22 janvier 2008
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Certaines de ces colonnes ont pour nom "assureurs monoligne". La presse française, dans un souci pédagogique rare, les nomment par leur fonction : réhausseurs de crédit.
En effet, ces compagnies, bénéficiant des meilleures notations des grandes agences comme Fitch et Moody's, vendent aux banques cette qualité afin de les faire profiter des meilleurs taux d'intérêts sur les marché de crédits : elles se portent garants de la qualité des titres des banques qui achètent leurs services, ce qui leur permet d'emprunter au meilleur taux pour se refinancer.
Ces compagnies sont donc par nature essentielles à la stabilité des marchés, et extrêmement sourcilleuses en ce qui concerne la qualité de leurs actifs, qualité qui détermine leur notation.
Mais plus sourcilleux encore sont les acteurs des marchés aujourd'hui qui, déjà en caleçon depuis mi-Août, s'aperçoivent que la valeur des titres qu'ils avaient conservé et qu'ils croyaient solidement établie, par ce système même, n'existe plus. Car, malheur, voici que ces réhausseurs de crédit sont en déroute, que leur note est dégradée, et que partant tous les titres de toutes les banques qu'ils garantissaient sont, d'un seul coup, massivement dévalués.
Echaudés, terrorisés et souhaitant conserver un bout de tissu pour résister aux rigueurs de l'hiver financier qui s'installe, nos acteurs financiers unanimes vendent ! Cela donne une vente panique, c'est ce qu'on vu hier, et certains sont si désespérés qu'ils vendent même leur "placements à la papa", leurs pelotes. D'ou quelques curiosités, comme les chutes brutales des valeurs sur les marchés de matières premières, alors qu'en temps de petit krach "cyclique" ces placements sont très recherchés.
Mais voilà : ce n'est pas une crise cyclique, mais systémique. C'est le système post Bretton Woods qui est en train de se décomposer, et toute tentative de relance dans le système ne peut qu'accélérer cette décomposition.
Voici ce que disait vendredi l'AFP sur le choc de la dégradation des "réhausseurs":
WASHINGTON, 18 jan 2008 (AFP) -
La crise du "subprime" pourrait connaître un nouveau rebondissement avec l'effondrement des rehausseurs de crédit, métier largement méconnu jusqu'ici, dont la possible faillite serait susceptible d'avoir des conséquences dramatiques pour les marchés financiers. Les principaux acteurs du secteur aux Etats-Unis, MBIA et Ambac, ont été très chahutés depuis deux jours à la Bourse de New York, après avoir déjà parcouru ces dernières semaines un véritable chemin de croix boursier.
Vers 20H10 GMT vendredi, le numéro un américain MBIA perdait encore 7,70%, à 7,70 dollars, après avoir déjà laissé en chemin 31,19% lors de la séance précédente. Son dauphin Ambac regagnait à la même heure 6,19%, à 6,63 dollars, mais ce gain était loin de compenser sa chute de la veille (-51,89%). Le marché s'inquiète de voir ces deux groupes privés de leur bien le plus précieux: la note que leur ont attribuées les agences de notation. Leur note "AAA", la meilleure possible, leur permet d'assurer des émissions obligataires en faisant bénéficier les emprunteurs de termes plus favorables.
Mais ces mêmes agences de notation qui leur ont attribué cette note ont commencé à revoir leur position, en s'inquiétant des conséquences de la crise des crédits immobiliers à risque sur la marche de leurs affaires. Après avoir initialement choisi de n'assurer que les emprunts sans risque des collectivités locales américaines, les rehausseurs se sont, en effet, aventurés ces dernières années sur le terrain de la dette privée. Ils se sont ainsi portés garants du remboursement de titres complexes, adossés à des crédits "subprimes". La dégringolade de la valeur de ces titres, et l'augmentation de la probabilité de défaut de certains d'entre eux, a fragilisé ces rehausseurs, ainsi que leur note.
Vendredi, l'agence de notation Fitch a abaissé de deux crans le "rating" d'Ambac, ramené de "AAA" à "AA", quelques heures après que ce dernier eut renoncé à la recapitalisation envisagée, au vu "des conditions de marché" (trad : plus personne ne prête quoi que ce soit à qui que ce soit).
Dans son communiqué, Fitch a rappelé que, selon son estimation, il manquait à Ambac un milliard de dollars de fonds propres pour pouvoir exiger la note maximale. L'agence a relevé aussi les "incertitudes accrues" sur le modèle économique du numéro deux américain du secteur. Fitch n'a pas exclu d'abaisser de nouveau la note d'Ambac, celui-ci étant maintenu sous surveillance négative. La veille, une autre grande agence de notation, Moody's investor service, avait déjà annoncé qu'elle pourrait dégrader la note de ce groupe. La perte de la note "AAA" a pour conséquence la dégradation automatique de tous les titres garantis par le rehausseur de crédit, diminuant sensiblement leur valeur. Un mouvement qui affecterait instantanément tous les investisseurs qui possèdent certains de ses titres dans leur portefeuille.
Les grandes banques américaines, qui bien qu'ayant réduit leur exposition au "subprime" n'en ont pas effacé toute trace de leur bilan, seraient alors contraintes de passer de nouvelles dépréciations d'actifs. Ces dépréciations supplémentaires, alors même qu'elles ont déjà atteint plusieurs dizaines de milliards de dollars depuis l'éclatement de la crise, pèseraient directement sur les résultats des banques. Au-delà, les marchés financiers craignent désormais le dépôt de bilan pur et simple de certains rehausseurs, ce qui annulerait, de fait, la garantie dont bénéficient les titres qu'ils assurent, et provoquerait un vent de panique. Sans compter qu'elle aurait nécessairement des répercussions sur tous les acteurs du secteur, notamment FSA, filiale de la banque franco-belge Dexia, et CIFG, propriété conjointe des banques françaises Caisse d'Epargne et Banque Populaire.
Diantre ! Et voici l'article de Nicolas Cori, de Libération, qui est plus laconique et précis :
La chute des rehausseurs de crédit
lundi 21 janvier 2008
Crise des subprimes oblige, la semaine s’annonce mouvementée sur les marchés financiers. Surtout qu’une nouvelle digue est en train de lâcher : celle des rehausseurs de crédit (ou monoline insurers). MBIA, Ambac, FSA et FGIC, les quatre principaux monolines, risquent ni plus ni moins que la faillite. Ce qui provoquerait un nouveau vent de panique.
Derrière le nom barbare de rehausseur de crédit se cache une profession peu connue du grand public, mais indispensable au monde financier. A l’origine, ces sociétés garantissaient les crédits contractés par les collectivités locales américaines, qui pouvaient ainsi emprunter à moindre prix. Un peu comme un locataire désargenté obtient d’un garant un soutien financier pour avoir la confiance de son propriétaire. Les investisseurs, eux, ont confiance dans les monolines car leur solidité financière, mesurée par les agences de notation, est considérée comme la meilleure possible : ils obtiennent tous la meilleure note (AAA), dont ils font bénéficier les emprunteurs qui recourent à leurs services.
Mais ce beau système risque de s’écrouler. Appâtés par le gain, les monolines se sont aventurés sur un marché risqué : celui des Collateral Debt Obligations (CDO), ces produits financiers issus, notamment, des prêts immobiliers contractés par les ménages américains - dont les crédits subprimes - et qui voient leur valorisation s’écrouler. Aujourd’hui, les agences de notation se demandent si les monolines ont les reins suffisamment solides pour faire face à toutes les faillites de fonds supbrimes. Et envisagent de dégrader leur note. Ce qui serait synonyme de faillite, puisque, sans le fameux AAA, plus aucun emprunteur n’aurait intérêt à utiliser leurs services. La semaine dernière, les cours de MBIA ou d’Ambac se sont ainsi écroulés de plus de 50 %. Mais le pire concerne toute la planète finance. En cas de dégradation, tous les titres garantis par les rehausseurs de crédit perdraient leur notation, ce qui diminuerait leur valeur, voir la réduirait à zéro. Et tous les investisseurs possédant de tels titres devraient déprécier leur portefeuille. Le montant total des titres garantis par les monoliners est de l’ordre de 2 000 milliards de dollars. De quoi présager de nouveaux records de pertes à Wall Street.
NICOLAS CORI
Dont acte en Europe et en Asie hier lundi et ce matin. C'est justement ce matin qu'on apprend que les pompiers du système ont décidé de verser une nouvelle quantité astronomique de liquidités sur le feu financier. Attention, c'est bref :
AFP 22/01/2008 11h19
LA BCE ALLOUE 175,5 MDS EUR, TAUX MARGINAL 4,16%, TAUX MOYEN PONDERE 4,19%
Ou encore :
Etats-Unis : la fed abaisse son principal taux directeur de 0,75%
(AOF) 22/01/2008 14h34- La Fed a annoncé une baisse de son principal taux directeur, les fed funds, de 0,75% à 3,50%. Dans son communiqué, la banque centrale américaine a motivé sa décision par l'affaiblissement de perspectives économiques et la hausse des risques pesant sur la croissance.
C'est tout. Pas de commentaire, ou si peu. On peut les comprendre, ils l'ont déjà fait plusieurs fois et s'aperçoivent que si, comme l'huile sur le feu, leur action calme un instant la fureur du brasier financier, il n'en repart que de plus belle grace à cet apport de combustible.
Pauvre Trichet, lui qui voulait tant la place. Ce n'est pas comme papy Greenspan, qui a pris malicieusement la tangente au moment opportun, en laissant la patate chaude à Bernanke.
Il est bien entendu plus que temps de soutenir la mise en place d'un nouveau Bretton Woods, dont la meilleure présentation se trouve ici.