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19 octobre 2010 2 19 /10 /octobre /2010 18:01

He-s-ready-are-you.jpg

 

   Dans toute l'Europe et dans le monde occidental, sans exception, la dictature des banquiers et des financiers impose une austérité d'une brutalité barbare par le biais de gouvernements soit corrompus soit imbéciles et de parlements mous encombrés d'opportunistes, d'agents d'influence d'intérêts particuliers et de membres d'une génération affolée par la contre-culture.

 

   2010 ? Oui. 1932 ? Aussi.

 

   C'est pourquoi je vous présente ici le discours de Franklin Delano Roosevelt à la Convention Nationale Démocrate de Chicago, le 27 juin 1932, discours d'acceptation de sa nomination et de présentation des principes de sa campagne pour la victoire à l'élection présidentielle de novembre 1932, communément appelé le "New-Deal Speech" (discours de la Nouvelle Donne), ou "Forgotten Man Speech" (discours de l'Homme Oublié).

 

   Bonne lecture

 

 

 

 

Discours de la Nouvelle Donne

(New Deal Speech)

devant la Convention Nationale Démocrate, 1932


Franklin Delano Roosevelt

FDR-National-Democratic-Convention-1932.jpg

Traduit à partir du texte en anglais tiré de l’ouvrage Nothing To Fear, The Selected Addresses of Franklin D. Roosevelt 1932 1945, Popular Library, New-York, 1946, avec une preface de Harry Hopkins, introductions de Allen Nevins.


Traduction de Jean-Gabriel Mahéo, libre de droit.
 

 

 

« Je vous promets, je m’y engage, à une nouvelle donne pour le peuple américain. »



Malgré les recherches acharnées de nos optimistes professionnels, il ne se trouvait nul point lumineux dans notre économie nationale durant les noires années qui débutèrent avec la panique de Wall-Street d’Octobre 1929. L’administration Hoover expliqua que le déséquilibre mineur du système économique était un phénomène naturel, que la structures des affaires était fondamentalement saine, et que tout retournerait bientôt à la normale.

Les attentes d’un redémarrage, cependant, ne furent pas satisfaites. La garantie que « la reprise était au coin de la rue » perdit graduellement de son charme. Treize millions de salariés étaient sans emploi, alors que le contenu des enveloppes de paye de ceux qui travaillent encore reflétait la « déflation salutaire » que les chefs de l’Administration considéraient nécessaire au retour de la prospérité.

La déflation n’apporta pas le redémarrage tant espéré, et la nation plongea encore plus profondément dans la dépression. Les prix agricoles avaient plongé à leur plus bas niveaux depuis 60 ans, les transports ferroviaires étaient dans une situation financière désespérée, les saisies de fermes et de maisons étaient générales. La peur s’empara du peuple, les fondations de la structure économique semblant se désintégrer.

C’est dans cette atmosphère saturée de peur qu’arriva la personnalité rassurante et magnétique de Franklin Delano Roosevelt, gouverneur de New-York. Aux délégués de la Convention Nationale Démocrate de 1932 qui l’acclamait, il souligna que l’urgence grave exigeait des plans qui « construisent à partir de la base et non du sommet, qui mettent leur confiance une fois de plus dans l’homme oublié, tout en bas de la pyramide économique. »

M. Roosevelt ébranla une vieille tradition selon laquelle un candidat présidentiel dût attendre, en affichant une ostensible ignorance du choix du parti, la notification officielle de sa désignation. Il prit l’avion d’Albany jusqu’à Chicago pour donner son discours d’acceptation, alors que la Convention était encore en session, et assura à son audience que la rupture des traditions ne faisait que commencer. Travail et sécurité furent promis, et une « nouvelle donne » pour le peuple américain devint synonyme de son Administration.

Allen Nevins


National-Democratic-Convention-1932-copie-1.jpg

 

 

Chicago, Illinois, le 2 Juillet 1932

 

   J’ai de l’estime pour votre volonté, après ces six jours ardus, de demeurer ici, sachant bien les heures sans sommeil que vous et moi venons de traverser. Je regrette d’être en retard, mais je n’ai aucun contrôle envers les vents des cieux et ne peut qu’être reconnaissant envers mon entraînement de marin.

   L’apparition devant la Convention Nationale de son candidat à la présidence, afin d’y recevoir formellement notification de sa sélection, est sans précédent et inhabituel, mais sans précédents et inhabituels sont les temps. J’ai débuté les tâches qui nous attendent en brisant les traditions absurdes selon lesquelles un candidat devrait rester dans une ignorance affichée de l’événement pendant des semaines, jusqu’à ce qu’il en soit formellement notifié plusieurs semaines après.

   Mes amis, que ceci soit le symbole de mon intention d’être honnête et d’éviter toute hypocrisie ou imposture, d’éviter de détourner stupidement le regard de la vérité dans cette campagne. Vous m’avez nommé et je le sais, et je suis ici pour vous remercier de cet honneur.

   Qu’il soit aussi symbolique qu’en agissant ainsi, je romps les traditions. Qu’à partir de maintenant, rompre les traditions ridicules soit la tâche de notre parti. Nous les romprons et laisserons à la direction républicaine, bien plus qualifiée dans cet art, le soin de rompre les promesses.

   Résolvons-nous fermement, ici et maintenant, à faire reprendre au pays sa marche interrompue sur la voie du véritable progrès, de la véritable justice, de la véritable égalité pour tous les citoyens, modestes ou puissants. Notre invincible chef dans cette marche interrompue n’est plus avec nous, mais son esprit survit encore aujourd’hui. Plusieurs de ses capitaines, Dieu merci, sont encore avec nous pour nous donner de sages conseils. Soyons conscient que dans toutes nos actions vit encore, si ce n’est le corps, la grande et invincible, inextinguible, progressiste âme de notre Commandant-en-chef, Woodrow Wilson.

   Il y a de nombreux sujets sur lesquels je veux clarifier ma position le plus tôt possible dans cette campagne. Ce document admirable, la plate-forme que vous avez adoptée, est clair. Je l’accepte à cent pour cent.

   Et vous pouvez accepter ma promesse que je ne laisserai aucun doute ou ambiguïté concernant mes positions sur une quelconque question à n’importe quel moment de cette campagne.

   Alors que nous entrons dans cette nouvelle bataille, gardons toujours présent avec nous certains des idéaux du parti : le fait que la parti démocrate, par tradition et par la logique continue de l’histoire passée et présente, est le porteur du libéralisme, du progrès, et dans le même temps de la sûreté pour nos institutions. Et si cet appel n’est pas entendu, souvenez-vous bien, mes amis, que le ressentiment envers l’échec de la direction républicaine – et notez bien que dans cette campagne je n’utiliserai pas les mots « parti républicains » mais, tout le temps, les mots « direction républicaine » – l’échec de la direction républicaine à résoudre nos troubles peut dégénérer en un radicalisme irrationnel.

   Le grand phénomène social de cette dépression, contrairement aux précédentes, est qu’elle n’a provoqué que très peu de ces manifestations anarchiques qui trop souvent accompagnent de telles époques.

   Le radicalisme sauvage n’a fait que peu de convertis, et le plus grand hommage que je puisse rendre à mes concitoyens est qu’en ces jours d’écrasante misère persiste un esprit d’ordre et d’espoir chez les millions de notre peuple qui ont tant souffert. Échouer à leur offrir une nouvelle chance n’est pas seulement une trahison de leurs espoirs, mais plus encore une mécompréhension de leur patience.

   Opposer la réaction au danger de radicalisme n’est qu’inviter au désastre. La réaction n’est pas une barrière au radicalisme. Elle est un défi, une provocation. La manière de contrer ce danger est de présenter un programme réalisable de reconstruction, et le parti capable de l’offrir est celui qui a les mains propres.

   Ceci, et ceci seulement, constitue une protection correcte contre la réaction aveugle d’un côté, et un opportunisme irresponsable et improvisé tirant au hasard de l’autre.

   Il y a deux manières d’envisager les devoirs du gouvernement dans les affaires touchants à la vie économique et sociale. La première prend bien soin qu’une minorité favorisée soit aidée, espérant qu’une partie de leur prospérité se répande, percole, vers le travail, vers le fermier, vers le petit entrepreneur. Cette théorie appartient au parti  du Toryisme, et j’aurais espéré que la plupart des Tories ait quitté le pays en 1776.

   Mais elle n’est pas et ne sera jamais la théorie du parti démocrate. Le temps n’est pas à la peur, à la réaction et à la timidité. Ici et maintenant j’invite les républicains de nom qui trouvent que leur conscience ne peut s’accommoder des tâtonnements et des échecs de leurs chefs de parti à prendre la main que nous leur tendons ; ici et maintenant, de la même manière, j’avertis ces démocrates de nom qui clignent des yeux face au futur en gardant leurs visages tournés vers le passé, et qui ne ressentent aucune responsabilité envers les exigences des nouveaux temps, qu’ils sont en décalage avec leur parti.

   Oui, le peuple de ce pays veut un vrai choix cette année, et non un choix entre deux noms pour la même doctrine réactionnaire. La nôtre doit être le parti de la pensée libérale, de l’action planifiée, des conceptions internationales éclairées, et du plus grand bien pour le plus grand nombre de nos citoyens.

   Pour autant, il est inévitable – et ce choix est celui de l’époque – il est inévitable que la principale question de cette campagne tourne clairement autour de notre condition économique, une dépression si profonde qu’elle est sans précédent dans l’histoire moderne. Il ne suffira pas de déclarer, comme le font les chefs républicains pour expliquer leurs promesses rompues et leur inaction continue, que la dépression est mondiale. Ce n’était pas leur explication pour l’apparente prospérité de 1928. Le peuple n’oubliera pas la revendication qu’ils firent alors, selon laquelle cette prospérité était exclusivement un produit domestique fabriqué par un président et un congrès républicain. S’ils réclament la paternité de l’un, ils ne peuvent la renier pour l’autre.

   Je ne peux traiter de tous les problèmes aujourd’hui. Je veux cependant en effleurer certains, vitaux. Regardons un petit peu l’histoire récente et quelques notions économiques simples, de celles que vous, moi et monsieur et madame tout-le-monde parlent.

   Dans les années précédant 1929, nous savons que notre pays accomplit un vaste cycle de construction et d’inflation ; durant dix années nous nous développâmes en nous appuyant sur la théorie de la réparation des dégâts de la guerre, mais nous nous développâmes en vérité bien au-delà de cela, et aussi au-delà de notre croissance naturelle et normale. Il est utile de se rappeler ici, et les chiffres froids de la finance le prouvent, que durant cette période il n’y eu que peu ou pas de baisse dans les prix que le consommateur avait à payer, bien que ces mêmes chiffres montrent que les coûts de production avait énormément chuté ; les profits des entreprises résultants de cette période furent énormes ; dans le même temps, peu de ces profits furent affectés à la réduction des prix. Le consommateur fut oublié. Très peu furent affectés aux augmentations de salaires. Le travailleur fut oublié. Et en aucune manière ne fut versée une adéquate proportion de ceux-ci sous forme de dividendes – l’actionnaire fut oublié.

   Et, incidemment, le généreux gouvernement de ces années n'en récolta qu'une minuscule proportion .

   Quel fut le résultat ? Les énormes surplus bénéficiaires s’empilèrent – les plus fantastiques de l’histoire. Et où, ensorcelés par une spéculation délirante, allèrent ces surplus ? Parlons un peu d’économie à partir de ce que montrent les chiffres et de ce que nous pouvons comprendre. Hé bien,  ils allèrent principalement dans deux directions : la première, dans des usines nouvelles et inutiles que l’on voit aujourd’hui désolées et à l’arrêt ; et la seconde, dans le marché d’argent au jour le jour de Wall-Street, soit directement par les entreprises, soit indirectement par le biais des banques. Ce sont les faits. Pourquoi ne pas les reconnaître ?

   Puis vint le crash. Vous connaissez l’histoire. Les surplus investis dans les usines inutiles s’y figèrent. Les gens perdirent leurs emplois ; Le pouvoir d’achat s’assécha ; les banques s’effrayèrent et commencèrent à rappeler leurs prêts. Ceux qui avaient de l’argent avaient peur de s’en séparer. Le crédit se contracta. L’industrie stoppa. Le commerce déclina, et le chômage monta.

   Traduisez cela en termes humains. Regardez comment les événements de ces trois dernières années sont allés frapper des groupes spécifiques de gens ; premièrement, le groupe dépendant de l’industrie ; secondement, le groupe dépendant de l’agriculture ; troisièmement, composé en grandes partie de membres des deux premiers groupes, les gens que l’on appelle les « petits investisseurs et déposants ». En fait, le lien le plus solide entre les deux premiers groupes, l’agriculture et l’industrie, est que leurs épargnes et d’une certaine manière leurs actifs sont liés dans ce troisième groupe – qui constitue la structure du crédit de la nation.

   Jamais dans l’histoire n’ont été tant unis dans un seul problème économique les intérêts de tout le peuple. Représentez-vous, par exemple, les grands groupes de propriétés possédés par des millions de nos concitoyens, et représentés par les crédits émis sous formes d’obligations et d’hypothèques –obligations gouvernementales de tous genres, fédérales, d’état, de comtés, municipales ; obligations de compagnies industrielles, obligations d’infrastructures publiques ; hypothèques sur les biens immobiliers agricoles et urbains, et enfin les immenses investissements de la nation dans les chemins de fer. Comment mesurer la sûreté de chacun de ces groupes ? Nous savons bien que par l’interdépendance de notre structure de crédit compliquée, si l’un quelconque de ces groupes s’effondre, tous risquent de s’effondrer. Le péril de l’un est un péril pour tous.

   Comment, je vous le demande, la présente administration à Washington a-t-elle traité l’interdépendance de ces groupes ? La réponse est claire : elle a refusé de reconnaître l’existence même de celle-ci. Pourquoi, demande la nation, Washington n’a-t-elle pu réussir à comprendre que tous ces groupes, chacun d’eux, le sommet de la pyramide comme sa base, doivent être examiné ensemble, que chacun d’eux est dépendant de tous les autres, chacun d’eux ayant une influence sur la totalité de la structure financière ?

   L’art de gouverner et l’idéal, mes amis, exigent que tous soient secourus, ensemble et en même temps.

   Juste un mot ou deux sur les impôts, que nous versons pour couvrir les coûts des gouvernements de tous genres.

   Je m’y connais un peu en impôts. Pendant trois longues années j’ai sillonné ce pays, prêchant que les gouvernements – fédéraux, d’état ou locaux – coûtaient trop. Je ne cesserai pas ce prêche. En guise de programme d’action immédiat, nous devons abolir les fonctions inutiles. Nous devons éliminer les fonctions gouvernementales qui ne sont pas nécessaires – les fonctions qui, en réalité, ne sont pas absolument essentielles à la continuité du Gouvernement. Nous devons fusionner, réunir les subdivisions du Gouvernement, et, comme n’importe quel citoyen, renoncer aux luxes que nous ne pouvons plus nous payer.

   Par notre exemple même à Washington, nous aurons l’opportunité de montrer la voie de l’économie aux gouvernements locaux, car il faut bien se rappeler que sur chaque dollar d’impôt de n’importe lequel des états de la nation, quarante pour cent sont versés au Trésor à Washington D. C., dix ou douze pour cent seulement aux capitales d’état, et quarante-huit pour cent sont consumés par les coûts des gouvernements locaux des comtés, villes et villages.

   À vous et par vous, mes amis, je propose que les gouvernements de tous genres, grands comme petits, soient rétablis solvables et que l’exemple soit donné par le Président des Etats-Unis et son Cabinet.

   Puisque l’on parle de donner l’exemple, je tiens à féliciter cette convention pour avoir eu le courage d’écrire bravement dans sa déclaration de principes ce que l’immense majorité de ceux assemblés ici pense vraiment du Dix-huitième Amendement [NdT : la Prohibition]. Cette Convention veut son abrogation. Votre candidat veut son abrogation. Et je suis convaincu que les États-Unis d’Amérique veulent son abrogation.

   La plateforme sur laquelle j’ai mené pour la seconde fois campagne pour le poste de gouverneur, il y a deux ans, contenait en substance la même disposition. Le sentiment dominant de la population de mon état, qu’a montré le vote de cette année, est partagé, je le sais, par celles de nombreux autres états. Je vous le dis, à partir de ce jour, le Dix-huitième Amendement est condamné. Et lorsque cela arrivera, nous, démocrates, auront le devoir, à raison comme moralement, de rendre les états capables de se protéger contre l’importation de liqueurs alcoolisées lorsque de telles importations violent leurs lois d’états. Nous devons à raison et moralement empêcher le retour du tripot.

   Pour revenir au sujet aride de la finance, puisqu’elle lie tout ensemble – le Dix-huitième Amendement avait aussi quelque chose à voir avec la finance – en vue d’une planification complète de la reconstruction des grands groupes de crédit, y compris le crédit du Gouvernement, je remarque la place importante accordée à cette précieuse déclaration dans la plateforme ci-adoptée, appelant à ce que la lumière soit faite sur les problèmes des titres financiers, étrangers comme domestiques, qui sont offert à la vente aux investisseurs.

   Mes amis, vous et moi, citoyens de bon sens, savons qu’il serait salutaire de protéger les épargnes du pays contre la malhonnêteté d’escrocs et contre l’absence d’honneur de certaines personnes haut-placées de la finance. La publicité est l’ennemie de la malhonnêteté.

   Et maintenant, un mot sur le chômage, et incidemment sur l’agriculture. J’ai  privilégié l’utilisation de certains types de travaux publics comme moyens d’urgence supplémentaire destiné à stimuler l’emploi, et l’émission d’obligations afin de les financer, mais j’ai souligné qu’aucun résultat économique ne peut être obtenu si nous nous contentons de construire pour construire, de construire sans un but nécessaire. De tels travaux, bien sûr, devraient autant que possible être rentables, si l’on compte les financer par des émissions d’obligations. Et pour diffuser tous ces projets le plus largement possible, nous devons agir clairement afin de réduire la durée de la journée et de la semaine de travail.

   Utilisons un peu de sens commun et de sens des affaires. Juste un exemple : nous savons qu’un moyen immédiat et très prometteur de secours pour les sans-emplois et l’agriculture proviendra d’un vaste plan de conversion des millions d’acres de terres pauvres et inutilisées en terrains forestiers exploitables, par reforestation. Rien qu’à l’est du fleuve Mississippi, il se trouve des dizaines de millions d’acres de fermes abandonnées, de terrains déboisés, qui se couvrent maintenant de broussailles sans valeurs. Savez-vous que chaque nation européenne a une politique d’aménagement territorial précise, et ce depuis plusieurs générations ? Nous n’en avons aucune. Par conséquent, nous risquons dans un futur proche l’érosion des sols et une pénurie de bois. Il est évident que la prévoyance économique et la création immédiate d’emplois marchent main dans la main lorsqu’il s’agit de répondre au besoin de reforestation de ces grands espaces.

   En mettant cela en œuvre, nous pouvons donner du travail à un million d’hommes. Voilà le genre de travaux publics rentables, et par conséquent finançables par l’émission d’obligations, sécurisées par le fait que la croissance de ces immenses cultures fourniront une assurance adéquate aux investissements.

   Oui, j’ai un programme très clair pour créer de l’emploi par ce moyen. Je l’ai mis en œuvre, et continue aujourd’hui, dans l’état de New-York. Je sais que le parti démocrate peut le mettre en œuvre avec succès dans la nation. Cela mettra les gens au travail, et c’est un exemple de ce que nous allons devoir entreprendre.

   Ensuite, en vue d’apporter une aide supplémentaire à l’agriculture, nous savons parfaitement bien – mais l’avons-nous manifesté et déclaré suffisamment clairement et explicitement ? – que nous devons immédiatement abroger les dispositions légales qui obligent le gouvernement à intervenir sur le marché afin d’acheter, de vendre et de spéculer sur les produits agricoles, tentant ainsi vainement d’en réduire les surplus. Et celles-ci sont le fait de gens qui parlent de tenir le gouvernement éloigné du monde des affaires ! La meilleure manière d’aider l’agriculteur est de trouver un arrangement qui, en plus de le soulager de charges ruineuses, agira en vue de réduire les surplus de denrées principales qui encombrent le marché. Notre cible doit être d’ajouter aux prix internationaux des principaux produits un tarif protecteur d’une valeur raisonnable, afin de donner à l’agriculture la même protection que celle dont bénéficie aujourd’hui l’industrie.

   Et en échange de cette augmentation immédiate de leur revenu, je suis convaincu que les agriculteurs de cette nation seront finalement d’accord avec une telle planification de leurs productions, qui permettra de réduire les surplus et de rendre obsolète pour les années à venir la dépendance envers les dumpings de ces surplus à l’étranger afin de soutenir les prix domestiques. Ce résultat a été obtenu dans d’autres nations ; pourquoi pas aussi en Amérique ?

   Les dirigeants et économistes agricoles, dans l’ensemble, reconnaissent qu’un plan basé sur ce principe est un premier pas souhaitable vers la reconstruction de l’agriculture. Il n’offre pas en lui-même un programme complet, mais il servira dans une grande mesure et à long terme à supprimer le risque d’un surplus sans être soumis constamment à la menace permanente d’un dumping mondial. Au final, la réduction volontaire des surplus fait partie de notre objectif, mais une longue persistance [de mauvaises pratiques – NdT.] et le fardeau présent des surplus existants rendent nécessaire la réparation des importants dégâts actuels par la mise en œuvre de mesures d’urgences immédiates.

   Un plan tel que celui-ci, mes amis, ne coûte pas un centimes au gouvernement, ni ne l’oblige à continuer d’intervenir dans les affaires ou la spéculation.

   Quant à la formulation effective d’une loi, je crois que le parti démocrate se tient prêt à être guidé par n’importe lequel des groupements agricoles que ces groupements mêmes auront désigné. Voilà un principe sain ; et j’appelle ici de nouveau à l’action.

   Un dernier mot sur l’agriculteur : je suis certain que chaque délégué de cette salle habitant en ville sait pourquoi je mets tant l’accent sur celui-ci. C’est parce que la moitié de notre population, plus de cinquante millions d’individus, dépendent de l’agriculture ; et, mes amis, si ces cinquante millions d’individus n’ont pas d’argent, pas de liquidités, pour acheter ce qui est produit dans les villes, celles-ci souffrent tout autant, si ce n’est plus, que la campagne.

   C’est pourquoi nous allons cette année faire comprendre aux électeurs que cette nation n’est pas seulement une nation d’indépendance, mais qu’elle est, si nous voulons survivre, destinée à être une nation d’interdépendance – villages et villes, Nord et Sud, Est et Ouest. C’est notre but, et ce but sera compris par les gens de ce pays, où qu’ils vivent.

   Oui, le pouvoir d’achat de la moitié de notre population, dépendante de l’agriculture, a disparu. Les hypothèques agricoles atteignent près de dix milliards de dollars aujourd’hui et la charge des intérêts sur ceux-ci seuls sont de cinq cents soixante millions par an. Mais ce n’est pas tout. Le fardeau des impôts causé par des gouvernements locaux inefficaces et dispendieux est un facteur additionnel. Cependant, notre préoccupation la plus immédiate doit être la réduction du poids des intérêts de ces hypothèques.

   Le réescompte des hypothèques agricoles dans le cadre de salutaires restrictions doit être étendu et devra, dans le futur, être conditionné à la réduction des taux d’intérêts. Les amortissements, les échéances devront de même dans cette crise être étalés avant que le réescompte ne soit autorisé, lorsque le débiteur hypothécaire est en grandes difficultés. Cela, mes amis, est un autre exemple d’un secours immédiat et réalisable : de l’action.

   Je vise à faire la même chose, et cela est faisable, pour le petit propriétaire de nos villes et villages. Nous pouvons alléger son fardeau et développer son pouvoir d’achat. Éloignez, mes amis, le spectre de taux d’intérêts trop élevés. Éloignez le spectre de la date d’échéance pour quelque temps. Sauvez les foyers ; sauvez les foyers pour des milliers de familles respectables, et chassez le spectre de l’insécurité d’entre nous.

   De toutes les tonnes d’imprimés, de toutes les heures de déclamation, de récriminations, de défenses, de tous les plans bien inspirés de Washington et de tous les états, il émerge ce grand et simple fait, d’une pureté cristalline, que durant les dix dernières années une nation de cent-vingt millions d’individus a été menée par les dirigeants républicains à ériger sur ses frontières un inexpugnable enchevêtrement de fils barbelés par le moyen de l’instrumentalisation des politiques tarifaires, ce qui nous a isolé de tous les autres êtres humains du reste du monde. J’approuve l’admirable déclaration sur les tarifs de la plateforme de cette convention. Elle protégera l’entreprise et le travail américain. Par nos actions passées, nous avons invité et reçu les représailles des autres nations. Je leur propose une invitation à oublier le passé, à s’asseoir avec nous à la table, amicalement, et à préparer avec nous le rétablissement du commerce mondial.

   Allez chez l’entrepreneur. Il sait ce que les tarifs lui ont rapportés. Allez chez l’ouvrier. Il sait pourquoi les biens restent en stocks. Allez chez l’agriculteur. Il sait comment les tarifs ont participé à sa ruine.

   Nos yeux sont enfin ouverts. Enfin, le peuple américain est prêt à reconnaître que la direction républicaine avait tort et que la démocratie a raison.

   Mon programme, duquel je ne peux vous entretenir que de ces quelques points, est fondé sur ce simple principe moral : le bien-être et la sûreté d’une nation dépendent en premier de ce que la grande masse du peuple souhaite et nécessite ; et en second, de ce qu’elle l’obtient ou non.

   Que veux plus que tout le peuple américain ? je pense qu’il veux deux choses : du travail, avec toutes les valeurs morales et spirituelles qui l’accompagne ; et avec celui-ci, un niveau raisonnable de sécurité – de sécurité pour eux-mêmes, pour leurs femmes et enfants. Travail et sécurité sont bien plus que des mots, que des faits. Ce sont les valeurs spirituelles, le véritable but vers lequel nos efforts de reconstruction doivent nous diriger. Ce sont les valeurs que ce programme a l’intention de conquérir ; ce sont les valeurs que les dirigeants actuels n’ont pas pu accomplir.

   Nos dirigeants républicains nous disent que ce sont les lois économiques – sacrées, inviolables, inchangeables – qui causent les paniques que nul n’aurait pu prévoir. Mais pendant qu’ils jacassent sur ces lois économiques, hommes et femmes souffrent de la faim. Nous devons affirmer fermement que les lois économiques ne sont pas faites par la nature. Elles  par les hommes.

   Oui, lorsque – et non si – lorsque nous en auront l’opportunité, le gouvernement fédéral fera preuve d’audace dans son mandat pour soulager la détresse. Pendant des années, Washington a balancé entre mettre sa tête dans le sable et déclarer qu’il n’y avait pas parmi nous tant d’indigents nécessitant nourriture et vêtement que ça, pour ensuite dire que c’était aux états de s’en occuper, s’il y en avait tant. Au lieu de mettre en oeuvre il y a deux et demi ce qu’ils essayent de faire aujourd’hui, ils n’ont eu de cesse que de le repousser au jour suivant, à la semaine suivante, au mois suivant, jusqu’à ce que la conscience de l’Amérique exige de l’action.

   Je dis que si la responsabilité première du secours reste du ressort des structures locales, depuis toujours, le gouvernement fédéral a cependant toujours eu et a encore la responsabilité permanente du bien-être public au sens large. Il remplira bientôt ce devoir.

   Et maintenant, encore quelques mots sur nos plans pour les quatre prochains mois. En venant ici plutôt qu’en attendant une notification formelle, j’ai clairement signifié que je crois que nous devrions éliminer les cérémonies dispendieuses et que nous devrions mettre en marche immédiatement, ce soir, mes amis, le mécanisme nécessaire à une présentation adéquates des problématiques à l’électorat de la nation.

   J’ai pour ma part d’importantes responsabilités en tant que gouverneur d’un grand état, responsabilités qui en ces temps sont plus ardues et plus graves que dans les périodes précédentes. J’ai malgré tout bon espoir que je serai capable de faire un certain nombre de courtes visites dans différents endroits de la nation. Mes voyages auront comme principal objectif l’étude sur le terrain, de la bouche des hommes et femmes de tous lieux et de tous métiers, des conditions réelles et des besoins de chaque partie interdépendante de notre pays.

   Un dernier mot : de chaque crise, chaque tribulation, chaque désastre, l’humanité émerge avec une part plus grande de connaissance, une plus haute dignité, une résolution plus pure. Aujourd’hui nous avons traversé une période de relâchement intellectuel, de morale décadente, une ère d’égoïsme, chez les hommes et femmes et entre les nations. N’accusez pas le seul gouvernement de cela. Accusons-nous à part égale. Soyons franc et reconnaissons cette vérité que nombreux sont parmi nous ceux qui ont fait serment d’allégeance à Mammon, que les profits de la spéculation, d’une vie facile sans labeur, nous ont détournés des anciennes barricades. Afin de revenir à des standards plus élevés, nous devons abandonner les faux prophètes et rechercher de nouveaux chefs choisis par nous.

   Jamais auparavant dans l’histoire américaine n’ont été, comme aujourd’hui, présentées avec un tel contraste les différences essentielles entre les deux principaux partis américains. Les dirigeants républicains n’ont pas seulement échoués dans les affaires matérielles, ils ont échoués dans l’idéal national, car dans le désastre ils n’ont offert aucun espoir, n’ont montré aucun chemin permettant au peuple de s’en sortir et de retrouver un peu de sécurité et de sûreté dans notre vie américaine.

   À travers la nation, hommes et femmes, oubliés par la philosophie politique du gouvernement des dernières années, lèvent les yeux vers nous tous ici pour être guidé et pour une opportunité plus équitable de participer à la distribution de la richesse nationale.

   Dans les fermes, dans les grandes régions métropolitaines, dans les petites villes et les villages, des millions de citoyens chérissent l’espoir que leur ancien niveau de vie et de spiritualité n’a pas disparu pour toujours. Ces millions de peuvent ni ne doivent espérer en vain.

   Je vous promets, je m’y engage, à une nouvelle donne pour le peuple américain. Nous tous ici assemblés, établissons-nous nous-mêmes prophètes d’un nouvel ordre de compétence et de courage. Ceci est plus qu’une campagne politique : c’est un appel aux armes. Donnez-moi votre aide, non pour seulement gagner des votes ; mais pour vaincre dans cette croisade pour rendre l’Amérique à son peuple.

 

 

Franklin Delano Roosevelt,

Chicago, Illinois, le 2 Juillet 1932





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