PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)
TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE
1861
CHAPITRE XI :
CONTINUATION DU MÊME SUJET.
Notes de bas de page
1 « Si un ouvrier a passé la mer et exerce, ou enseigne son métier dans quelque pays étranger, et que, sur l'avertissement qui lui est donné par quelqu'un des ministres de Sa Majesté ou consuls à l'étranger, ou par un des secrétaires d'État alors en fonction, il ne rentre pas dans le royaume, dans les six mois de l’avertissement reçu, pour s'y fixer à partir de ce moment et y résider — il est, dès lors, incapable de recevoir aucun legs à lui fait dans toute l'étendue du royaume, d'être administrateur ou exécuteur testamentaire à l'égard d'un individu quelconque, ou de pouvoir acquérir aucune terre par succession, disposition testamentaire ou achat. Toutes ses terres, tous ses biens et effets sont également confisqués au profit de la Couronne ; il est réputé étranger à tous égards et mis hors de la protection du roi. » (Richesse des nations, liv. IV, chap. viii). Retour
2 PORTER, Progrès de la nation, p. 163. Retour
3 On peut se convaincre que les divers objets que se proposait le système étaient exactement tels que nous l'avons retracé, en lisant les passages suivants empruntés à un ouvrage qui dans son temps a joui d'une certaine autorité. (GEE, Sur le commerce) publié en 1750:
— « Les manufactures dans les colonies américaines doivent être découragées, interdites. »
— « Nous devons toujours tenir les yeux ouverts sur nos colonies, pour les empêcher d'établir aucune des fabrications auxquelles on se livre en Angleterre ; et il faut contrarier les tentatives faites dans ce sens, dès le principe ; car si on laisse ces fabrications se développer et grandir il deviendra difficile de les supprimer. »
— « Nos colonies sont, à beaucoup d'égards, dans le cas où se trouvait l'Irlande, au moment ou elle commença à fabriquer ses étoffes de laine, et à mesure que leur population augmente, elles arriveront à élever des manufactures pour se vêtir elles-mêmes, si l'on ne prend les mesures convenables pour leur trouver un travail, à l'aide duquel elles créeront des produits qui leur permettront de se pourvoir chez nous de tout ce qui leur est nécessaire. »
— « Comme elles s'assureront pour elles-mêmes la production des matières premières, nous en aurons la fabrication. Si l'on encourage la production du chanvre, du lin, etc., il ne faut douter en aucune façon que bientôt les colons ne commencent à fabriquer, à moins qu'on ne les en empêche. Conséquemment pour arrêter le progrès de toute industrie semblable, nous proposons qu'aucun tisserand n'ait la liberté d'établir des métiers à tisser, sans faire préalablement enregistrer, dans un bureau tenu à cet effet, le nom et la demeure de tout ouvrier qui travaillera pour lui ; que toute fonderie et machine employée à tréfiler, ou à tisser des bas sera détruite. »
— « Qu'on interdira à tous les nègres de porter des étoffes de lin ou de laine, de filer ou de peigner la laine, ou de travailler à une fabrication quelconque du fer, si ce n'est pour le convertir en gueuse ou en barres : qu'il leur sera interdit également de fabriquer des chapeaux, des bas, ou des objets en cuir d'aucune espèce. »
— « Cette restriction ne retranchera aux planteurs aucune des libertés dont ils jouissent maintenant. Au contraire elle leur fera appliquer leur industrie au développement et à la production de ces matières premières. »
— « Si nous examinons la situation des habitants de nos plantations et la nôtre, on verra, qu'il n'y a pas un quart de leurs produits qui tourne à leur profit ; car sur tout ce qui vient en ce pays, ils ne rapportent que des vêtements et autres objets à l'usage de leurs familles ; et le tout se compose de marchandises et d'objets fabriqués dans ce royaume. »
— « Nous recueillons tous ces avantages des plantations de nos colonies, outre les hypothèques sur les biens du planteur et l'intérêt élevé qu'ils nous payent, intérêt très-considérable ; et conséquemment, nous devons nous appliquer, avec le plus grand soin, à régler toutes les affaires des colons, de façon à ce que les planteurs ne soient pas trop embarrassés, mais encouragés à continuer leurs travaux avec ardeur, »
— « La Nouvelle-Angleterre et les colonies du Nord, n'ont pas une quantité suffisante de denrées et de produits à nous expédier en retour pour acheter les vêtements qui leur sont nécessaires, mais elles se trouvent en proie à des embarras très-sérieux ; et conséquemment, vendez-leur des vêtements ordinaires quelconques ; et lorsqu'ils sont passés de mode chez nous, ils sont encore assez nouveaux pour eux. » Retour
4 Richesse des Nations, liv. III, chap. Ier. Traduction du comte Germain GARNIER, p. 503-504. Retour
5 Richesse des nations, liv. III, chap. Ier, p. 469-470. Retour
6 DALLAS. Histoire des nègres marrons, t. I. Retour
7 MACPHERSON, t. III, p. 574. Retour
8 MACPHERSON, t. IV, p. 255. Retour
9 Le total des nègres importés dans les îles anglaises ne peut avoir été de moins de 1 700 000 ; et cependant à l'époque de l'émancipation, ce nombre n'était plus que de 660 000. Le nombre de ceux importés aux États-Unis, ne peut avoir dépassé 500 000 ; mais le chiffre a grossi jusqu'à 3 millions et demi. Retour
10 Le lecteur qui voudrait se faire une idée complète du gaspillage et des brigandages qui avaient lieu sur une plantation dans les colonies anglaises de l'Amérique, de l'esclavage du propriétaire et des causes de l'épuisement de ces îles si fertiles, peut consulter à cet effet l'Histoire des nègres marrons, par R.-C. DALLAS. Londres, 1803, 2 vol. in-8. Retour
11 COLERIDGE. Six mois aux Antilles, p. 131. Retour
12 Le rhum se vendait à son arrivée, à raison de 3 schell. ou 3 schell. 6 pence le gallon ; mais le consommateur le payait probablement 17 schell. qui se partageaient dans la proportion suivante :
Le gouvernement représentant le peuple anglais en masse. . 11 schell. 3 pence.
Les armateurs, les marchands en gros et détaillants 5 — 9 —
Le propriétaire de la terre et le travailleur 0 — 0 —
Total. . . 17 schellings.
Si nous considérons le sucre, nous trouvons un résultat un peu plus favorable mais d'une espèce analogue. Le consommateur anglais donnait en échange de ce produit la valeur de 80 schell. de travail, et cette somme se partageait à peu près ainsi :
Le gouvernement 27 schell.
L'armateur, le marchand, le créancier hypothécaire, etc 33 —
Le propriétaire de la terre et le travailleur 20 —
Ensemble 80 schell. Retour
13 BIGELOW. Notes sur la Jamaïque, p. 54. Retour
14 MARTIN. Les Antilles. Retour
15 TOOKE. Histoire des prix, t. II, p. 412. Retour
16 « Je n'ai pu apprendre qu'il y eût aucunes terres dans l'île pourvues convenablement d'instruments de culture. La hache moderne n'y est même pas d'un usage général ; pour abattre les plus gros arbres, les nègres emploient ordinairement un instrument qu'ils appellent ainsi, et qui a beaucoup de ressemblance avec un coin, excepté qu'il est un peu plus large au bord qu'au bout opposé, à l'extrémité même duquel est adapté un manche parfaitement droit. On ne peut rien imaginer de plus malencontreux pour faire l'office de hache ; du moins c'est ce que je pensais, jusqu'au moment où je vis l'instrument encore plus généralement employé aux alentours des habitations dans la campagne, pour couper le bois de chauffage. Il ressemblait pour la forme, la dimension et l'apparence, plutôt à la moitié extérieure du tranchant d'une faux qu'à tout autre objet auquel je puisse le comparer ; à l'aide de ce long couteau (car ce n'est rien autre chose), j'ai vu des nègres écharpant des branches de palmier pendant plusieurs minutes, pour venir à bout de ce qu'un bon fendeur de bois, avec une hache américaine, ferait d'un seul coup. Je ne parle pas en ce moment de la classe la plus pauvre des propriétaires nègres, dont la pauvreté ou l'ignorance pourraient servir d'excuse, mais de propriétaires de vastes domaines qui ont coûté des millions de liv. sterl. » (BIGELOW. Notes sur la Jamaïque, p. 129).
« Ils n'ont aucune nouvelle manufacture à laquelle ils puissent avoir recours, lorsqu'ils manquent d'ouvrage ; aucune branche extraordinaire de travail industriel ou agricole ne s'offre à eux pour les accueillir, pour stimuler leur esprit d'invention, ou récompenser leur industrie. Lorsqu'ils connaissent la manière de se servir de la houe, de cueillir la graine de café, et de surveiller les moulins à cannes, ils ont appris à peu près tout ce que l'industrie de l'île peut leur enseigner. Si dans les seize années pendant lesquelles les nègres ont joui de leur liberté, ils ont fait moins de progrès dans la civilisation que ne l'avaient annoncé ou espéré leurs champions philanthropes, il faut tenir quelque compte des lacunes que j'ai signalées. Il est probable que même des paysans de race blanche dégénéreraient, sous l'empire de pareilles influences. Renversez cet ordre de choses, et lorsque le nègre a récolté sa canne à sucre ou son café, créez une demande de son travail pour les moulins et les manufactures que la nature invite à construire sur le sol de l’île, et avant qu'il se soit écoulé seize autres années, le monde aurait probablement quelques nouveaux faits pour l'aider à apprécier la capacité naturelle de la race noire, plus utiles entre les mains du philanthrope que tous les appels qu'il ait jamais pu faire à la sensibilité ou à la conscience humaine. » (Ibid., p. 156). Retour
17 BIGELOW. Notes sur la Jamaïque, p. 31. Retour
18 Ibid., p. 69. Retour
19 Des droits onéreux sur le sucre raffiné empêchent encore les colonies de faire aucun pas vers le progrès. Tout récemment le gouverneur de Demerara, dans une dépêche adressée au gouvernement anglais, affirmait, qu'au moyen d'un surcroît de déboursé tout à fait insignifiant, le planteur pourrait embarquer toute sa récolte de sucre d'une qualité presque égale au sucre raffiné, bien que fabriquée bond fide, par une seule opération, avec les matières premières ; mais qu'il n'osait pas, parce qu'elle serait ainsi soumise à des droits assez élevés pour devenir prohibitifs. Retour
20 On peut voir combien étaient différentes les bases sur lesquelles reposaient les systèmes coloniaux français et anglais, en considérant les faits suivants : 1° que Colbert accorda aux colons la liberté la plus complète en ce qui concernait la transformation de leurs produits bruts de toute espèce ; 2° que considérant leur dispersion comme tendant à amener l'état de barbarie, il leur interdit de s'occuper à recueillir des fourrures et des peaux ; 3° qu'il limita, autant que possible, l'exportation pour les colonies, des liqueurs fermentées ; et 4° qu'il s'intéressa lui-même, très-chaudement, à empêcher cette prostitution des esclaves du sexe féminin, si fréquente dans les colonies anglaises et qui est si honteuse pour les États-Unis. (Pour de plus amples renseignements sur le système colonial français, voyez l'ouvrage récemment publié par M. JOUBLEAU. Etudes sur Colbert, liv. III, chap. III.) Retour