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1 novembre 2004 1 01 /11 /novembre /2004 10:58

PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)

henry_charles_carey.jpg

TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE

  1861

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE XII :

CONTINUATION DU MÊME SUJET.

  

§ 4. — Cause réelle de la décadence de l'Irlande.


    On a coutume d'attribuer la situation actuelle de l'Irlande à l'augmentation rapide de la population ; et l'on met celle-ci à son tour sur le compte de la pomme de terre, dont l'usage excessif, ainsi que M. Mac Culloch l'apprend à ses lecteurs, a abaissé le niveau des moyens d'existence, et a tendu à accroître la multiplication des hommes, des femmes et des enfants. « Les paysans de l'Irlande, vivent, dit-il, dans de misérables huttes en terre, sans fenêtre ni cheminée, on aucun autre objet qu'on puisse appeler ameublement », et se distinguent de leur compagnons de travail qui vivent au-delà de la Manche, « par leur malpropreté et leur misère » et de là vient, suivant son opinion, qu'ils travaillent pour un salaire peu élevé (18). Nous voyons ici l'effet substitué à la cause. Le défaut de demande de travail fait que les salaires sont tellement bas que le travailleur ne peut habiter que des huttes de boue, et se procurer d'autre aliment que des pommes de terre. Il est admis partout sur le continent de l'Europe que l'introduction de la pomme de terre a contribué considérablement à améliorer la condition du peuple, mais aussi, il n'est aucune portion du Continent dans laquelle une partie essentielle de la politique nationale consiste à interdire, à des millions d'individus, toute autre occupation que l'agriculture, en les plaçant ainsi à une telle distance d'un marché, que la part la plus importante de leur travail et des produits de ce travail est anéanti dans l'effort qu'ils font pour arriver à ce marché ; et que leur terre s'épuise, par suite de l'impossibilité de restituer au sol aucun des éléments dont se recomposent les récoltes. La centralisation trafiquante produit tous ces effets. Elle vise à l'anéantissement de la valeur du travail et de la terre, et à l'asservissement de l'individu. Elle tend à partager toute la population en deux classes, séparées par un abîme infranchissable, le simple travailleur et le propriétaire du sol. Elle tend à détruire le pouvoir de s'associer, dans un but quelconque de progrès, soit en traçant des routes, soit en fondant des écoles, et conséquemment à empêcher le développement des villes, ainsi que nous l'avons vu à la Jamaïque, si barbare sous ce rapport, lorsqu'on la compare avec la Martinique ou l'île de Cuba, ces îles où les gouvernements n'ont pas cherché à établir un divorce éternel entre l'artisan et l'agriculteur.

    La décadence des villes en Irlande, qui suivit l'Acte d'Union, amena l'absentéisme et augmenta ainsi l'épuisement de la terre, le blé irlandais étant maintenant nécessaire pour payer non-seulement les tissus, mais encore les services anglais ; plus fut considérable la centralisation résultant de l'absentéisme, plus fut grande, nécessairement, la difficulté inhérente à l'entretien de la puissance productive du sol. Cependant M. Mac Culloch affirme à ses lecteurs « qu'on ne peut guère imaginer de motifs pour décider si la dépense des revenus à l'intérieur est plus avantageuse pour le pays que si elle avait eu lieu à l'étranger (19). »

    Un autre économiste distingué s'exprime ainsi :

    « Un grand nombre de personnes se trouvent dans un état de perplexité, en considérant que les denrées qui sont exportées comme des remises prises sur le revenu du propriétaire absent, sont des exportations en échange desquelles on ne reçoit rien en retour ; qu'elles sont perdues pour le pays aussi bien que si elles constituaient un tribut payé à un état étranger, ou même que si on les jetait périodiquement dans la mer. C'est là une vérité incontestable ; mais il faut se rappeler que tout ce qui est consommé d'une façon improductive est, aux termes mêmes de la proposition, anéanti sans produire aucune chose en retour (20). »

    Cette manière de voir, ainsi que le lecteur s'en apercevra, est fondée sur l'idée de la destruction complète des denrées consommées. Lors même qu'elle serait exacte, il en résulterait, cependant, qu'il y aurait eu transfert, de l'Irlande en Angleterre, de la demande de services de toute sorte, tendant à amener une hausse du prix du travail dans l'un des deux pays, et une baisse de ce même prix dans l'autre ; mais si elle est complètement inexacte, il en résultera nécessairement que la perte pour un pays sera aussi considérable que si les remises en question « étaient un tribut payé à un État étranger, ou même que si elles étaient jetées périodiquement dans la mer. » Le lecteur peut se convaincre facilement que ce dernier cas est le cas réel. L'homme consomme beaucoup, mais il n'anéantit rien. Lorsqu'il consomme de la nourriture, il agit simplement comme une machine destinée à préparer les éléments dont elle se compose, pour une production ultérieure ; et plus il peut enlever à la terre, plus il peut lui restituer, et plus sera rapide le progrès de la puissance productive du sol.

    Si le marché est rapproché, il recueille d'une acre de terre des centaines de boisseaux de navets, de carottes et de pommes de terre, ou des tonnes de foin, variant chaque année la nature des produits qu'il cultive ; et plus il emprunte à la terre, cette vaste banque, plus il peut facilement la rembourser, plus il peut perfectionner et son intelligence et sa culture, et plus il peut facilement disposer des machines à l'aide desquelles il obtiendra des revenus encore plus considérables. Si le marché est éloigné, il ne doit produire que les denrées qui supporteront le transport, et de cette façon il est borné dans sa culture ; et plus il est borné, plus rapidement il épuise la terre, moins est grand son pouvoir d'obtenir des rentes, de s'associer avec ses semblables, de perfectionner son mode de penser, d'acheter des machines ou de construire des voies de communication. C'est ainsi que les choses se passent, même lorsqu'il est forcé de vendre et d'acheter sur des marchés éloignés ; mais elles deviennent encore pires lorsque rien n'est restitué à la terre, ainsi que cela a lieu dans le cas de revenus payés à un propriétaire absent. La production diminue alors, sans une diminution correspondante dans la rente. Le pauvre travailleur se trouve alors chaque jour, et de plus en plus, à la merci du propriétaire du sol ou de son agent, et, de plus en plus, soumis à sa volonté. La proportion de la rente s'élève alors, mais sa quantité diminue. La valeur des denrées augmente, mais celle de l'homme diminue ; et, à chaque pas dans cette direction, nous constatons une tendance croissante à la dépopulation, telle qu'elle nous est apparue en Turquie, en Portugal, à la Jamaïque et surtout en Irlande.

    On nous parle du principe de population en vertu duquel la quantité des individus s'accroît plus rapidement que celle des subsistances ; et, pour nous prouver que les choses doivent toujours se passer ainsi, on nous signale ce fait, que lorsque les individus sont en petit nombre, ils cultivent constamment les sols fertiles, et qu'alors les subsistances surabondent ; mais qu'à mesure que la population s'accroît, ils sont forcés de s'adresser à des sols ingrats au moment où les subsistances deviennent rares. Que le contraire de cela soit la vérité, c'est ce qui est démontré par l'histoire de l'Angleterre, de la France, de l'Italie, de la Grèce, de l'Inde et surtout par ce fait, que l'Irlande possède des millions d'acres du sol le plus fertile, qui demeurent à l'état de nature, et resteront probablement à cet état, jusqu'au jour où elles trouveront des marchés pour leurs produits, qui permettent à leurs propriétaires d'échanger les navets, les pommes de terre, les choux et le foin contre du drap, des machines et de l'engrais.

    Il est singulier que l'économie politique moderne ait si complètement négligé ce fait, que l'homme n'est qu'un simple emprunteur à l'égard de la terre, et que, s'il n'acquitte pas sa dette, elle agit à la façon des autres créanciers, en le chassant de sa possession. L'Angleterre fait de l'étendue de son sol un grand réservoir pour la déperdition causée par le sucre, le café, la laine, l'indigo, le coton et les autres produits bruts de presque la moitié de l'univers, se procurant ainsi un engrais qui a été évalué à cinq millions de dollars par an, soit cinq fois plus que la valeur de la récolte de coton produite aux États-Unis par les bras de tant de milliers d'individus ; et cependant l'engrais est un produit qui offre des avantages si considérables qu'elle importe dans une seule année plus de deux cents mille tonnes de guano, an prix d'environ deux millions de livres sterling, soit dix millions de dollars., Cependant ses écrivains enseignent aux autres nations que le véritable moyen de devenir riche consiste à épuiser le sol en lui arrachant et en exportant tous ses produits à leur état le plus grossier ; et, conséquemment, lorsque les Irlandais s'efforcent de suivre le sol, expédié, pour ainsi dire, en Angleterre, M. Mac Culloch vient assurer au monde, que «  la misère sans exemple du peuple irlandais est due immédiatement au développement excessif de sa population, et que rien ne peut être plus complètement inutile que d'espérer aucun amendement réel ou durable dans leur situation, » si l'on n'oppose un obstacle efficace au progrès de la population. «  Il est évident également, continue l'auteur, que l'état d'avilissement et de dégradation dans lequel est tombé le peuple irlandais est l'état auquel doit se trouver réduit tout peuple dont la population, pendant une longue période de temps, continue à s'accroître plus rapidement que les moyens de pourvoir à sa subsistance d'une manière décente et confortable (21). »

    Telle est la manière de voir erronée à laquelle sont amenés des hommes éminents, en adoptant la doctrine de Malthus, à savoir que l'homme, — cette créature qui peut atteindre le développement le plus élevé, — tend à croître plus rapidement que les pommes de terre, les navets, les poissons et les huîtres, créatures placées au degré le plus infime de l'échelle du développement, et dont il fait sa nourriture ; et la doctrine de Ricardo, c'est-à-dire que les hommes commencent l'oeuvre de la culture sur les sols fertiles. L'Irlande tout entière prouve que les terrains les plus riches n'ont pas encore été drainés et restent en friche ; que les terrains cultivés ont été épuisés à raison de la nécessité, pour ceux qui les possèdent, d'expédier au dehors leurs produits à leur état le plus grossier, et que la cause réelle de la difficulté se trouve dans l'annihilation du pouvoir d'entretenir le commerce et l'anéantissement qui en résulte, du capital consommé chaque jour pour entretenir tant de millions de créatures humaines, forcées de perdre leurs journées dans l'inaction, lorsqu'elles se livreraient au travail avec tant de joie. « Comment, demande le Times, les nourrir et les employer? C'est là, continue-t-il, une question faite pour confondre un siècle où l'on peut transmettre un message autour du monde en quelques minutes, et signaler la place précise d'une planète qu'on n'avait pas encore aperçue. C'est une question contre laquelle viennent échouer à la fois l'homme téméraire et l'homme sage. »

    C'est pourtant une question à laquelle il est facile de répondre. Qu'on leur permette le commerce, qu'on les émancipe de la domination du trafic, et ils obtiendront immédiatement une demande pour leurs facultés intellectuelles ou physiques. Tous trouvant alors des acheteurs pour ce qu'ils peuvent céder aux autres, tous pourront devenir acheteurs du travail de leurs semblables, — de leurs amis et de leurs voisins, et des femmes et des enfants de ces amis. Ce dont l'Irlande a besoin, c'est le mouvement de la société, — la puissance d'association, — qui résulte des différences dans les modes de travaux. Qu'elle possède tout cela, et elle cessera d'exporter des subsistances, tandis que sa population périt à l'intérieur par la famine (22). Qu'elle possède tout cela, et sa terre, cessant d'être appauvrie par l'extraction et l'exportation de ses éléments les plus précieux, sa population sera à la fois « nourrie et employée ; » et alors la doctrine de l'excès de population cessera de s'appuyer sur les détails déchirants de l'histoire de l'Irlande.

 

 

 


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