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1 novembre 2004 1 01 /11 /novembre /2004 10:58

PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)

 

henry_charles_carey.jpg


TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE

  1861

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE XIX :

CONTINUATION DU MÊME SUJET.

 

    § 9. — Lois des proportions définies, manifestée dans les changements graduels de la répartition sociétaire.


    Le lecteur peut maintenant comprendre facilement la simple et magnifique loi, en vertu de laquelle la société tend graduellement à revêtir la forme que nous avons décrite dans un chapitre précédent (12).

    Parmi les Sauvages, le prix de la matière première est peu élevé, tandis que les produits fabriqués sont chers. Parmi les hommes civilisés, c'est le contraire qui est vrai, les matières premières sont chères et les produits fabriqués à bon marché. Les premiers donnent des peaux de bêtes qui leur ont coûté des journées de travail, en échange de couteaux, produits par un travail d'à peine quelques minutes. Les seconds reçoivent du meunier voisin, sous la forme de farine, presque tout ce qu'ils lui ont donné sous la forme de froment.

    Entre ces deux conditions de la société, il existe un grand nombre de degrés ; pour les démontrer nous donnons les chiffres suivants, soit :

-Le produit terminé :                10, 10, 10, 10, 10, 10, 10, 10, 10
-Les frais de transport

et transformation :                  9,    8,   7,   6,   5,   4,   3,   2,   1
-La matière première :             1,    2,   3,   4,   5,   6,   7,   8,   9

    Nous avons ici un accroissement rapide dans la proportion retenue par le producteur, accompagné d'une décroissance correspondante dans la proportion afférente aux divers individus qui s'occupent du trafic, du transport et de la transformation. Dans le premier cas, la part du dernier paie le travail de neuf fois autant d'individus occupés de la culture, qui sont conséquemment esclaves à.la fois de la nature et de leurs semblables. Dans le dernier, cette part ne paie que le travail d'un neuvième du nombre d'individus ; il en résulte, comme conséquence naturelle, que l'esclave des premiers temps est représenté par l'homme libre des temps nouveaux.

    Admettant maintenant que tous étaient également payés, que les salaires pour tous les travaux étaient identiques, la société tendrait graduellement à revêtir les formes indiquées par les chiffres énoncés ci-dessous :

Individus employés au trafic,
au transport et
à la transformation :              900,    800,     700,    600,    500,    400,    300,    200,    100

Employés à développer
les ressources de la terre :    100,    200,     300,    400,    500,    600,    700,    800,    900

                                                    1,000, 1,000, 1,000, 1,000, 1,000, 1,000, 1,000, 1,000, 1,000

    La société abandonne ainsi par degrés la forme instable, et trop lourde au sommet, de la pyramide renversée, pour la forme belle et durable d'une véritable pyramide, la masse de la puissance physique et intellectuelle de la société étant, dans le dernier cas, consacrée à opérer ces changements vitaux dans les formes de la matière qui se résolvent en une augmentation des denrées à consommer, tandis qu'il ne faut qu'une petite portion de cette puissance pour opérer les changements de lieu, de forme ou de propriété des choses produites. A chaque phase de progrès, l'agriculture devient de plus en plus une science, les individus employés à développer les ressources de la terre s'élèvent dans l'échelle des êtres, les diverses utilités de la matière sont de plus en plus mises en activité ; des centres locaux sont créés, les subsistances et les moyens de se vêtir s'obtiennent de plus en plus avec facilité, et l'homme devient plus heureux et plus libre. A chaque progrès qui s'accomplit, l'intelligence est de plus en plus provoquée à l'action, les sentiments et les affections se développent davantage, et d'année en année, l'homme devient plus propre à occuper la place à laquelle il a été destiné, celle de maître de la nature et de lui-même.

    Tels sont, sous l'empire d'un système naturel, les résultats d'un accroissement de population. Chaque page de l'histoire des nations en progrès démontre qu'il en est ainsi. Si Malthus a représenté sous un faux jour l'action du Créateur, s'il a fait, de l'esclavage, et non de la liberté, la condition finale de l'espèce humaine, il faut l'attribuer à ce fait qu'il vivait au milieu d'un système artificiel, dont la tendance à produire l'asservissement de l'homme, se démontre plus clairement chaque jour (13).

 

 

    

 

FIN DU TOME PREMIER.

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