appelle l’économie politique. Les matériaux peuvent être fournis par l’observation de diverses branches de connaissances ; et cette observation peut être nécessaire pour atteindre le but ; mais on ne peut l’appeler science. La division méthodique des études qui a lieu dans les simples sciences inorganiques est complètement irrationnelle, lorsqu’il s’agit de la science toute récente, et si complexe, de la société, et ne peut produire aucun résultat. Un jour viendra où une sorte de subdivision pourra être praticable et désirable ; mais il nous est impossible, quant à présent, de prévoir quel peut être le principe de cette classification : car le principe lui-même doit naître du développement de la science ; et ce développement ne peut avoir lieu autrement qu’au moment où nous aurons formé de la science un ensemble (12). »
« Dans les sciences organiques, les éléments nous sont bien mieux connus que le tout qu’elles constituent ; de telle façon que, dans ce cas, nous devons procéder du simple au composé ; mais la méthode inverse est nécessaire dans l’étude de l’homme et de la société ; l’homme et la société, pris dans leur ensemble, nous étant mieux connus et étant pour nous des sujets d’étude plus accessibles que les parties dont ils se composent. Si nous explorons l’univers, c’est comme ensemble qu’il est impénétrable pour nous ; tandis qu’en examinant l’homme ou la société, la difficulté qui nous arrête consiste à pénétrer les détails. Nous avons vu dans notre tableau de la biologie, que l’idée générale de la nature animale est plus distincte pour nos esprits que la notion plus simple de la nature végétale ; et que l’homme est l’unité biologique ; l’idée de l’homme étant à la fois l’idée la plus complexe et le point de départ de la spéculation par rapport à l’existence vitale. Ainsi, si nous comparons les deux moitiés de la philosophie naturelle, nous trouverons que, dans un cas, c’est le dernier degré de composition, et dans l’autre le dernier degré de simplicité, qui dépasse le but que peuvent atteindre nos recherches (13). »

    Ceci semblerait être un retour à ce que M. Comte appelle ordinairement la période métaphysique de la science. Dans les siècles passés un philosophe aurait dit pareillement : « Ces masses de granit nous sont mieux connues que les parties dont elles se composent, et, en conséquence, nous bornerons nos recherches à résoudre cette question : Comment sont-elles arrivées à la forme sous laquelle elles existent, et à la position qu’elles occupent actuellement ? ». Sans l’analyse du chimiste, il nous eût été aussi impossible de pouvoir « pénétrer dans les détails » du bloc de pierre, et d’acquérir ainsi la connaissance de la composition des montagnes éloignées auxquelles il avait été emprunté, qu’il le serait aujourd’hui de pénétrer dans les détails des sociétés qui ont disparu, si nous ne vivions pas au milieu d’autres sociétés, composées d’hommes dotés des mêmes dons naturels, animés des mêmes sentiments et des mêmes passions dont nous avons observé l’existence chez les hommes des temps passés, et si nous n’étions pas également en possession des milliers de faits accumulés pendant les siècles nombreux qui se sont écoulés depuis cette époque. Ce sont les détails de la vie telle qu’elle est autour de nous, que nous avons besoin d’étudier, en commençant par l’analyse pour arriver à la synthèse, ainsi que fait le chimiste, lorsqu’il résout en atomes le morceau de granit et qu’il acquiert ainsi le secret de la composition de la masse. Lorsqu’il s’est assuré que ce morceau est composé de quartz, de feldspath et de mica, et qu’il s’est pleinement édifié à l’égard des circonstances sous l’empire desquelles le granit se présente dans le pays qui l’environne, il demeure complètement certain, que quelque autre bloc qui puisse se présenter, sa composition et son gisement dans l’ordre de formation seront les mêmes. Il procède constamment en partant de l’objet qui est proche et connu qu’il peut analyser et examiner, à celui qui est éloigné et inconnu qu’il ne peut ni analyser ni examiner, étudiant ce dernier au moyen des formules obtenues par l’analyse du premier. C’est ainsi que le géologue, en étudiant les dépôts terreux de la Sibérie et de la Californie, a pu prédire qu’on trouverait de l’or dans les montagnes de l’Australie.

    Si nous voulons comprendre l’histoire de l’homme dans les siècles passés ou dans les pays lointains, nous devons commencer par l’étudier dans le présent, et le possédant ainsi dans le passé et le présent, nous devenons alors capables de prédire l’avenir. Pour atteindre ce but, il est nécessaire que nous en agissions avec la société, comme le chimiste avec le morceau de granit ; c’est-à-dire que nous la résolvions en ses diverses parties et que nous étudiions chacune d’elles séparément, en constatant comment elle se comporterait, si elle était abandonnée à elle-même, et comparant ce que serait son action indépendante, avec l’action que nous apercevons dans l’état de société ; — et alors, à l’aide de la même loi que mettent à profit le physicien, le chimiste et le physiologiste, la loi de la composition des forces, nous pouvons arriver à la loi de l’effet. Agir ainsi, ce ne serait pas cependant adopter la marche suivie par M. Comte, qui nous présente l’éloigné et l’inconnu, c’est-à-dire les sociétés des siècles passés, comme un moyen de comprendre les mouvements des hommes qui nous entourent, et de prédire ce qu’il adviendra des hommes de l’avenir. Malgré notre profonde considération pour M. Comte, nous devons dire que, suivre une telle marche, nous paraît équivalent à ceci : donner à ses lecteurs un télescope pour étudier les montagnes de la lune, dans le but de comprendre les mouvements du laboratoire.

    La conséquence nécessaire de cette méthode à rebours et erronée, c’est qu’il est amené à des conclusions qui sont directement le contraire de celles auxquelles les instincts naturels aux hommes les amènent, et, en outre, directement opposées aux tendances de pensée et d’action à toutes les époques de civilisation avancée, dans le monde ancien ou moderne ; et comme conséquence nécessaire, il laisse ses lecteurs aussi ignorants sur l’intelligence des causes de perturbation qui existent aujourd’hui, ou sur le remède qu’il faudrait y appliquer, que le médecin qui bornerait l’étude de son malade à l’examen du corps en masse, abandonnant toute investigation sur l’état des poumons, de l’estomac ou du cerveau. Le système de sociologie de M. Comte n’explique pas le passé et ne peut, conséquemment, être d’aucun usage pour diriger l’avenir ; et la raison pour laquelle il n’atteint pas, et ne peut atteindre ce but, c’est que M. Comte a évité d’employer la méthode des sciences naturelles, la méthode philosophique, qui consiste à étudier ce qui est près de nous et connu, dans le but d’acquérir la puissance de comprendre ce qui est éloigné et inconnu ; méthode qui étudie le présent pour obtenir les connaissances à l’aide desquelles nous comprenons les causes des événements dans le passé et nous prédisons ceux qui découleront inévitablement, dans l’avenir, de causes identiques.

 

 

 

 

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