FRANKLIN DELANO ROOSEVELT
COMBATS POUR DEMAIN
CHAPITRE TROISIEME - Première partie
Contre la Tyrannie et les dictateurs

MESSAGE DU 14 AVRIL 1939 A HITLER ET MUSSOLINI
Vous savez, j'en suis sûr, qu'à travers le monde, des centaines de millions d'êtres humains vivent aujourd'hui dans la crainte constante d'une nouvelle guerre ou même d'une suite de guerres.
L'existence de cette peur et la possibilité d'un tel conflit concernent certainement le peuple des Etats-Unis au nom de qui je parle et les autres Nations de l'hémisphère ouest. Tous savent qu'un conflit important, même s'il restait circonscrit à d'autres continents pèserait lourdement sur eux pendant sa durée, et aussi sur les générations à venir.
Puisqu'après la tension aiguë dans laquelle le monde a vécu pendant ces dernières semaines, il semble qu'il y ait une détente au moins provisoire, puisqu'actuellement il n'y a pas de troupes en marche, c'est peut-être le moment opportun pour moi de vous envoyer ce message.
En une précédente occasion, je me suis adressé à vous en faveur du règlement des problèmes politiques, économiques et sociaux par des méthodes pacifiques et sans recours aux armes.
Mais la marée des événements semble être revenue à la menace par les armes. Si de telles mesures continuent, il semble inévitable qu'une grande partie du monde soit entraînée dans une ruine commune. Le monde entier, pays vainqueurs, pays vaincus, pays neutres, souffrira. Je me refuse à croire que le monde soit nécessairement un tel prisonnier du destin. Au contraire, il est clair que les chefs des grandes nations ont en leur pouvoir de libérer leurs peuples du désastre qui menace. Il est également clair qu'au fond de leur esprit comme au fond de leur cœur, les peuples désirent la fin de leurs craintes.
Il est cependant malheureusement nécessaire de prendre connaissance des faits récents.
Trois nations en Europe et une en Afrique ont vu se terminer leur vie indépendante. Un vaste territoire dans une autre nation indépendante de l'Extrême-Orient a été occupé par un état voisin. Des rapports, que nous ne croyons pas, insistent sur le fait que de nouvelles agressions sont projetées toujours contre d'autres nations indépendantes. Il est évident que le monde va vers le moment où cette situation se terminera en catastrophe, à moins qu'une manière plus rationnelle de diriger les événements ne soit trouvée.
Vous nous avez, à plusieurs reprises, assuré que vous et le peuple allemand n'avaient aucun désir de guerre. Si cela est vrai, il n'y a pas besoin de conflit.
Rien ne peut persuader les peuples de la terre qu'un gouvernement a le droit ou le besoin d'infliger les conséquences d'une guerre à son propre peuple, ou à un autre, sauf le cas de la défense indiscutable de la mère patrie.
En faisant cette déclaration, nous, Américains, ne parlons pas par égoïsme, peur ou faiblesse. Si nous parlons maintenant, c'est avec la voix de la force et par amitié pour l'humanité. Je suis toujours certain que les problèmes internationaux peuvent être résolus à une table de conférence.
Ce n'est donc pas une réponse à un appel en faveur d'une discussion pacifique que de déclarer, pour une des parties, qu'à moins de recevoir des assurances préliminaires d'un verdict en sa faveur, elle ne déposera pas les armes. Dans les conférences comme devant les tribunaux, il est nécessaire que les deux parties abordent la discussion de bonne foi, admettant qu'une justice réelle en résultera pour elles deux, et il est habituel et nécessaire qu'elles déposent leurs armes pendant qu'elles confèrent.
Je suis convaincu que la cause de la paix mondiale ferait un grand pas en avant si les pays du monde obtenaient une déclaration franche quant à la politique présente et future des gouvernements.
Puisque les Etats-Unis, en tant que nation de l'hémisphère ouest, ne sont pas inclus dans les discussions présentes, qui ont survenu en Europe, je pense que vous pouvez désirer me faire cette déclaration à moi, en tant que chef d'une nation éloignée de l'Europe, de façon à ce que, agissant avec la responsabilité et les obligations d'un intermédiaire amical, je puisse communiquer une telle déclaration à d'autres nations, actuellement effrayées de la voie que peut prendre la politique de votre gouvernement.
Voulez-vous donner l'assurance que vos forces armées n'attaqueront ni n'envahiront le territoire ou les possessions des nations indépendantes suivantes : Finlande, Esthonie, Lettonie, Lithuanie, Suède, Norvège, Danemark, Hollande, Belgique, Grande-Bretagne et Irlande, France, Portugal, Espagne, Suisse, Liechtenstein, Luxembourg, Pologne, Hongrie, Roumanie, Yougo-Slavie, Russie, Bulgarie, Grèce, Turquie, Irak, Arabie, Syrie, Palestine, Egypte et Iran.
Une telle assurance doit clairement se référer non seulement au présent, mais également à un futur suffisamment étendu pour donner toutes les chances de travailler à une paix plus stable par des méthodes pacifiques. C'est pourquoi je suggère que vous donniez au mot futur, en l'appliquant à une période minimum de non agression, une signification de dix ans au moins, d'un quart de siècle, si nous osons voir aussi loin.
Si de telles assurances sont données par votre gouvernement, je les transmettrai immédiatement aux gouvernements des nations que j'ai nommées et je demanderai en même temps si, comme j'en suis sûr, chacune des nations énumérées veut me donner une semblable assurance pour que je vous la transmette.
Des assurances comme celles que j'ai ébauchées apporteront au monde un soulagement immédiat.
Je propose que si elles sont données, deux problèmes essentiels soient rapidement discutés dans l'atmosphère de paix qui en résultera et le gouvernement des Etats-Unis sera heureux de prendre part à ces discussions.
Les discussions auxquelles je pense se rapportent à la manière la plus efficace et la plus rapide grâce à laquelle les peuples du monde peuvent obtenir un soulagement progressif du poids écrasant des armements, ce poids chaque jour, les rapproche de la berge du désastre économique. En même temps, le gouvernement des Etats-Unis serait disposé à prendre part à des discussions recherchant le moyen de créer des courants commerciaux internationaux, afin que chaque nation de la terre puisse acheter et vendre sur un pied d'égalité au marché international et qu'elle soit de même sûre d'obtenir les matières premières et les produits nécessaires à une vie économique pacifique.
En même temps, les gouvernements, directement intéressés, autres que celui des Etats-Unis, pourraient entreprendre toutes les discussions politiques qu'ils considéreraient comme nécessaires ou désirables.
Nous savons reconnaître les problèmes complexes qui concernent toute l'humanité, mais nous savons que leur étude et leur discussion doit se tenir dans une atmosphère de paix. Une telle atmosphère de paix ne peut exister si sur les négociations planent les ombres de la crainte de la force ou de la peur de la guerre.
J'espère que vous ne vous méprendrez pas sur l'esprit de franchise dans lequel je vous envoie ce message. Les têtes des grands gouvernements, à cette heure, sont littéralement responsables du destin de l'humanité dans les années à venir. Ils ne peuvent rester sourds aux prières de leurs peuples, demandant protection contre le chaos prévisible de la guerre. L'histoire les tiendra pour responsables de la vie et du bonheur de tous, jusqu'au plus humble.
J'espère que votre réponse permettra à l'humanité d'abandonner la crainte et de retrouver la sécurité pour de nombreuses années.