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1 décembre 2004 3 01 /12 /décembre /2004 00:15


La-Revolution-Roosevelt.jpg


La Révolution Roosevelt
Georges Boris – 1934

 


Chapitre IV : Les procédés de reflation

 

3 : Les travaux civils

 

 

 

 

 

    En novembre 1933, huit mois après l'accession au pouvoir de M. Roosevelt, les grands travaux publics, conçus comme une pièce maîtresse de l'oeuvre de redressement économique, étaient à peine commencés. On prévoyait que la mise en train prendrait encore tout l'hiver et le printemps, et qu'ils ne marcheraient à plein qu'à partir de juillet 1934.

    Le retard — quelles qu'en aient été les causes — venait déjouer tous les plans de l'Administration. Si faibles étaient les dépenses déjà effectuées, si insuffisantes celles qui allaient l'être prochainement, qu'on n'en pouvait attendre aucun effet de reflation. Les chômeurs dont on avait escompté le réembauchage, grâce aux grands travaux publics, demeuraient sans emploi. Les froids approchaient et c'était un axiome indiscuté que le peuple américain ne supporterait pas un nouvel hiver pareil aux précédents. La menace, pour être imprécise, n'en était que plus inquiétante.

    Un des grands mérites politiques de M. Roosevelt est de savoir prendre au moment psychologique les décisions opportunes. Il n'y a pas de doute que celle de créer la Civil Works Administration n'ait presque miraculeusement sauvé la situation.

    Le 8 novembre, le président annonçait à la presse qu'un nouveau programme de travaux publics (dits travaux civils) allait incessamment être mis à exécution. Dès le lendemain la P. W. A. mettait 400 millions de dollars à la disposition d'une nouvelle institution, placée sous la direction d'un homme jeune et actif, M. Harry Hopkins, qui avait fait ses preuves dans l'organisation et la gestion de diverses oeuvres sociales.

    La Civil Works Administration se voyait assigner la tâche de dépenser ces 400 millions de dollars en moins de quatre mois et de donner presque immédiatement du travail et des salaires normaux à 4 millions de personnes. Le but déclaré était non seulement de porter remède au chômage, mais de déterminer une « vaste augmentation » du pouvoir d'achat dans le pays et de stimuler le programme de redressement tout entier.

    On imagine les difficultés d'une pareille improvisation impliquant l'élaboration immédiate de plans de travail, la création de comités administratifs dans 4.000 comtés et dans toutes les villes de quelque importance, l'embauchage quasi instantané de 4 millions de chômeurs, la distribution des salaires, etc., etc.

    On fit naturellement appel aux organisations d'assistance existantes, dont plusieurs avaient déjà organisé des ateliers ; on invita toutes les administrations fédérales à coopérer à l'entreprise. On convia les chômeurs eux-mêmes —et plus spécialement ceux des classes intellectuelles — à présenter des projets : ils devaient comporter un minimum de dépenses de matériel, être de type non rentable, mais d'intérêt public, pouvoir être poursuivis durant l'hiver et terminés à la fin de février.

    La hardiesse de la réalisation ne le cède en rien à celle de la conception : dès le 20 novembre, 1.108.692 ouvriers et employés reçoivent un premier salaire. La semaine suivante, on compte 460.000 engagements nouveaux, la troisième 600.000 et au 31 décembre le total atteint 3.600.000.

    Les ouvriers travaillent 30 heures par semaine, les employés de bureau et les travailleurs professionnels, 39 heures.

    Les salaires sont fixés, en principe, sur la base des taux courants, dans chacune des localités. Les tarifs minima varient de 12 dollars par semaine, pour les employés de bureau non spécialisés, dans le Sud, à 24 et 45 dollars par semaine pour les travailleurs professionnels, dans le Nord.

    La C. W. A., il faut le dire, renverse toutes les idées reçues. L'histoire nous offre bien le précédent des ateliers nationaux, mais cette fois, le principe général, sur lequel l'entreprise est fondée, heurte tous les vieux dogmes sociaux. L'objectif n'est plus de faire des économies, mais de dépenser le plus d'argent possible, le plus vite et le mieux possible. Qu'on se figure seulement ce qui se passerait en France si, du jour au lendemain, une pareille règle se trouvait établie, si tous les projets utiles, qu'écartent actuellement des considérations de prix, devenaient subitement réalisables.

    L'Amérique a connu ce coup de baguette magique. D'un instant à l'autre, des millions d'êtres, la veille encore rivés à une chaîne de misère, ont connu la joie du travail et du gagne-pain retrouvés. D'innombrables pauvres honteux qui préféraient se laisser mourir de faim et de froid plutôt que de voir leurs noms inscrits sur les listes de l'assistance publique, am osé demander et ont obtenu le moyen de vivre honorablement. L'effet moral fut prodigieux. Un témoin, que ce souvenir remplissait encore d'émotion, me parlait de cris de joie qu'il avait entendus dans les rues de sa ville, des gens qui s'abordaient pour se dire : j'ai du travail! (I have got a job!)

    Quand même les Civil Works n'inscriraient à leur actif que ce bienfait moral, ils mériteraient la reconnaissance du peuple américain et l'on pourrait passer condamnation sur les abus, sur la fraude et la corruption auxquelles ils ont pu donner lieu : on en a naturellement pu relever quelques exemples frappants et dont l'opposition républicaine a, vainement d'ailleurs, essayé de tirer parti auprès de l'opinion (1).

    Mais l'oeuvre matérielle n'est pas moins remarquable.

    Plus on entre dans le détail du programme de la C.W.A. plus on est pris d'étonnement à considérer le nombre et l'importance des travaux que suggère l'intérêt social, dès que l'obstacle de la dépense cesse de s'opposer à leur réalisation.

    Une idée de la diversité des projets exécutés est donnée par la seule énumération des dix catégories dans lesquelles ils sont classés dans les rapports officiels, à savoir :

    1° Routes et rues ;

    2° Écoles et Universités ;

    3° Parcs et champs de sports ;

    4° Bâtiments publics et équipement ;

    5° Amélioration des terrains publics ;

    6° Lutte contre les épizooties et les maladies des arbres et des plantes ;

    7° Travaux d'hygiène ;

    8° Travaux hydrauliques ;

    9° Amélioration des services publics ;

    10° Travaux administratifs, professionnels et de bureau.

    Pour ne prendre qu'un nombre limité d'exemples, voici dans le domaine de l'hygiène publique, quelques-unes des réalisations les plus intéressantes :

    Lutte contre le typhus : 17.000 personnes sont employées à la destruction des rats dans les endroits infestés, et principalement dans les ports.

    Lutte contre la malaria : 100.000 ouvriers assainissent les lieux de reproduction des moustiques et font des travaux de drainage.

    Suppression d'émanations toxiques : On a cimenté des mines de charbon abandonnées d'où s'échappaient des gaz qui polluaient les eaux.

    Recherches médicales
: 500 étudiants ont été engagés à l'Université de Columbia pour faire des recherches scientifiques ; un certain nombre d'entre eux poursuivent des travaux sur les toxines de la pneumonie.

    Installations sanitaires : La C. W. A. a étudié un modèle d'installation sanitaire et de fosse septique, dont elle est en train de doter 1.500.000 habitations rurales qui en étaient dépourvues.

    L'agriculture a pu employer des millions de travailleurs à la destruction d'insectes qui transmettent des fièvres au bétail (cattle fever tick), à la destruction des centres d'infection d'où se propagent des maladies spéciales aux citronniers, aux ormes, aux pommes de terre douces, etc. Les stations et les laboratoires d'agriculture et de sylviculture ont été améliorés, des chercheurs supplémentaires ont été engagés.

    Des études sur l'érosion et sur la météorologie, des travaux géodésiques et de triangulation ainsi que de cadastration ont été entrepris. Le réseau des ports aériens a été complété, des cartes aériennes établies.

    Des recherches statistiques de toute nature ont pu être poursuivies, pour lesquelles des spécialistes (professeurs et étudiants) ont été engagés : par exemple, sur le coton, sur le pouvoir d'achat des fermiers, sur le chômage, sur le commerce extérieur, etc. Un recensement des habitations agricoles a été pratiqué, ainsi qu'un inventaire des habitations urbaines. Quantité de chiffres et de renseignements ont été recueillis, dont la connaissance sera précieuse à un gouvernement engagé dans la voie de l'économie contrôlée ou dirigée.

    Les chômeurs intellectuels ont été l'objet d'une sollicitude particulière : outre les travaux déjà mentionnés, on leur a trouvé des emplois dans les bibliothèques publiques, pour le classement des livres et l'établissement de répertoires et de catalogues (2). Des recherches d’archéologie américaine ont été entreprises, de nouvelles cartes géographiques établies. Surtout, on a pu rouvrir quantité d'écoles que les autorités locales avaient été contraintes de fermer, et dont elles avaient licencié les maîtres pendant la crise. On a même pu créer de nouveaux collèges et de nouvelles écoles. 40.000 instituteurs et professeurs ont obtenu du travail. Des peintres, des graveurs et des sculpteurs ont été invités à décorer les monuments publics. Des acteurs et des musiciens ont été constitués en troupes et donnent des représentations et des concerts dans les écoles et les hôpitaux.

    Convaincu de la portée sociale de l'oeuvre de la C. W. A. j'ai tenu à visiter quelques-uns des ateliers qu'elle a créés.

    Dans chacun de ceux-ci, aussi bien que dans l'administration centrale, le personnel dirigeant et subalterne — fonctionnaires permanents, volontaires, chômeurs temporairement engagés — m'a frappé par son intelligence, son ardent- et son dévouement. Conscients du rôle bien faisant joué par la C. W. A., ils se donnent leur tâche avec un souci du bien public qui prouve que, même en Amérique, le désir de faire aboutir une entreprise collective et désintéressée peut être un puissant stimulant de l'activité individuelle. Les meilleurs éléments des oeuvres philanthropiques locales ont d'ailleurs apporté leur collaboration bénévole à la C. W. A. et ont trouvé leur place dans les cadres de l'organisation.

    A Washington, on achevait au mois de février un magnifique terrain de jeux, dont le besoin se faisait grandement sentir, dans le quartier nègre de la ville. Les bâtiments et la grande piscine en plein air occupaient encore les maçons et les peintres. Les terrassiers poursuivaient le travail de nivellement ainsi que l'installation des courts de tennis. Dans un autre quartier de la ville, un second terrain, plus vaste encore, doté de deux piscines, était en cours d'aménagement. Tous les plans, m'a-t-on dit, avaient été établis en deux semaines au mois de novembre, et les travaux aussitôt commencés afin d'être terminés avant le printemps.

    A New-York, dans un quartier pauvre voisin de la 7e avenue, j'ai vu s'ouvrir, avec des moyens de fortune, dans un gymnase, une Nursery School. Les oeuvres gouvernementales d'assistance (Federal Emergency Relief Administration), puis la C. W. A. ont multiplié le nombre de ces sortes de garderies d'enfants, à la fois pour donner du travail à des institutrices, des surveillantes et des infirmières et pour prendre soin gratuitement des enfants des chômeurs (3). L'organisatrice, une jeune directrice d'école, m'a fait visiter les salles fraîchement repeintes, les toits où se pratiquent les jeux de plein air, m'a montré les jeux (cubes et parallélogrammes de bois) que le charpentier venait d'achever. C'était de bonne heure, le matin. Les enfants arrivaient amenés par leurs parents, la plupart pour la première fois ; les institutrices, monitrices et nurses commençaient par les acclimater individuellement, puis s'employaient à les faire jouer à deux ou en groupes.

    Parlant un peu plus tard de l'une des monitrices, la directrice m'expliqua qu'elle n'avait pu soupçonner de quel état de détresse elle venait d'être tirée, jusqu'au moment où, dans la conversation, la jeune fille lui avait dit incidemment : « C'est si drôle de vivre sans lumière et sans feu. ». Il a fait 25 degrés de froid cet hiver à New-York et le nombre des gens auxquels leur fierté interdit de solliciter un secours est grand. A ceux-là l'administration Roosevelt, en instituant le C. W. A., a littéralement sauvé la vie ; leur reconnaissance se traduit par l'ardeur qu'ils apportent à leur travail.

    Voici dans le bas de la ville le bâtiment du Hamilton Institute dont les vastes ateliers abritent 200 architectes et ingénieurs. Le chômage en col blanc. Il y a des jeunes gens, une majorité d'hommes mûrs, quelques-uns ayant dépassé la soixantaine. Beaucoup d'entre eux, avant la crise, occupaient une haute situation sociale. Durant des mois, ils ont lutté et espéré. Chacun d'eux a écrit, par centaines, des lettres pour solliciter un emploi : « Plus de 400 pour ma part, me confiait le directeur d'un des ateliers, un ingénieur de grande valeur ». Et il ajoutait : « Quarante sur cent environ m'ont valu des réponses, toutes négatives ».

    Ici, le génie inventif des hommes a fait des prodiges. De toutes pièces, a été créé un institut cartographique qui n'a sans doute d'égal qu'en Allemagne. On me montre les cartes en relief, à l'échelle du millionième, des principaux pays du monde. Des moules métalliques permettent de les reproduire indéfiniment et d'en doter les écoles et les universités. Des cartes historiques ont été dressées, avec le concours de géographes et d'historiens, chômeurs eux aussi, bien entendu. Une grande carte de la Gaule de près d'un mètre de haut fourmille de noms. Des plans archéologiques de Rome et d'Athènes ont été tracés sur la base des dernières découvertes et de la documentation la plus récente ; à cette occasion, beaucoup d'erreurs ont été relevées et corrigées. On me montre encore des vues à vol d'oiseau, des tableaux synoptiques et généalogiques ; d'autres où figurent les émissions monétaires de l'antiquité. Dans un des ateliers, on travaille à faire des plans en relief, des modèles de monuments anciens : voici une fidèle reproduction du pont du Gard, et une merveilleuse réduction du Temple de Karnak, avec ses colonnes décorées, destinée au Metropolitan Museum de New-York. Voici encore un plan en relief d'hôpital modèle dont des exemplaires seront envoyés aux autorités municipales pour qu'elles s'en inspirent.

    Des appareils ingénieux ont été mis au point. Telle une règle de concordance des calendriers antiques qui a permis de corriger des erreurs commises par les historiens. Telle encore une règle à calcul qui permet de passer du système anglo-saxon de mesure des longueurs, des superficies et des volumes au système métrique.

    Plusieurs de ces réalisations, et notamment certaines cartes, ont fait l'objet de propositions commerciales ; mais, jusqu'à présent, il n'y a pas été donné de suite.

    A Greenwich-village, un quartier de New-York, dans un musée de peinture moderne, on centralise les projets demandés aux peintres, aux graveurs, aux sculpteurs, pour la décoration des monuments et propriétés publics : administrations, mairies, gymnases, écoles, hôpitaux, jardins zoologiques. La détresse des 3.000 artistes de New-York est profonde. A en juger par l'abondance des projets et des oeuvres déposées, ils ont répondu en grand nombre à l'offre de la C. W. A., bien que le mode de rétribution – le salaire horaire – soit inusité pour eux. Mais on éliminera impitoyablement les oeuvres sans mérite et leurs auteurs devront chercher d'autres emplois. Cette première sélection faite, les administrations, mairies, écoles, etc., choisissent elles-mêmes les artistes et les projets. Il n'est pas sûr que leur goût soit très bon. Le comité d'organisation, composé d'amateurs dont les idées en art sont plutôt avancées, se console des erreurs commises, dans certains cas, par la hardiesse manifestée dans d'autres et par la découverte de talents ignorés. Pour l'avenir, ils espèrent qu'un intérêt aura été éveillé pour l'art dans des milieux où il n'existait pas, et que les diverses administrations continueront de vouloir orner les monuments publics de tableaux et de sculptures, de manière à offrir aux artistes des débouchés permanents (4).

    Non loin de New-York, dans le Comté de Nassau (Long Island) on peut voir le type d'une des plus remarquables oeuvres de crise, les Emergency Colleges. La création de l'établissement de Nassau remonte au 27 mars 1933 ; il a d'abord été financé au moyen d'un crédit alloué par l'Etat de New-York sur les sommes reçues du gouvernement fédéral pour l'assistance publique. Grâce à la C. W. A. l'institution a pu être améliorée et développée.

    Installé dans les bureaux d'une usine abandonnée, le Nassau Emergency College occupe 3 administrateurs, 27 professeurs, et 5 employés. Les élèves se recrutent dans le voisinage : ce sont des jeunes gens des deux sexes de 17 à 20 ans, que leurs parents n'ont plus les moyens d'envoyer à l'Université et qui ne trouvent naturellement pas d'emploi en ce moment. Ils étaient déjà 257 lors de l'ouverture du Collège ; au début de 1934, ils sont 450. Ils suivent les études des deux premières années d'Université. Le tableau des cours est très complet, allant des mathématiques à la sociologie, et comprend quatre langues vivantes.

    Les étudiants disposent d'une bibliothèque, d'une salle de récréation, d'un buffet, le tout aménagé de façon simple mais adéquate. Ils ont construit leur station émettrice de radio et éditent leur journal. L'impression générale n'est aucunement d'improvisation, mais d'ordre établi et de fonctionnement régulier. Seul, le ton de ferveur et de fierté, avec lequel les maîtres parlent de leur collège, témoigne encore des difficultés qu'il a fallu vaincre.

 

***



    Ces quelques exemples, ces quelques choses vues montrent la grandeur de l'oeuvre accomplie, l'immense réconfort matériel et moral qu'elle a apporté en un moment critique. Mais la C. W. A. a fait davantage encore. La distribution de centaines de millions de dollars sous forme de salaires, en quelques semaines, a, comme il était d'ailleurs prévu, développé le pouvoir d'achat et la consommation. La situation économique générale en a éprouvé les bienfaits d'une façon presque instantanée. Dès le mois de décembre, les ventes au détail marquaient une très vive progression. Les magasins ont embauché des employés et des vendeurs. L'industrie a reçu des commandes. On peut dire que la manoeuvre antidéflationniste confiée à la C. W. A. a pleinement réussi, et que son action de démarrage a été puissante.

    Cependant, on l'a vu, l'institution n'avait dans l'esprit de M. Roosevelt, qu'un caractère strictement provisoire ; il s'agissait de combler une lacune en attendant que les grands travaux publics marchassent à plein. La période creuse devait se terminer en février.

    Mais le calcul pêchait par excès d'optimisme.

    La date de l'abolition de la C. W. A. fut donc prorogée, et un nouveau crédit de 950 millions de dollars obtenu du Congrès pour l'ensemble les œuvres d'assistance. L'Administration s'engageait d'ailleurs à mettre fin sans délai à certains abus évidents. On procéda à des licenciements immédiats, notamment dans les régions agricoles où les fermiers se plaignaient que la concurrence de l'Etat les empêchait de trouver de la main-d'oeuvre. Le 31 mars 1934, l'organisation de la C. W. A. a pris fin en tant qu'institution fédérale, mais elle continue d'exister en fait sous forme d'ateliers locaux gérés par les Etats, les Comtés et les municipalités avec des fonds fournis par le pouvoir central.

    Mais déjà de cette étonnante expérience s'est dégagé pour le peuple américain un enseignement définitif : il a appris la notion du droit au travail, par opposition au droit à l'assistance. Le président Roosevelt, avec son intuition du sentiment populaire, l'a compris.

    Il y a peu de temps, il voyait encore dans l'institution de la dole, la grande réforme qui se substituerait aux mesures temporaires d'assistance. Le 28 février, on l'a entendu tenir un langage nouveau :

    « L'assistance directe, sous forme de distribution de secours en nature ou en espèces ne répond pas aux besoins efficaces des travailleurs. Ils ont, à juste titre, insisté pour qu'on leur donnât l'occasion d'offrir leurs services à la communauté, sous forme de travail, en échange du secours de l'allocation de chômage. Le gouvernement fédéral n'a ni l'intention, ni le désir d'imposer au pays ou aux chômeurs un système d'assistance qui répugne à l'idéal américain, en vertu duquel chacun doit assurer sa propre subsistance. »

    En conséquence, M. Roosevelt se propose de dresser un programme de travaux publics, d'un caractère permanent, mais « flexible », c'est-à-dire susceptible, suivant les circonstances, d'être développé ou contracté. Ce seront des travaux que les administrations fédérales ou locales n'entreprendraient pas normalement, mais qui ne sont pas non plus du domaine de l'industrie privée. Les chômeurs seront employés pendant des périodes ne dépassant pas six mois et seront payés à plein tarif. On retrouve les principes généraux de la C. W. A.

    C'est bien un pas décisif franchi dans le sens de la reconnaissance du droit au travail. L'Amérique de M. Roosevelt s'apprête à réaliser une grande réforme sociale qu'aucun pays capitaliste n'avait même osé concevoir jusqu'alors.

    D'autre part, le président, dans le même message, a envisagé le cas des agriculteurs et des ouvriers qui, par suite de l'évolution économique, ont perdu tout espoir de retrouver leurs anciennes occupations ; il a annoncé la création de colonies agricoles et artisanales, capables de se suffire à elles-mêmes, où ils pourraient s'installer avec leurs familles. L'Etat leur fournirait le logement et un capital de départ.

    C'est le même esprit de réforme qui inspire ce projet. Il apparaît bien que dans la nouvelle Amérique qui est en train de s'édifier, la communauté se reconnaîtra le devoir d'assurer à chaque citoyen le moyen de vivre « décemment » — pour reprendre un mot du président — du produit de son travail.

    Mais n'oublions pas deux choses : la première c'est que les expériences, d'où le nouvel esprit est né, ont été commandées par la réforme monétaire. La seconde c'est qu'aucune des réformes sociales qu'inspire le nouvel esprit ne serait applicable, ni même concevable sans la réforme monétaire.




1 - Un cas piquant est celui de ces chômeurs (mondains sans doute) pour lesquels on n'avait pas trouvé de travail adéquat et qui avaient imaginé de donner des leçons de bridge à la population.

2 - Par exemple, on a pu mettre en valeur — ce qu'on n'avait pu faire jusqu'alors faute d'argent — la bibliothèque de géologie provenant du legs Kunz, laquelle est unique au monde.

3 - Le type de ces Emergency schools, leur programme d'alimentation hygiénique, de récréation ou d'éducation, ainsi que leur équipement a été étudié avec soin par un Comite spécial qui publie un bulletin. Il est copié sur les nursery schools payantes dont il existe un grand nombre dans les écoles américaines et où elles constituent la classe immédiatement au-dessous des Kindergarten.

4 - Le moyen n'a pas été trouvé par la C.W. A. de venir en aide aux écrivains en chômage qui en ont manifesté publiquement leur mécontentement à New-York cet hiver.

 

 

 

 

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