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1 novembre 2004 1 01 /11 /novembre /2004 10:58

PRINCIPES DE LA SCIENCE SOCIALE
PAR M. H.-C. CAREY (De Philadelphie)

henry_charles_carey.jpg

TRADUITS EN FRANÇAIS PAR MM. SAINT-GERMAIN-LEDUC ET AUG. PLANCHE

  1861

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE IX :

DE L'APPROPRIATION.

   

    § 6. — Phénomènes sociaux qui se révèlent dans l'histoire de Rome.


    Au temps de Numa et de Servius Tullius, le peuple romain cultivait un sol fertile ; et la Campanie était couverte de villes, ayant chacune une existence indépendante et constituant, chacune, un centre local vers lequel gravitait la population du territoire environnant. Sous les Tarquins, leurs successeurs, un changement se manifeste ; et depuis ce moment jusqu'à la chute de l'empire, on voit que Rome a consacré sans relâche toutes ses forces à empêcher toute association pacifique entre ses voisins, à s'approprier leurs biens et à centraliser tout le pouvoir dans l'enceinte de ses murailles. La splendeur de la capitale allait croissant ; mais avec ce développement arrivait un déclin correspondant dans la condition du peuple, jusqu'au moment où nous voyons enfin celui-ci réduit à la misère et dépendant de distributions journalières d'aliments, tribut levé pour son entretien sur des provinces éloignées ; et, sous ce rapport, l'histoire de Rome n'est que la répétition de celle d'Athènes, sur une plus grande échelle. Dans la ville et hors de la ville s'élèvent des palais ; mais à chaque pas fait dans cette direction nous voyons se manifester parmi le peuple, un affaiblissement dans la puissance d'association volontaire. La terre qui autrefois faisait vivre des milliers de petits propriétaires est bientôt abandonnée ; ou lorsqu'elle est quelque peu cultivée, elle l'est par des esclaves ; et plus la population de la campagne est asservie, plus devient impérieuse la nécessité de faire des distributions publiques dans la ville, où affluent tous les individus qui cherchent à vivre de pillage. Panem et circenses, une nourriture gratuite, et des exhibitions également gratuites de combats de gladiateurs, ou d'autres combats d'une férocité brutale, voilà ce qui forme maintenant l'unique bill des droits d'une populace dégradée ! La ville prend des accroissements, d'âge en âge, en même temps qu'un déclin correspondant se révèle dans le mouvement de la société qui constitue le commerce. La dépopulation et la pauvreté se répandent, de l'Italie, en Sicile et en Grèce, en deçà et au-delà de la Gaule, en Asie et en Afrique, jusqu'à ce qu'enfin frappé au coeur, l'empire périt après une existence de près d'un millier d'années, pendant lesquelles il avait offert le modèle de l'avidité, de l'improbité et de la déloyauté ; et dans toute cette période, à peine voit-on surgir une douzaine d'hommes dont les noms soient arrivés jusqu'à la postérité avec une réputation sans tache.

    Les trafiquants, les gladiateurs et les bouffons étaient regardés chez les Romains comme appartenant à la môme classe ; et cependant l'histoire romaine n'est que le récit des opérations des trafiquants sur la plus grande échelle. Pendant les siècles qui ont suivi l'expulsion des Tarquins et l'établissement du pouvoir aristocratique, nous assistons à une guerre perpétuelle entre les débiteurs plébéiens, appauvris par l'altération constante de la loi au profit des riches et des nobles, et les créanciers patriciens, possédant des cachots particuliers où ils renfermaient des hommes dont l'unique crime était l'impuissance de payer leurs dettes. Plus tard nous trouvons Rome remplie de Chevaliers, accoutumés à s'interposer comme intermédiaires entre ceux qui avaient des impôts à payer et ceux qui avaient à les recevoir, achetant le droit de percevoir l'impôt au meilleur marché, et le vendant le plus cher possible, payant au receveur la plus petite somme, et tirant, du malheureux qui payait la taxe, la plus forte somme qu'il pût fournir. Scipion trafiqua de sa conscience en pillant le trésor public, et lorsqu'on le somma de rendre ses comptes, il convoqua l'assemblée pour se rendre au temple et y rendre grâces aux dieux des victoires qui l'avaient enrichi (5). Verrès en Sicile et Fonteius en Gaule, n'étaient que des trafiquants. Brutus prêtait de l'argent à quatre pour cent par mois, et César aurait probablement payé un intérêt encore plus élevé pour les millions qu'il avait empruntés, s'il eût réussi à monter sur le trône impérial. Tous faisaient le trafic des esclaves, se réservant le monopole des produits du travail de ces malheureux soumis à leur pouvoir, et qu'ils traitaient de la façon la plus inhumaine.

 

 

 

 

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