Franklin Delano ROOSEVELT
Président des États-Unis
SUR
LA BONNE VOIE
(ON OUR WAY)
Traduit de l'Anglais par
PIERRE DUTRAY
1934
Les Éditions
DENOËL ET STEELE
19, rue Amélie, 19
PARIS
CHAPITRE X
Après mon retour à Washington, au début de juillet, la partie exécutive du gouvernement entreprit la tâche ardue de mettre sur pied et de régler le nouveau système que le Congrès avait autorisé.
Il ne nous appartient pas, dans le cadre de ce livre, de juger des effets de la législation ou des résultats immédiats de nos efforts : en ce printemps, nous sommes encore dans une période d'évolution. Toute personne intelligente et honnête aux Etats-Unis peut se faire une opinion à mesure que le temps passe; seulement nous devons nous mettre dans la tête que le programme d'ensemble évolue encore; il est empirique, en ce sens que, si une méthode ne réussit pas, on en essayera une autre et qu'il y a encore beaucoup d'autres mesures à prendre avant que nous ne puissions émettre une appréciation juste sur l'ensemble.
Aussi, dans ce chapitre et dans ceux qui vont suivre, j'établirai une liste chronologique des principaux événements qui se sont passés entre le mois de juillet 1933 et le 4 mars 1934. Toutefois, certains discours et messages exposent clairement le programme de restauration et de réorganisation, tout en esquissant l'évolution de notre politique.
Le 8 juillet, le secrétaire de l'Intérieur Ickes fut nommé Administrateur des Travaux publics et il se mit immédiatement à la tâche difficile de répartir la dépense de trois milliards trois cent millions de dollars.
Le 11 juillet, je constituai le Conseil Exécutif pou la simple raison que, par suite de l'établissement de tant de nouveaux services, il fallait les convoquer toutes les semaines, ainsi que les membres du Cabinet, à une session commune. A ces réunions du mardi, nous avions en plus des membres du Cabinet: l'Administrateur du Budget, le Président du Conseil de la « Reconstruction Finance Corporation », le Gouverneur de l'administration du Crédit agricole, le Président du Conseil de la Société d'emprunt des propriétaires, l'Administrateur de l'administration d'ajustement agricole, l'Administrateur du Comité de secours fédéral, le Président du Conseil de l'administration de la vallée de Tennessee, le Coordinateur fédéral des transports, l'Administrateur du Comité de redressement industriel, et le Directeur du corps civil M. Frank C. Walker fut nommé secrétaire exécutif du Conseil.
Le 14 juillet, le secrétaire de l'Intérieur reçut également tout pouvoir pour régir l'industrie pétrolifère.
Le vingt et un juillet, vingt millions de dollars consacrés aux travaux publics furent réservés à l'achat de terrains forestiers qui seraient exploités par le C. C. C.
Le vingt-quatre juillet, j'exposai à la T. S. F. les événements des mois précédents :
« Depuis l'ajournement de la session extraordinaire du Congrès, session historique, il y a de cela cinq semaines, je me suis abstenu de propos délibéré de m'adresser à vous pour deux excellentes raisons :
« Tout d'abord, je pense que nous désirions tous réfléchir à notre aise pour examiner et nous assimiler, par l'esprit, les événements multiples des cent journées qui avaient été consacrées à donner le branle au fonctionnement du « New Deal ».
« En deuxième lieu, j'avais besoin de quelques semaines pour organiser la nouvelle machine administrative et pour voir les premiers fruits de notre plan mûrement réfléchi.
« Je crois que cela vous intéressera de m'entendre exposer les principes fondamentaux de mon plan de restauration nationale, afin que vous puissiez vous convaincre que tous les projets et toutes les mesures législatives adoptés depuis le 4 mars, loin d'être une collection de projets hasardeux, prennent place chacun dans un ensemble cohérent et logique.
« Longtemps avant le jour de l'inauguration, j'avais acquis la conviction que tout effort individuel, local et même fédéral s'il n'était pas coordonné avec les autres, avait échoué et échouerait nécessairement et que, par conséquent, un vaste programme dirigé par le gouvernement fédéral, s'imposait dans la pratique comme dans la théorie. Il fallait avant tout maintenir et fortifier le crédit du gouvernement des Etats-Unis, condition sine qua non du succès de cette politique. Depuis des années, le gouvernement n'avait pu vivre de ses revenus. Nous devions donc ramener immédiatement les dépenses gouvernementales aux limites de ses ressources. C'est ce qu'on a fait.
« Il peut paraître peu sérieux qu'un gouvernement réduise ses dépenses ordinaires et en même temps prête et dépense des milliards pour l'exécution de mesures exceptionnelles. Mais il n'y a là aucune contradiction, car une grande partie de cet argent a été fourni par de solides emprunts qui seront remboursés au Trésor au cours d'une période de plusieurs années, et pour couvrir le restant de cet argent, nous avons levé des impôts qui paieront les intérêts et rembourseront le capital par fractions.
« Vous pouvez voir ainsi que nous avons conservé notre crédit intact. Nous avons jeté des fondations de granit en une période de confusion. Le crédit fédéral s'appuie sur une base vaste et sûre. Sur elle repose tout le plan de redressement national.
« Une autre partie du plan concernait le crédit des particuliers. Vous connaissez aussi bien que moi la crise bancaire et le grand danger qui menaçait les épargnes de nos citoyens. Le 6 mars, toutes les banques nationales étaient fermées. Un mois plus tard les déposants pouvaient disposer des quatre-vingt-dix pour cent des dépôts effectués dans les banques nationales. Aujourd'hui cinq pour cent seulement des dépôts dans les banques nationales restent gelés. La situation des banques d'Etat, bien qu'elle ne repose pas sur un pourcentage tout à fait aussi bon, montre cependant une réduction continuelle des crédits gelés. La situation est bien meilleure qu'on ne pouvait l'espérer, il y a trois mois.
« Le problème du crédit des individus était beaucoup plus difficile, du fait d'une monnaie mal adaptée: le dollar n'avait plus la même valeur qu'au moment où ils avaient contractés leurs dettes. Aussi un nombre considérable de gens perdaient-ils la possession de leurs fermes et de leurs immeubles, ainsi que tout droit sur ces biens. Vous connaissez tous les mesures financières qui ont été prises pour remédier à ce défaut d'adaptation. Outre la loi de prêt sur les immeubles, on adopta les lois sur l'emprunt agricole et la banqueroute.
« Ce fut une nécessité vitale de rétablir le pouvoir d'achat par la réduction du fardeau des dettes et des intérêts qui pesait sur nos concitoyens; mais, tandis que nous aidions le peuple à sauver son crédit, il n'était pas moins essentiel, en même temps, de subvenir aux besoins de centaines de milliers de personnes qui, à ce moment même, étaient dans la pire détresse. L'Etat et les municipalités étaient sur le point de cesser leur secours. Nous votâmes pour les aider un budget d'un demi-milliard de dollars; en outre, comme vous le savez, le programme de reboisement, les mesures préventives contre les inondations et l'érosion du sol ont donné un travail pratique et utile à trois cent mille jeunes gens. Les salaires qu'ils gagnent, servent en grande partie à venir en aide à près d'un million de personnes qui constituent leurs familles.
« Dans la même catégorie, nous pouvons ranger à bon droit le grand programme de travaux publics pour lequel on a avancé plus de trois milliards de dollars. Il nous faut insister sur deux points qui concernent l'exécution de ces projets — en premier lieu, nous apporterons toute notre attention à choisir un travail fécond, d'une portée immédiate, des projets utiles, qui ne sentent pas la cuisine électorale; en second lieu, nous espérons que, grâce à ces projets qui après quelques années rapporteront par eux-mêmes, plus de la moitié de cet argent rentrera dans les caisses du gouvernement.
« Jusqu'ici j'ai parlé des fondations, des mesures indispensables pour rétablir le crédit, pour orienter le peuple dans une nouvelle direction, en secourant les individus en détresse et en leur donnant, grâce à une action gouvernementale, le plus de travail possible.
« Maintenant, j'en viens aux mesures prises pour orienter définitivement le pays vers la prospérité. J'ai affirmé que nous ne pourrons y arriver dans un pays où une partie des habitants vit dans le luxe, et l'autre dans la misère. Si tous nos concitoyens ont du travail, des salaires et des bénéfices justes, ils pourront acheter les produits de leurs voisins, et les affaires marcheront. Mais si vous enlevez les salaires et les bénéfices à la moitié d'entre eux, l'affaire ne marchera qu'à moitié. Peu importe qu'une partie soit très prospère: ce qu'il faut c'est une prospérité raisonnable pour chacun.
« Depuis beaucoup d'années, les deux grandes barrières qui s'opposent à une prospérité normale, sont la dépréciation des produits agricoles et le chômage qui paralyse la nation. Ces deux maux ont réduit de moitié le pouvoir d'achat du pays. J'ai promis de prendre des mesures. Le Congrès a pris sa part, lorsqu'il a voté le « Farm Act » (loi agricole) et l'« Industrial Recovery Act » (loi de redressement industriel). Aujourd'hui nous mettons ces deux lois à pied d'oeuvre : elles produiront des résultats si le peuple comprend clairement les objectifs qu'elles s'assignent.
« En premier lieu le « Farm Act »: il se base sur le fait que le pouvoir d'achat de près de la moitié de notre population dépend du juste prix des produits agricoles. Nous avons eu des produits en beaucoup plus grand nombre que nous n'en consommons ou pouvons en écouler sur un marché mondial effondré. Pour remédier à cette situation, il faut réduire la production. Sans notre aide les fermiers ne peuvent s'entendre pour la réduire. Le « Farm Bill » (loi d'aide aux fermiers) leur donne un système qui leur permettra de ramener leur production à un niveau raisonnable et d'obtenir des prix raisonnables pour leurs récoltes. Je n'ai pas contesté le caractère expérimental de ces mesures mais jusqu'ici nous avons raison de croire qu'elles produiront de bons résultats.
« II est évident que, si nous pouvons augmenter sensiblement le pouvoir d'achat de dizaines de millions de nos concitoyens qui vivent du fermage et de la répartition des produits agricoles, nous augmenterons considérablement la vente des produits industriels.
« Cela me permet d'en venir à la mesure finale, qui ramènera l'industrie dans des voies saines.
« L'automne dernier, à plusieurs reprises, j'ai affirmé avec force que, si l'industrie suit une discipline démocratique librement consentie, la réduction des heures de travail et l'augmentation des salaires permettront aux ouvriers d'acheter le produit de leur travail et de s'en servir. Cela ne peut se faire que si nous permettons et si nous encourageons une action de coopération entre industriels car il est évident que, sans une unité d'action, un petit nombre d'hommes égoïstes, dans tout groupe rival, payera des salaires de famine et exigera de longues heures de travail. Les autres ne pourront que les suivre ou fermer boutique. Nous avons vu les résultats de cette politique qui, depuis quatre ans, nous a entraînés de plus en plus vers l'enfer économique.
« Il y a un moyen sûr de renverser cette situation: Si tous les patrons, dans tous les groupes rivaux, consentent à payer à leurs ouvriers les mêmes salaires — des salaires raisonnables — et s'ils exigent le même nombre d'heures — un nombre raisonnable — alors l'augmentation des salaires et la réduction des heures de travail ne léseront aucun patron. En outre cette situation est préférable pour le patron au chômage et à des bas salaires, car elle augmente le nombre d'acheteurs de ses produits C'est cette idée si simple qui est à la base du programme de restauration nationale.
« C'est sur cette idée de collaboration, que nous entreprîmes la lutte contre le chômage. Elle réussira si dans les grandes industries, dans les petites boutiques, dans les grandes villes et les petits villages, on en comprend la nécessité. Il n'y a là rien de compliqué ni de particulièrement nouveau. Cette idée n'est que l'application du principe général suivant lequel dans une société ou dans une nation, des individus groupés peuvent réaliser ce qu'aucun individu agissant en isolé ne pourrait même espérer d'exécuter.
« Voici un exemple. Nous avons constaté dans le code de l'industrie cotonnière et dans d'autres accords déjà signés, l'abolition du travail des enfants. Je me sens personnellement plus heureux de ce résultat que de tous les autres que j'ai obtenus depuis mon arrivée à Washington. Dans l'industrie textile — industrie dont les membres m'offrirent spontanément leur concours dans un geste magnifique dès que la loi de redressement industriel fut signée — le travail des enfants était un de ces maux qui existait depuis de longues années. Mais aucun patron agissant seul, n'avait pu le faire disparaître. Si un patron ou si un Etat s'y attaquait, les frais que représentait cet effort atteignaient un chiffre si considérable qu'il devenait impossible de rivaliser avec les patrons ou les Etats qui n'avaient pas participé à cette tentative. Il a suffi de cette loi de redressement industriel pour abolir cette chose monstrueuse. Si je vous cite cet exemple, ce n'est pas pour en tirer vanité mais pour vous mettre sur la voie d'efforts même plus grands de collaboration que vous aurez à tenter cet hiver et cet automne.
« Nous ne devons pas traverser un autre hiver semblable à celui que nous venons de passer. Je ne crois pas qu'un peuple ait jamais supporté avec tant de courage et tant de bonne humeur une saison même à moitié aussi dure. Nous ne pouvons pas demander à l'Amérique de continuer à souffrir de telles misères. Le moment est venu d'entreprendre une action courageuse. La loi sur le redressement industriel nous donne le moyen de vaincre le chômage avec les armes mêmes que nous avons utilisées pour abolir le travail des enfants.
« Nous avons envoyé à tous les patrons un projet d'accord qui est le résultat de plusieurs semaines de délibérations. Il s'oppose à presque tous les codes précédents des grandes industries. Ce code passe-partout a reçu l'approbation unanime des trois comités que j'ai chargés de l'étudier, comités qui représentent les grands chefs de l'industrie, du travail et des services sociaux. De tous les Etats, affluent des marques d'approbation, ainsi que d'un si grand nombre d'industriels que je puis assurer qu'il convient à tous. C'est un plan — mûrement réfléchi, raisonnable et juste — qui a pour but de mettre immédiatement en oeuvre les plus importants des principes généraux que les codes établissent d'industrie à industrie. Naturellement, il faudra bien du travail d'organisation, bon nombre de séances et de mois avant d'achever et de signer ces codes; d'autre part, nous ne pouvons attendre la mise en oeuvre de tous ces codes. Toutefois le projet que j'envoie à tous les patrons, permettra la mise en marche du programme non pas dans six mois, mais dès maintenant.
« II y a évidemment un petit nombre de gens, qui pourraient, dans un but égoïste, s'opposer à ce grand plan d'intérêt général. La loi, dans ce cas, prévoit des sanctions. Mais maintenant, je fais appel à la coopération des esprits et des coeurs. Ce sont les seuls instruments que nous emploierons cet été dans notre grande offensive contre le chômage. Mais nous les emploierons jusqu'à l'extrême limite pour protéger contre les obstructionnistes ceux qui adhèrent au plan.
« En temps de guerre, dans l'obscurité des attaques de nuit, les soldats portent à l'épaule un insigne brillant qui empêche leurs camarades de faire feu sur eux. De même ceux qui coopèrent à notre programme doivent se reconnaître à un simple coup d'oeil. Voilà pourquoi nous avons songé à un insigne d'honneur, un simple dessin portant la devise: « Nous prenons notre part ». Je demande à tous ceux qui se joignent à moi d'étaler bien en vue cet insigne. C'est essentiel à notre dessein.
« Déjà toutes les grandes industries m'ont proposé des codes qui souscrivent aux principes tendant à la reprise massive du travail. Mais quelque importante que soit cette manifestation de sympathie, le terrain le plus propice pour obtenir des résultats se trouve parmi ces petits patrons qui emploient de une à dix personnes. Ces petits employeurs sont en effet une partie vitale, la moelle du pays; le succès de nos plans repose en grande partie entre leurs mains.
« Déjà les télégrammes et les lettres affluent à la Maison Blanche — messages de patrons qui demandent qu'on inscrive leurs noms sur le tableau d'honneur. Ils représentent de grandes sociétés, compagnies, corporations et des individus. J'invite tous les employeurs qui ne l’ont pas encore fait, à m'envoyer ou me télégraphier personnellement à la Maison Blanche, et ce sans délai, leur adhésion à mon plan. Je veux faire afficher dans chaque bureau de poste de chaque ville un tableau d'honneur portant les noms de ceux qui se joindront à moi.
« Je désire profiter de cette occasion pour dire aux vingt-quatre gouverneurs qui sont maintenant réunis en conférence à San-Francisco que, plus que toute autre mesure, le message unanime qu'ils ont adopté au début de la conférence et dans lequel ils promettent l'appui immédiat de leur Etat, a profondément encouragé ce grand mouvement.
« Aux hommes et aux femmes dont la crainte du chômage assombrissait les jours, je puis maintenant adresser une parole d'encouragement, car les codes et les accords qui ont déjà été approuvés ou qui vont être adoptés, amèneront l'augmentation des salaires et remettront le peuple au travail. Tout patron qui adopte le plan remplit, croyez-le, son rôle, et mérite bien de quiconque travaille pour vivre. Vous comprendrez tout comme moi que si un patron refuse de suivre ce plan et vend ses produits à plus bas prix que son concurrent, c'est au détriment de la prospérité du pays, qu'il réalise cette économie.
« Lorsque mourut Andrew Jackson, quelqu'un demanda: « au ciel? » et l'on répondit: « II ira s'il le veut ». Si l'on me demande si le peuple américain parviendra à sortir de la crise, je répondrai: « Oui, s'il le veut ». L'essence du plan est la limitation de la semaine de travail par un accord général et le payement d'un salaire juste par un accord général également. Je ne puis garantir le succès de ce plan national, mais le peuple peut le garantir. Je ne crois pas aux remèdes universels mais je crois pouvoir exercer une forte influence sur les forces économiques. Je n'ai aucune sympathie pour les économistes professionnels qui veulent laisser les choses suivre leur cours, et qui prétendent que l'homme ne peut rien faire contre les maux économiques, parce qu'ils ont changé tous les cinq ou dix ans leurs théories sur les lois économiques, mais j'ai gardé ma foi dans la force de l'intérêt commun et dans la force de l'action unifiée du peuple américain.
« Voilà pourquoi je vous expose le but et les idées qui sont à la base de notre programme de restauration nationale. Voilà pourquoi je prie les patrons de la nation de signer avec moi cette charte commune — de la signer au nom du patriotisme et de l'humanité. Voilà pourquoi je demande aux travailleurs de collaborer avec nous dans un esprit d'entente et d'aide mutuelle. »
Au début d'août, l'élaboration des codes pour l'industrie progressait si rapidement sous la direction de l'Administrateur chargé du redressement industriel que, sur la recommandation unanime des chefs du travail et de l'industrie, membres des conseils consultatifs du gouvernement de redressement, je constituai, par un décret, un tribunal qui fut désigné sous le nom de Conseil national du Travail.
Le premier octobre, je me rendis à Chicago pour voir l'exposition et pour parler à la convention de la Légion américaine. Voici ce discours qui expose, je crois, certains principes honorables et justes:
« C'est avec joie que je viens ici en qualité d'hôte; je suis heureux d'avoir le droit de venir ici en camarade. Je suis venu parce que j'ai confiance dans la Légion américaine et dans tous les autres vétérans des guerres que nous avons conduites.
« Mes rapports avec vous ne datent pas d'il y a six mois mais ils remontent aux jours de guerre à laquelle j'ai pris part avec vous.
« Je désire vous entretenir du problème gouvernemental, des difficultés que vous et moi, en votre qualité d'Américains, avons endurées et résolues, ainsi que celles que nous aurons encore à affronter.
« Je désire vous parler de l'unité nationale. Regardons-la comme une chose vivante — non pas comme une simple théorie qui se confine dans les livres et reste éloignée de la vie courante. Nous vivons tous sous un gouvernement commun, nous pratiquons des échanges, payons des impôts communs, nous donnons et recevons protection d'un gouvernement commun. Reconnaître l'unité nationale, la mettre au-dessus de tout, constater que d'elle dépend le bien-être général, n'est qu'une autre façon de dire que nous sommes patriotes.
« L'unité nationale a deux ennemis : le régionalisme et l'esprit de classe; que l'un et l'autre prédominent et c’est la fin de l'unité nationale et du patriotisme.
« Certains visiteurs étrangers ont encore peine à croire qu'une nation issue de plusieurs sources, qu'une nation de cent trente millions d'habitants, qu'une nation s'étendant de l'Est à l'Ouest sur une largeur de trois mille milles forme un tout homogène dans les parties essentielles de sa civilisation.
« L'autre ennemi de l'unité nationale, nous le trouvons dans la lutte des classes. Vous savez, tout comme moi, que de jour en jour les habitants de ce pays tolèrent de moins en moins qu'un groupe de citoyens s'adjugent des bénéfices au détriment d'autrui.
« Depuis plusieurs années, le peuple américain était menacé de perdre les avantages qu'il s'était acquis. La crise vint au printemps de cette année. On dut y faire face. Des millions de personnes étaient sans travail, les banques étaient fermées; le crédit du gouvernement lui-même était menacé. La voiture était en panne. Il fallait évidemment avant tout, faire marcher le moteur. Sans doute nous réussîmes à rouvrir la grande majorité des banques mais cela n'aurait pas été possible si, en même temps, nous n'avions rétabli le crédit du Gouvernement, base même de tout l'édifice américain.
« Voilà pourquoi nous entreprîmes de restaurer le Trésor National, en suivant deux principes qui concernaient directement les pensions des vétérans, les vétérans de cette guerre et des autres.
« Le premier principe découle de l'obligation qu'ont les citoyens de porter les armes: le gouvernement a des devoirs envers ceux qui ont reçu des blessures ou contracté des maladies à son service.
« Le second principe est que personne, sous prétexte qu'il a porté un uniforme ne peut pour cette raison être rangé dans une classe spéciale de bénéficiaires, au-dessus de tous les autres citoyens. Le fait de porter un uniforme n'implique pas qu'un citoyen peut demander et recevoir du gouvernement une pension qu'aucun autre ne reçoit. Ce fait n'implique pas non plus que parce qu'une personne a défendu son pays, rempli son devoir de citoyen, elle doit s'attendre à ce que le gouvernement lui accorde une pension pour une invalidité qu'elle subirait après la guerre et qui n'aurait pas de rapport avec la guerre.
« Cela implique toutefois que ceux qui furent blessés ou souffrent des conséquences de la guerre, sont autorisés à recevoir des compensations adéquates et généreuses. Cela implique que le gouvernement a le devoir d'aider les descendants de ceux qui sont morts au service de leur pays.
« Pour la mise en pratique de ce principe, les habitants de ce pays peuvent payer et payeront en impôts les sommes nécessaires. Pour cette mise en pratique votre gouvernement n'a pas à courir à la banqueroute ni à bouleverser sa comptabilité.
« Le moment est venu, je crois, d'ajouter à ces deux grands principes un troisième. Il y a beaucoup de vétérans qui souffrent d'invalidité ou de maladie sans aucun rapport avec la guerre. Le Gouvernement Fédéral doit appliquer pour eux la même règle qu'il a adoptée, lorsqu'il secourt d'autres cas de misère et de détresse involontaires.
« Les jeunes gens de ce pays qui, aujourd'hui en cas de guerre, auraient à supporter le premier choc de la défense nationale, nous considèrent comme des personnes entre deux âges. Vous et moi, nous ne sommes pas encore prêts à admettre que nous avons « un pied dans la tombe ». Nous croyons que nous exerçons chacun une certaine influence, nous croyons que l'organisation de la Légion américaine peut contribuer énormément au bien du pays et ce pour de nombreuses années. Il ne suffit pas que vous ayez aidé à écrire l'histoire de l'Amérique. Vos intérêts futurs sont inséparables de ceux de nos concitoyens. Je vous demande donc, après vous êtes intéressés en premier lieu à vos camarades invalides, de participer en outre au vaste programme de restauration nationale dans lequel nous sommes engagés aussi bien que vous.
« Là charte de la Légion se garde de politique de partis. La force et l'existence même de la Légion dépendent du maintien de ce principe. Il n'y a pas ici de républicains ou de démocrates. Mais des Américains qui doivent collaborer avec le gouvernement au bien de tous les citoyens. Je sais gré à la Légion de la position splendide qu'elle a prise — du « bulletin de bataille » qu'elle a publié.
« Nous ne pouvons réaliser notre programme national en six mois; le chômage commence seulement à diminuer. De semaine en semaine, il y aura des hauts et des bas, mais le résultat net est un progrès continu. La congélation des crédits a été arrêtée, et la glace commence définitivement à fondre. Le revenu des fermiers a été augmenté, et doit être augmenté encore. L'industrie a progressé, mais l'augmentation du pouvoir d'achat doit continuer à la stimuler.
« Nos deux tâches sont analogues. Chacun de nous doit jouer un rôle dans son propre domaine mais en même temps nous devons comprendre que chaque rôle particulier se rattache étroitement à l'ensemble, à une unité nationale de plan et d'action.
« Je vous demande de nouveaux, et même de plus grands efforts pour la restauration nationale. Vous qui avez porté l'uniforme, vous qui avez servi, vous qui avez prêté serment de fidélité à la Légion, vous qui soutenez les idéals civiques américains, je vous ai appelé à nouveau sous les drapeaux.
« En ma qualité de commandant en chef et de camarade, j'ai confiance que vous répondrez à mon appel. »
Le 4 octobre, j'ai prononcé un discours à un dîner de la conférence nationale des associations catholiques charitables. Après avoir fait l'éloge des associations catholiques charitables particulièrement de la société de Saint-Vincent-de-Paul dont la conférence célébrait le centenaire, j'ai souligné le fait que le sentiment de la justice sociale faisait des progrès dans le monde. J'ai montré ensuite que le Gouvernement des Etats-Unis s'efforçait d'aider les nécessiteux mais que seules les associations privées pouvaient apporter aux malheureux l'assistance morale nécessaire. Je me suis félicité de pouvoir constater que le peuple américain sentait impérieusement la nécessité d'idéaux moraux et j'ai ajouté que la croyance en Dieu constituait un des besoins essentiels de la race humaine.
Au mois d'octobre nous créâmes un « Comité de liquidation des dépôts » chargés de régler le payement des dépôts effectués dans les banques qui avaient fermé précédemment et qui n'étaient pas en mesure de rouvrir leurs guichets. En même temps la « Reconstruction Finance Corporation » travaillant d'accord avec le contrôleur de la circulation fiduciaire et le Système des Banques Fédé-raies de réserve, entreprit par l'achat d'actions préférentielles, de renflouer beaucoup de banques afin de leur permettre d'adhérer au plan de l'assurance-dépôt, qui allait entrer en vigueur le premier janvier.
Pour la quatrième fois au cours de l'année, j'exposai à la radio la situation nationale. Ce discours prononcé le 22 octobre proclama, pour la première fois, la décision du gouvernement d'acheter de l'or nouvellement extrait aux Etats-Unis et aussi d'acheter ou de vendre de l'or sur le marché mondial:
« Pour la première fois depuis trois mois, je m'entretiens avec la population de ce pays de nos problèmes nationaux; mais durant cette période beaucoup d'événements se sont passés, et je suis heureux de dire que la majeure partie d'entre eux ont contribué au bien-être du citoyen moyen.
« Comme, dans toutes les mesures que votre gouvernement prend, nous songeons au citoyen moyen — visant selon la vieille expression « au plus grand bien pour le plus grand nombre » —nous ne pouvons raisonnablement nous attendre à apporter des bénéfices définitifs à chaque personne ou à toutes les professions ou aux affaires, à l'industrie et à l'agriculture. Dans le même ordre d'idées, aucune personne raisonnable ne peut espérer que, dans ce bref laps de temps, au cours duquel on dut avant de mettre en marche le nouvel organisme le mettre sur pied, chaque localité de chacun des quarante-huit Etats du pays pût participer également et simultanément au mouvement d'amélioration.
« L'ensemble du tableau, toutefois — la moyenne de tout le territoire d'une côte à l'autre, la moyenne d'une population de cent-vingt millions d'habitants — montre à toute personne qui veut voir, des faits et des actes dont vous et moi pouvons être fiers.
« Au début du printemps de cette année, il y avait absolument et relativement plus de chômeurs dans ce pays que dans aucun autre pays du monde. Au mois de mars, on estimait que le nombre des chômeurs était de douze à treize millions. Parmi ceux-ci, on pouvait évidemment ranger dans la catégorie des chômeurs normaux plusieurs millions de personnes, qui travaillaient de temps à autre, lorsqu'elles en éprouvaient l'envie, ou qui préféraient ne pas travailler du tout. On peut donc dire avec justesse que dix millions de nos concitoyens recherchaient sérieusement du travail, souvent même sous l'aiguillon de la faim, et qu'ils n'en trouvaient pas. An cours de ces quelques mois, je suis persuadé qu'au moins quatre millions d'entre eux ont trouvé un emploi — en d'autres termes, quarante pour cent de ceux qui cherchaient du travail, en ont eu.
« Ce n'est pas à dire, mes amis que vous ou moi sommes assurés que notre tâche est terminée. Nous avons encore un long chemin à parcourir mais nous sommes sur la bonne voie.
« Comment allons-nous construire l'édifice de la restauration, le temple qui, achevé, ne sera plus le temple des usuriers ou des mendiants mais le temple consacré au maintien d'une plus grande justice sociale, à une plus grande prospérité de l'Amérique — la résidence d'une vie économique saine. Nous bâtissons, pierre par pierre, les colonnes qui soutiendront cet édifice. Ces colonnes sont nombreuses et quoique la construction de l'une puisse influencer celle de sa voisine, l'ensemble doit avancer sans entrave.
« Nous savons tous qu'à la base de cet échafaudage se trouvait le secours immédiat aux chômeurs et voilà pourquoi je parle en premier lieu de ce fait que trois cent mille jeunes gens, dans presque toutes les parties de la nation, ont reçu et recevront encore du travail durant tout cet hiver dans les camps des Corps Civils.
« Nous avons de la sorte, comme vous le savez, alloué plus que jamais, en collaboration avec les Etats et les gouvernements locaux, des sommes énormes pour venir en aide aux travailleurs et aux propriétaires d'immeubles, sommes qu'au cours de l'hiver prochain on ne pourra diminuer pour la bonne raison que, bien que des millions de personnes aient repris le travail, la situation de ceux que n'en ont pas encore obtenu, est plus dure qu'elle ne l'était l'année dernière à la même époque.
« Nous en venons ensuite aux secours qui se donnent à ceux qui sont menacés de perdre leurs fermes ou leurs immeubles. L'on dut mettre sur pied un nouvel organisme pour rétablir le crédit agricole et le crédit foncier dans chacun des trois mille cent arrondissements des Etats-Unis et chaque jour qui s'écoule sauve les immeubles et les fermes de centaines de familles. J'ai publiquement demandé de retarder les forclusions des fermes, des biens mobiliers et immobiliers jusqu'au moment où tout débiteur hypothécaire du pays aura eu amplement le temps de tirer parti du crédit fédéral. Je demande en outre — et beaucoup d'entre vous savent que les grandes organisations de crédit fédéral ont déjà fait droit à cette demande — je demande, dis-je, que, si une famille aux Etats-Unis est sur le point de perdre son habitation ou ses biens meubles, elle télégraphie immédiatement à Washington soit à l'Administration du crédit agricole, soit à la Corporation du prêt aux propriétaires pour demander leur aide.
« Deux autres services importants sont en pleine activité. La « Reconstruction Finance Corporation » prête de grosses sommes à l'industrie et à la finance, dans le but précis de faciliter l'accroissement du crédit à l'industrie, au commerce et à la finance.
« Voici où en est le programme de travaux publics après trois mois: un milliard huit cent millions de dollars ont déjà été alloués par les travaux fédéraux sur un crédit de trois milliards trois cent millions de dollars: ces travaux sont en train dans toutes les parties du pays. En outre, trois cent millions ont été alloués aux travaux publics, destinés, entre autres choses, à la suppression des taudis, que devront entreprendre les Etats, les municipalités et les organisations privées. On attend pour allouer l'argent consacré aux travaux publics que les Etats et les localités présentent des projets rationnels. Washington détient l'argent et n'attend que ces projets pour le distribuer.
« Un autre pilier de l'édifice gouvernemental est l'Administration d'ajustement agricole. J'ai été étonné par le concours extraordinaire que prêtèrent au gouvernement les cultivateurs du coton du Sud, les cultivateurs du froment de l'Ouest, les cultivateurs de tabac de l'Est et je suis persuadé que les cultivateurs de maïs pour bétail du Middle West participeront à ce mouvement de la même façon généreuse. Le problème que nous cherchons à résoudre, depuis trente ans avait empiré de jour en jour mais au cours des six derniers mois, nous avons accompli des progrès plus rapides qu'aucune nation n'en a fait durant un égal laps de temps. Sans doute, au mois de juillet, les prix des denrées agricoles étaient montés plus haut qu'aujourd'hui, mais cette hausse provenait en partie de la spéculation pure qu'avaient pratiquée des gens incapables de dire la différence entre le froment et le seigle, des gens qui n'avaient jamais vu pousser le coton, des gens qui ignoraient que les porcs se nourrissaient de maïs, des gens qui ne prêtent aucun intérêt réel à l'agriculture et aux problèmes qu'elle suscite.
« En dépit toutefois de la réaction spéculatrice qu'engendra la hausse due à la spéculation, il apparaît bien établi qu'au cours de l'année 1933 les prix des produits agricoles dépasseront de trente pour cent les prix de l'année 1932. En d'autres termes, les fermiers recevront quatre cents dollars en 1933 là où ils en auraient reçu trois cents en 1932. C'est vrai pour l'ensemble du pays, rappelez-le vous, car j'apprends par des rapports, qu'il y a des contrées où la situation ne s'est pas améliorée depuis l'année 1932. Cela s'applique aux principaux produits, spécialement à l'élevage du bétail et à l'industrie laitière. Nous allons aborder ces problèmes le plus vite possible.
« Je n'hésite pas à dire aussi simplement et aussi clairement que possible, que, en dépit de la hausse de beaucoup de produits agricoles, malgré l'amélioration de la situation de beaucoup de familles, néanmoins je ne m'en contente pas. Je vous déclare que c'est une partie précise de notre programme d'accentuer la hausse et de l'étendre aux produits qui n'en ont pas encore senti les effets bienfaisants. Si nous n'y arrivons pas d'une façon, nous y arriverons d'une autre. Avec vous, nous arriverons.
« A côté du pilier de l'agriculture — l'A. A. A. — se dresse le pilier de l'industrie — la N. R. A. Elle a pour objet de donner du travail aux ouvriers et d'accroître leur capacité d'achat par l'augmentation de leurs salaires.
« Elle a aboli le travail des enfants. Elle a supprimé les ateliers où le travailleur à la pièce ne reçoit qu'un salaire de famine. Elle a mis fin à ce régime où l'on voyait des ouvriers recevoir dans certaines fabriques soixante « cents » et dans certaines mines quatre-vingts « cents » la semaine. Vous pourrez juger du développement de la N. R. A. par l'ensemble des chiffres relatifs à l'embauche que je vous ai déjà donnés et par le fait que celle-ci continue et ne s'arrête pas. Le secret de la N. R. A. est la coopération. Cette coopération a été donnée volontairement par ceux qui ont contresigné les codes de couverture et les codes particuliers qui comprennent déjà l'ensemble des grandes industries de la nation.
« Dans la grande majorité des cas, dans la plupart des localités, la N. R. A. a reçu un appui illimité. Nous savons qu'il y a des coupeurs de cheveux en quatre. A la base de toutes les critiques, de toutes les obstructions, nous avons trouvé un intérêt égoïste.
« Quatre-vingt-dix pour cent des plaintes proviennent d'une mauvaise interprétation. On a dit, par exemple, que la N. R. A. n'avait pu faire hausser le prix du froment, du maïs et des porcs, on a dit que la N. R. A. n'avait pas prêté suffisamment d'argent pour les travaux publics. Evidemment la N. R. A. n'a rien à voir dans le prix des produits agricoles ou dans les travaux publics. Elle doit s'occuper uniquement d'organiser industriellement un plan économique qui fasse disparaître les agissements déloyaux et qui suscite la reprise du travail. Même sur le terrain des affaires et de l'industrie, la N. R. A. ne s'applique pas aux agglomérations rurales ou aux bourgs d'une population inférieure à vingt-cinq mille habitants, à l'exception des villes qui possèdent des usines ou des magasins qui ont adopté le travail à la chaîne et qui tombent sous un code particulier.
« Le dernier pilier dont j'ai à vous parler est celui de l'argent du pays déposé dans les banques du pays. Il y a deux simples faits.
« En premier lieu, le Gouvernement fédéral va dépenser un milliard de dollars à titre de prêt immédiat sur l'actif liquide immobilisé ou non de toutes les banques fermées depuis le premier janvier 1933. Cet argent retournera dans les mains des déposants dès que cela sera humainement possible.
« En deuxième lieu, le système d’assurance gouvernementale des dépôts bancaires pour toutes les sommes ne dépassant pas deux mille cinq cents dollars entrera en vigueur le premier janvier. Nous veillons pour le moment à ce que, à cette date ou avant cette date le Gouvernement ait achevé la construction de l'édifice bancaire de manière à ce que les banques soient assainies, lorsque le système d'assurance entrera en vigueur.
« Enfin, je répète ce que j'ai dit en maintes occasions, que toujours, depuis mars dernier, la politique déterminée du Gouvernement a été de rétablir le niveau des prix des matières premières. Le but a été d'atteindre à un niveau qui permette à l'agriculture et à l'industrie de donner une fois de plus du travail aux chômeurs. Cette politique visait à rendre possible le payement des dettes privées et publiques à un niveau des prix plus proche de celui où elles ont été contractées. Elle a voulu rétablir l'équilibre des prix de manière que les fermiers puissent échanger sur une base plus juste leurs produits contre les produits industriels. Ce fut et ce demeure l'intention du Gouvernement d'empêcher les prix de monter au delà du point nécessaire pour atteindre ces fins. Le bien-être et la sécurité permanente de chaque classe de notre peuple dépend finalement de notre capacité à atteindre ces buts.
« Evidemment, en raison de la diversité des récoltes et des occupations industrielles de notre immense territoire, nous ne pouvons atteindre ce but en quelques mois. II nous faudra peut-être un an, deux ans ou même trois ans pour y arriver.
« Certaines personnes mettent la charrue avant les boeufs. Elles veulent la revalorisation du dollar d'abord. La politique du Gouvernement est de rétablir le niveau des prix d'abord. Je ne saurais pas dire, et personne ne le pourrait dire, exactement, quelle sera la valeur permanente du dollar. Fixer maintenant la valeur permanente or nécessiterait certainement dans la suite des changements que les événements à venir provoqueraient.
« Lorsque nous aurons rétabli le niveau des prix, nous chercherons à établir et à maintenir un dollar qui ne changera pas de pouvoir d'achat et ne changera pas de valeur pour le payement des dettes pendant la génération suivante. Je l'ai dit dans mon message à la délégation américaine à Londres en juillet, dernier, je le redis maintenant.
« En raison des conditions de vie de ce pays et des événements qui échappent à notre contrôle dans les autres parties du monde, il devient de plus en plus important de développer et d'appliquer de nouvelles mesures qui pourraient être nécessaires de temps en temps pour contrôler la valeur or de notre dollar chez nous.
« Notre dollar est actuellement beaucoup plus influencé par les événements du commerce international, par la politique intérieure des autres nations et les troubles politiques des autres continents. En conséquence, les Etats-Unis doivent prendre fermement en mains propres le contrôle de la valeur or de notre dollar. C'est nécessaire afin d'empêcher que les perturbations du dollar ne nous entraînent loin de notre but final, à savoir le rétablissement continu des prix de nos matières premières.
« Comme mesure supplémentaire à cette fin, je vais établir un marché gouvernemental pour l'or aux Etats-Unis. En conséquence, selon l'autorité qui m'est conférée par la loi, j'autorise la « Reconstruction Finance Corporation » à acheter l'or nouvellement extrait aux Etats-Unis, à un prix qui sera déterminé à intervalles réguliers après consultation entre le secrétaire au Trésor et le président. Lorsqu'il sera nécessaire au but que nous poursuivons, nous achèterons également ou nous vendrons de l'or sur le marché mondial. Mon but, en prenant cette mesure, est d'établir et de maintenir un contrôle continu.
« C'est là un plan mûrement réfléchi et non un simple expédient.
« Ce n'est pas seulement pour contrebalancer la chute des prix. Nous continuons à nous acheminer vers une monnaie dirigée.
« Vous vous rappelez les prédictions sinistres que faisaient au printemps dernier ceux qui n'approuvaient pas notre politique de la hausse des prix par des moyens directs. Les événements ont contredit formellement ces prédictions. Le crédit du gouvernement est excellent, les prix ont monté partiellement. Sans doute des prophètes de mauvais augure existent encore parmi nous, mais le crédit du gouvernement sera maintenu, et une monnaie saine accompagnera la hausse du niveau des prix des matières premières américaines.
« Je vous ai fait ce soir l'histoire de la tâche posant les bases de la restauration nationale. Dans les promesses que je vous ai faites après et avant le 4 mars, je vous ai dit clairement deux choses: En premier lieu, je ne m'engage à aucun miracle; en outre, je ferai de mon mieux. »
« Je vous remercie de votre patience et de votre confiance. Nos inquiétudes ne seront pas terminées demain, mais nous sommes sur la bonne vole. »
En dépit de tous les efforts, la reprise du travail jusqu'à ce moment n'avait pas avancé à un rythme aussi rapide que nous l'avions espéré. L'hiver approchait, et des millions de personnes allaient encore se trouver sur nos listes de secours. Par le transfert de quatre cent millions de dollars pris sur les fonds de l'Administration des travaux publics, nous constituâmes l'Administration des travaux civils sous la direction de M. Hopkins. La déclaration suivante en date du 8 novembre, montre l'intention et la nécessité de cette décision, qui facilita considérablement aux Etats-Unis le passage heureux du difficile hiver de 1933-1934.
« Quatre millions d'hommes actuellement sans emploi seront mis au travail conformément au plan que le Président promulguera aujourd'hui.
« Deux millions d'entre eux qui vivront par eux-mêmes en travaillant à la réalisation des projets fédéraux, locaux et d'Etat à partir du 16 novembre seront rayés des listes de secours. Deux autres millions seront remis au travail dès que cela sera possible.
« L'Administration des travaux civils nouvellement établie veillera à l'exécution de ce plan. Le Président a nommé aujourd'hui M. Harry Hopkins, administrateur.
« L'Administration des travaux civils sera financée conjointement par des fonds de l'administration des travaux publics et du comité fédéral de secours, mais les Etats, les villes, les cantons et les bourgs seront priés d'avancer les fonds. Ce sera là leur participation au programme des travaux civils.
« Le secrétaire Harold L. Ickes, administrateur des travaux publics, a pris ses mesures pour mettre une somme de quatre cent millions de dollars à la disposition de l'administration des travaux civils.
« Les deux millions d'hommes comprennent ceux qui, actuellement, profitent des secours au travail alloués par les administrations locales de secours qui dépendent des administrations de secours d'Etat et du gouvernement fédéral. On leur donnera immédiatement un salaire régulier conforme au tarif horaire que l'on applique habituellement à un travail analogue dans l'agglomération. Le programme envisage une semaine de trente heures de travail
« Les services d'aide au travail, qui relèvent des administrations actuelles d'aide au chômage du gouvernement fédéral ou des Etats, seront modifiés afin qu'ils puissent s'occuper de la reprise du travail. Ils prendront le nom de « Civil Work Division ».
« La création du nouveau service constitue un changement fondamental dans la partie du programme fédéral qui envisage la crise sous l'aspect du chômage. Elle fera disparaître des listes de secours une grande partie de ceux qui tirent leur subsistance de l'assistance publique. Elle leur donnera de la sorte un travail régulier. L'objet de ce nouveau service est de rayer des listes de secours toutes les personnes à qui l'on peut donner un emploi. Celles que l'administration des travaux civils embauchera, bénéficieront d'une augmentation immédiate de leur revenu qui dépassera les allocations de chômage qu'elles touchaient précédemment.
« Les projets ne prévoient pas seulement pour les ouvriers le type de travail que l'administration d'aide au travail leur fournit actuellement, mais encore toute une série d'emplois qui confinent au département du ministère des Travaux publics, mais qui ne sont pas de son ressort. L'élargissement de ce domaine permettra aux « Civil Works Divisions » locales d'entreprendre beaucoup plus de constructions et d'employer de plus grandes quantités de matériaux de construction. On a limité, pour ainsi dire, l'aide au travail aux entreprises qui nécessitent un minimum de matériaux. On n'a pu prendre sur le fonds de crise, que les sommes nécessaires pour donner des allocations sous forme de salaires aux ouvriers qui reprennent le travail.
« Près de trois millions de familles reçoivent maintenant dans tout le pays des secours des administrations d'assistance publique qui sont financées en tout ou en partie par les fonds de secours du gouvernement fédéral.
« Près de deux millions d'adultes membres de ces familles reçoivent des secours sous la forme de salaires qu'ils touchent pour un travail de temps réduit, consacré à des projets créés à leur intention. La somme totale que gagnent les membres de n'importe quelle famille, ne dépasse pas vingt dollars par mois dans la plupart des localités.
« Ce seul trait de plume permettra aux deux tiers au moins des familles de ce pays qui reçoivent actuellement des secours, de vivre dorénavant par elles-mêmes. »
Le cinq décembre fut une journée historique: ce jour-là fut proclamée la disparition du dix-huitième amendement à la constitution.
Le 6 décembre, je pris la parole à Washington devant le conseil fédéral des églises du Christ d'Amérique. J'y proclamai la nécessité de l'union du gouvernement et de la religion. « L'Eglise et l'Etat », disais-je « doivent collaborer à l'établissement d'une prospérité basée sur des valeurs sociales et spirituelles. Le Gouvernement demande aux églises de prêcher l'idéal d'une justice sociale; de son côté le Gouvernement garantit aux églises, à toutes les églises le droit d'adorer Dieu à leur manière ».
Juste avant la Noël, nous lançâmes une proclamation pour l'application de l'accord mondial sur l'argent signé à la conférence économique de Londres. Non seulement le ministère des finances des Etats-Unis offrait d'acheter les quantités qui lui étaient assignées en vertu de cet accord mais en même temps il offrait un prix net de 64 1/2 cents par once d'argent extrait dans ce pays, restaurant sensiblement de la sorte une industrie très répandue.
L'année 1933 se terminait sur les fêtes de la Noël et du Nouvel An au cours desquelles le pays tout entier s'acheminait vers un bonheur tel qu'il n'en avait plus connu depuis des années. Il y avait quelque chose de plus important que l'accroissement de la prospérité, que les achats à l'occasion des fêtes de la Noël, que la reprise du travail dans presque toutes les agglomérations et ce quelque chose, c'était le moral qui animait le pays. Nous étions définitivement partis pour revenir aux beaux jours.