Franklin Delano ROOSEVELT
Président des États-Unis
SUR
LA BONNE VOIE
(ON OUR WAY)
Traduit de l'Anglais par
PIERRE DUTRAY
1934
Les Éditions
DENOËL ET STEELE
19, rue Amélie, 19
PARIS
CHAPITRE XI
La nouvelle année s'ouvrit sur l'arrivée des membres du Congrès. Ce fut un plaisir de saluer le vice-président, le speaker et maints autres amis de retour dans la capitale. Le 3 janvier, en présence du Congrès réuni en session, j'ai donné personnellement lecture du message suivant:
« Je viens devant vous à l'ouverture de la session ordinaire du 73° Congrès, non pas pour vous demander le vote de lois spéciales ou particulières, mais pour prendre contact avec vous qui, comme moi avez été choisi pour exécuter un mandat du peuple, afin de poursuivre ensemble sans esprit de parti, l'oeuvre de restauration du bien-être national et, ce qui n'est pas moins important, de construction sur les ruines du passé, d'une nouvelle structure adaptée aux données de la civilisation moderne.
« La civilisation ne peut pas rétrograder; elle ne peut pas non plus rester immobile. C'est pourquoi nous avons adopté des méthodes nouvelles, qu'il est de notre devoir d'améliorer, de perfectionner et de modifier si cela s'avère nécessaire, l'essentiel étant d’avancer. Consolider ce que nous faisons, adapter notre structure économique et sociale aux exigences de la vie moderne, c'est là la tâche commune des pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs du gouvernement national.
« Sans distinction de partis, l'immense majorité de notre peuple recherche pour l'humanité de nouvelles voies vers la prospérité et le bonheur. Elle reconnaît que le bien-être de l'humanité ne peut pas être accru par le simple matérialisme et le luxe pur mais qu'il doit progresser grâce à l'honnêteté, à l'altruisme, au sens des responsabilités et à la justice.
« Au cours de ces derniers mois, en conformité avec les mesures prises, nous avons demandé à de nombreux citoyens de renoncer à certains droits qu'ils avaient dans le domaine économique et nous leur avons offert en échange la protection de l'Etat contre les agissements abusifs ou les associations de leurs concurrents.
« Je vous félicite du courage, de la gravité et de l'esprit d'à-propos, avec lesquels vous avez fait face à la crise lors de la session extraordinaire du Congrès. J'irai jusqu'à dire que le Congrès de 1789 n'eut pas à affronter une tâche plus lourde que la vôtre. « Je n'essayerai pas d'exposer ni les diverse phases de la crise que nous avons traversée ni les différentes mesures que vous et moi avons adoptées au cours de la session extraordinaire pour donner le branle au programme de redressement et de réforme.
« Qu'il me suffise de vous dire en termes généraux les résultats de nos délibérations communes.
« Des compressions énergiques opérées dans les frais des services permanents par la Loi d'Economie ont fortifié le crédit de l'Etat.
« Dans le double but de fortifier l'ensemble de la structure financière et d'aboutir finalement à un instrument de payement qui aura pour notre peuple un pouvoir d'achat et libératoire moins variable que par le passé, j'ai usé de l'autorité qui m'était conférée pour acheter tout l'or et l'argent produits aux Etats-Unis et pour faire procéder à des achats d'or sur les marchés mondiaux. Une enquête attentive et une étude constante ont prouvé qu'en ce qui regarde les mouvements des changes internationaux, certains pays se trouvent si handicapés, notamment par leur situation intérieure, qu'ils se sentent incapables en ce moment d'entamer des pourparlers sur la stabilisation, pourparlers qui se baseraient sur des objectifs permanents et mondiaux.
« L'immense majorité des banques, les banques nationales comme les banques d'Etat, qui ont rouvert leurs guichets au printemps dernier, sont assainies et protégées par un système d'assurance fédérale. Grâce au Gouvernement national, les déposants vont rentrer en possession de près de six cent millions de dollars de dépôts gelés qu'ils ont effectués dans les banques qui n'avaient pas reçu la permission de rouvrir.
« Nous nous sommes acheminés à grande enjambées vers le but que s'assigne la « National Industrial Recovery Act », car non seulement notre programme a ramené plusieurs millions d'hommes au travail, mais de plus l'industrie s'organise et comprend mieux que jamais qu'elle peut réaliser des profits raisonnables tout en garantissant aux ouvriers des salaires et des conditions de travail équitables. Le travail des enfants est supprimé. L'uniformisation des heures de travail et des salaires règne maintenant dans les quatre-vingt-quinze pour cent des emplois industriels qui relèvent de la « National Industrial Recovery Act ». Le Gouvernement s'efforce d'empêcher l'industrie de former des monopoles et de restreindre le commerce, mais en même temps il veut mettre fin aux rivalités ruineuses entre les groupes industriels, rivalités qui, maintes fois ressemblent aux batailles que se livrent les gangsters, rivalités dont, chaque fois, le public finit être la victime.
« En vertu de l'autorité de ce Congrès, nous avons réuni les parties essentielles de chaque industrie autour d'une table commune, de la même manière que nous avons trouvé un terrain d'entente au sujet des problèmes qui concernent le travail. Quoique les rouages, conçus en hâte, puissent appeler des amendements de temps en temps, néanmoins je pense que vous admettrez avec moi que nous avons créé un élément durable de notre édifice industriel modernisé et qu'il se maintiendra sous la surveillance, mais non sous la dictature arbitraire du gouvernement.
« Vous reconnaissiez au printemps dernier que la partie la plus importante du fardeau des dettes pesait sur ceux qui couraient le risque de perdre leurs fermes et leurs immeubles. Il me plaît de vous dire que, pour les uns et les autres, le refinancement est en bonne voie et que, selon toute probabilité, il ne dépassera pas les limites prévues par le Congrès.
« Mais l'agriculture ne souffre pas seulement du poids de ces dettes. Les résultats qu'a produits la loi d'ajustement agricole m'incitent à croire que l'expérience que nous avons tentée pour établir la balance entre la production et la consommation s'est chiffrée par un succès et permet d'espérer raisonnablement une restauration des prix agricoles à parité avec les autres prix. Je persiste à croire que la prospérité industrielle et la prospérité, tout court, sont fonction du pouvoir d'achat des populations agricoles. C'est pourquoi il faut rétablir l'harmonie entre les diverses parties du pays et les divers formes de travail.
« Dans ce but, au moyen de mesures mûrement réfléchies, concernant les inondations, les problèmes de la force et de la lumière, ainsi que l'exploitation du sol dans la vallée du Tennessee et dans d'autres bassins importants, nous nous efforçons d'éliminer de la culture les terres pauvres et d'encourager les petites industries locales. Nous reconnaissons que l'application de ce grand programme à toutes les parties du pays occasionnera finalement de grands frais. Aujourd'hui, par suite de la situation pressante du chômage, nous assumons de lourdes obligations en tâchant d'amener la reprise du travail. J'envisage toutefois l'époque qui n'est pas lointaine où les crédits annuels, couverts par les revenus courants permettront au travail de suivre un plan national. Un tel plan, dans une génération ou deux, rendra largement les capitaux investis pour son application; et ce qui importe davantage encore, il supprimera l'emploi des outils inutiles, conservera et accroîtra les ressources naturelles, empêchera les gaspillages et permettra à des millions de nos concitoyens de tirer un meilleur parti des avantages que Dieu a donnés à notre pays.
« Je ne puis malheureusement pas vous tracer un tableau complètement optimiste des affaires mondiales.
« La délégation qui représentait les Etats-Unis a travaillé en collaboration étroite avec les représentants des autres républiques américaines réunis à Montevideo, de manière à assurer le triomphe de cette conférence. Nous avons, je crois, fait comprendre à nos voisins que nous renonçons avec eux, définitivement, à toute expansion territoriale, ou à toute intervention dans les affaires intérieures des autres pays. En outre, nous nous efforçons tous de restaurer le commerce mondial en évitant méthodiquement qu'une nation cherche des avantages commerciaux aux dépens des autres.
« Toutefois, dans d'autres parties du monde, les craintes d'agressions immédiates ou futures, les énormes dépenses d'armements et le renforcement constant des barrières commerciales empêchent tous progrès sensibles de paix ainsi que la conclusion d'accords commerciaux. J'ai précisé que les Etats-Unis ne peuvent pas participer aux arrangements politiques de l'Europe, mais que nous sommes prêts à nous associer, à tout moment, à des mesures pratiques, sur une base mondiale en vue de la réduction immédiate des armements et de la levée des barrières douanières. J'espère pouvoir vous renseigner prochainement au sujet des sommes dues au gouvernement et à la population de ce pays par le gouvernement et la population des autres nations. Plusieurs nations reconnaissant leurs dettes ont fait de petits payements partiels; d'autres n'ont pas payé. Une seule, la Finlande, a réglé complètement ses échéances.
« Abordons à nouveau les problèmes intérieurs. Nous avons été indignés des nombreux cas où, visiblement, des dommages ont été causés à nos concitoyens par des individus ou des groupes qui ont vécu aux dépens de leurs voisins en usant de méthodes immorales ou criminelles.
« Nous pouvons ranger dans la première catégorie — catégorie qui ne comprend pas de violations de la lettre de nos lois — les agissements percés à jour de ceux qui ont indigné les gens persuadés que la génération précédente pratiquait la moralité en affaires. Ces agissements appellent d'énergiques mesures préventives ou une réglementation. Je parle de ces individus qui ont tourné l'esprit et le but de nos lois fiscales, ces dirigeants de banques ou de sociétés qui se sont enrichis aux dépens de leurs actionnaires ou du public, de ces spéculateurs effrénés dont les opérations exécutées soit avec leur argent soit avec l'argent des autres, ont détruit la valeur des récoltes et anéanti les économies des pauvres gens.
« Dans l'autre catégorie, les crimes de bandes organisées, les meurtres à froid, les lynchages et les méfaits des ravisseurs d'enfants ont menacé notre sécurité.
« Cette violation de la morale et des lois exige l'intervention énergique du gouvernement qui doit les supprimer immédiatement ; elle doit soulever également l'opinion publique.
« L'adoption du vingt et unième amendement portera un coup à cette forme nouvelle de la criminalité qui a son origine dans le trafic illégal des liqueurs.
« Je continuerai à considérer qu'il est de mon devoir de faire tout le nécessaire pour aider les services des Etats, des localités ainsi que les services privés à remédier aux maux engendrés par le chômage. A cet égard, j'ai reconnu les risques qu'entraînent les secours directs et j'ai cherché s'il n'y avait pas moyen, non pas de procurer seulement des aumônes aux malheureux mais encore un travail utile et rémunérateur. Nous tâcherons, au cours de notre programme de redressement, de passer aussi rapidement que possible du stade du secours direct aux travaux financés par l'Etat et de là à une reprise rapide de l'embauche privée.
« C'est là un programme complet d'intérêt national. Il doit, dans son ensemble, éviter la ruine présente et future des valeurs essentielles que nous devons à la société moderne. Les parties vicieuses et ruineuses de cette société, nous ne pourrions les sauver, même si nous le voulions; elles ont suivi de leur plein gré le chemin qui mène à leur destruction. Nous voudrions sauver les inventions mécaniques utiles, les moyens modernes de communication, une instruction largement répandue. Nous voudrions sauver et encourager le mouvement qui progresse lentement parmi les consommateurs désireux d'entrer sur le marché industriel pourvus d'une organisation qui leur permettra d'exiger des prix équitables.
« Mais l'expansion inutile des exploitations industrielles, le gaspillage des ressources naturelles, les abus auxquels sont en butte les consommateurs des monopoles naturels, l'accumulation des excédents immobilisés, le travail des enfants, l'exploitation impitoyable de tous les travailleurs, l'encouragement à la spéculation opérée avec l'argent d'autrui, toutes ces pratiques ont péri dans le feu qu'elles avaient allumé elles-mêmes. Nous devons avoir la certitude que lorsque nous bâtirons notre vie sur de nouvelles bases, le terrain ne laissera pas pousser ces mauvaises herbes.
« Nous avons creusé le sillon et semé la bonne graine; l'ère des débuts malaisés est révolue. Si nous voulons récolter une moisson abondante, nous devons cultiver le sol où pousse cette bonne graine et où les plantes arrivent à maturité.
« Un mot personnel avant de terminer. Je sais que vous ne croirez pas à une simple politesse de ma part si je vous déclare combien j'apprécie la cordialité de nos rapports durant ces mois de dur et incessant labeur. Outre ces contacts personnels, nous établissons heureusement un lien puissant et permanent entre les pouvoirs exécutifs et législatifs. La lettre de notre Constitution établit sagement une séparation entre ces deux pouvoirs, mais les tâches actuelles exigent l'union. C'est dans cet esprit que nous nous rassemblons une fois de plus pour le service du peuple américain. »
Le lendemain, j'adressai au Congrès le message sur le budget annuel. Il fourmille, évidemment, de chiffres, et en outre un volume copieux l'accompagne qui expose dans le détail tous les projets de lois en vue des crédits gouvernementaux au cours de l'année fiscale qui débute le premier juillet 1934 et se termine le 30 juin 1935. Bien qu'on ait publié tous les rapports concernant les budgets précédents, le public et la majeure partie du Congrès, je pense, n'avaient pas une notion exacte des sommes énormes que le Gouvernement devrait dépenser cette année et l'année prochaine; ils ne se rendaient pas compte de la somme considérable que le Trésor aurait à emprunter. Néanmoins, le budget était si clairement établi que nous pouvions envisager le moment — il y faudra deux ans — où l'on serait en mesure d'espérer que le Gouvernement reposerait sur une base financière définitivement équilibrée et où la dette nationale commencerait à diminuer.
Le 10 janvier, je demandai au Sénat de ratifier le traité commercial de Saint-Laurent avec le Canada.
Le 15 janvier j'adressai au Congrès un message d'une importance capitale, dans lequel je lui demandai de prendre des mesures définitives. Il s'agissait de placer tout l'or monnayé que possédait le Gouvernement pour garantir sa devise, et en même temps de déterminer d'une manière plus précise la valeur or du dollar américain. Ce message est d'une telle importance qu'en dépit de sa longueur je le transcris en entier:
« En conformité avec les progrès que nous réalisons dans le réajustement plus équitable des prix et en conformité avec notre désir d'aboutir finalement à un pouvoir d'achat plus stable du dollar, je demande au Congrès de nouvelles mesures législatives pour améliorer notre système financier et monétaire. Si nous établissons clairement que le Gouvernement Fédéral a la possession et la propriété des réserves métalliques permanentes, nous pouvons organiser un système monétaire qui sera à la fois stable et adéquat. L'émission et le contrôle du moyen d'échange que nous appelons « monnaie » sont une haute prérogative des gouvernements. Il en est ainsi depuis des siècles. C'est parce qu'ils étaient rares, parce qu'on pouvait facilement les diviser et les transporter que l'or et l'argent ont été utilisés soit comme monnaie, soit comme couverture des symboles monétaires, n'ayant par eux-mêmes qu'une valeur nominale.
« En théorie, évidemment, un gouvernement pourrait émettre de simples symboles monétaires —symboles qu'on accepterait à leur valeur nominale s'il était certain que leur total ne dépasserait jamais la somme globale d'argent liquide dont la communauté a couramment besoin. Comme l'on ne pouvait pas toujours donner cette assurance ou la donner d'une façon suffisante, les gouvernements ont estimé que les réserves ou les bases d'or et d'argent qui viendraient s'ajouter au papier-monnaie ou aux signes monétaires donneraient de la stabilité aux systèmes monétaires.
« Il existe encore une grande confusion de pensée qui empêche un accord mondial pour une politique monétaire uniforme. Beaucoup veulent que l'or soit la seule base de la monnaie, d'autres voudraient que ce soit l'argent, d'autres encore proposent que l'or et l'argent soient, ou bien des bases séparées, ou bien des bases réunies par une proportion fixée, ou bien enfin une base commune de la monnaie.
« Nous espérons qu'en dépit de la confusion mondiale actuelle les événements nous conduiront à un accord universel sous une forme quelconque dans un avenir plus ou moins proche. Le récent accord de Londres sur l'argent a été un pas, mais un pas seulement, dans cette direction.
« A l'heure présente, il est possible de faire un nouveau pas en avant, dont nous espérons qu'il contribuera ultérieurement à une solution mondiale,
« Certaines leçons semblent claires. Par exemple, la libre circulation de l'or monnayé est inutile; elle aboutit à la thésaurisation, et à un affaiblissement éventuel des structures financières dans les périodes troubles. Le transfert de l'or d'individu à individu ou de gouvernement à gouvernement, non seulement est inutile mais encore n'est nullement à désirer. Le transfert d'or en masse est nécessaire uniquement pour le règlement des balances commerciales internationales.
« Dans ces conditions, c'est une mesure sage que d'investir le Gouvernement d'une nation de la propriété et de l'usage de tout l'or monnayé existant dans le pays et de conserver cet or, non sous forme de monnaie, mais en lingots.
« Etant donné qu'au Gouvernement incombe la protection de cette base monétaire, nous avons déjà fait rentrer l'or qui était en possession des particuliers ou des sociétés. Néanmoins, il reste une grande quantité d'or en lingots et en monnaie qui est toujours sous le contrôle ou en la possession des banques du système de Réserve fédérale.
« Bien que la loi autorise le Gouvernement à prendre par décret possession de cet or, c'est là une mesure d'une telle importance que je préfère demander au Congrès une législation spéciale, donnant au Gouvernement des Etats-Unis un titre de propriété sur tous les stocks d'or qui sont propriété américaine, cet or devant être payé par le Gouvernement en certificats or. Ces certificats seront, comme maintenant garantis en tout temps dollar pour dollar, par l'or possédé par la Trésorerie, le poids et le titre de l'or par dollar devant être fixés de temps en temps.
« Une telle législation attribue au Gouvernement un droit de propriété sur nos réserves d'or; elle établit également clairement la propriété du Gouvernement sur toute augmentation de la valeur des stocks d'or qui pourrait résulter de toute nouvelle dévaluation du dollar commandée par l'intérêt public. Elle imposerait aussi, évidemment, en contrepartie, au Gouvernement la charge qui résulterait d'une augmentation, que pourrait aussi commander l'intérêt public, de la teneur en or du dollar.
« Tout l'or détenu aux Etats-Unis devenant la propriété du Gouvernement, le stock d'or tout entier servira de réserve métallique permanente et fixe; son volume variera seulement dans la mesure qu'exigera le règlement des balances internationales ou dans la mesure qui serait exigée par un accord éventuel à intervenir entre les nations, pour une redistribution des réserves mondiales de l'or monétaire.
« Avant la mise en vigueur de cette politique permanente, attribuant la propriété de tout l'or monétaire au Gouvernement pour servir de base à sa monnaie, le moment est arrivé de déterminer plus certainement la valeur or du dollar américain. En raison des incertitudes mondiales actuelles, je ne crois pas souhaitable dans l'intérêt public qu'une valeur exacte du dollar soit fixée maintenant. La législation actuelle autorise le président à limiter à 50 % la dévaluation du dollar. Des études attentives me font penser qu'une réévaluation à plus de 60 % de la valeur légale actuelle ne serait pas conforme à l'intérêt public. Je demande en conséquence au Congrès de fixer la limite supérieure de réévaluation à 60 %.
« Afin d'assurer dans l'intérêt du public une plus grande stabilité aux marchés des changes, je demande de conférer en outre au Secrétaire au Trésor le droit d'acheter et de vendre l'or aux Etats-Unis et à l'étranger et celui d'intervenir sur les marchés des changes. Je demande, dans les limites de ce droit, de créer, indépendamment des bénéfices que peut rapporter toute dévaluation, un fonds de deux milliards de dollars pour les achats et les ventes d'or, de devises étrangères et de fonds d'Etat américains, destinés à réglementer la monnaie selon que le maintien du crédit de Gouvernement et le bien-être général des Etats-Unis l'exigeront.
« Certains amendements à la législation actuelle au sujet de l'achat et de la vente de l'or et d'autres questions monétaires, contribueraient à la solution des problèmes qui se posent constamment dans ce domaine. Le Secrétaire au Trésor s'apprête à soumettre aux comités qualifiés du Congrès un rapport sur les changements à apporter.
« Les recommandations précédentes ont trait principalement à l'or. Le métal précieux qui vient en second rang d'importance, l'argent, de temps immémorial, a également servi de base métallique aux monnaies aussi et cela n'a pas changé. Il a servi probablement à la moitié de la population du monde. Il constitue une part très considérable de notre propre structure monétaire. C'est un facteur d'une telle importance pour une grande partie du commerce international qu'on ne peut la négliger.
« Le 21 décembre 1933 je lançai une proclamation prévoyant la frappe de notre argent nouvellement extrait et l'accroissement de nos réserves de lingots d'argent. Nous étions ainsi parmi les premières nations à mettre en vigueur l'accord intervenu à la Conférence de Londres entre soixante-six gouvernements. Cet accord est un premier pas ferme dans la bonne direction et pour notre part, nous sommes résolus à y conformer notre conduite.
« Les soixante-six nations ont, toutes, consenti à arrêter la fonte ou la dépréciation de leurs monnaies d'argent et à remplacer les petites coupures de papier-monnaie par des pièces d'argent. Elles ont consenti également à ne prendre aucune mesure législative qui entraînerait la dépréciation de l'argent sur les marchés mondiaux. Ces nations productrices de grandes quantités d'argent ont consenti à diminuer d'une manière déterminée leur production intérieure, et les nations qui détiennent et emploient de grandes quantités d'argent se sont accordées pour réduire le montant de l'argent qu'elles écouleraient durant les quatre années prévues par l'accord de Londres.
« Si les gouvernements intéressés exécutent toutes ces mesures, il y aura un accroissement marqué de l'emploi et de la valeur de l'argent.
« Les gouvernements peuvent, comme jadis, utiliser l'argent pour servir de base à leur monnaie, et je désire un plus grand usage monétaire de l'argent. Néanmoins je préfère ne faire aucune recommandation au Congrès à ce sujet parce que j'estime que nous devons mieux connaître les conséquences de l'accord de Londres et des autres mesures monétaires prises par le gouvernement.
« Permettez-moi d'insister sur deux principes. Notre monnaie nationale doit être maintenue comme une monnaie saine qui, dans les limites du possible, aura un pouvoir d'achat constant et juste et sera adaptée aux besoins quotidiens et à l'établissement du crédit.
« En second lieu, le gouvernement doit avoir le droit d'émettre la monnaie et d'être le seul gardien et propriétaire de la couverture métallique de la monnaie. Ce droit implique la prérogative pour le gouvernement de déterminer de temps à autre l'étendue et la nature de la réserve métallique. J'ai confiance que la nation comprendra le dessein final du gouvernement, qui est de maintenir son crédit et, en même temps, d'acquérir le moyen de faire des payements sains, ce qui répondra aux besoins de notre peuple. »
Le 19 janvier par décret j'amendai de nouveau, sur nombre de détails, les règlements relatifs aux anciens combattants et cela nous conduisit à une dépense supplémentaire de vingt et un millions de dollars. Ce décret concernait deux cent vingt-huit mille anciens combattants.
Peu avant la nouvelle année, j'avais créé l'Administration fédérale de contrôle de l'alcool et j'avais mis à sa tête M. Joseph H. Choate Jr. Cette organisation était en vigueur pour la période comprise entre le rejet du dix-huitième amendement et l'application d'une nouvelle législation permanente.
Le 13 janvier, je signai la nouvelle loi sur l'or; le lendemain, une proclamation mettait le nouveau système en vigueur.
Le 8 février, j'envoyai au Congrès le message suivant sur le problème du sucre. Il est suffisamment éloquent par lui-même:
« L'accroissement constant de la production du sucre aux Etats-Unis et dans leurs possessions insulaires a créé un niveau de prix et une situation des marchés qui portent préjudice à tous les intéressés. Les fermiers dans beaucoup d'exploitations sont menacés de bas prix pour leurs betteraves et leur canne à sucre; d'autre part les Cubains ont diminué leurs achats de nos produits dans la mesure où se ralentissaient leurs exportations de sucre dans notre pays.
« Certains pensent que le sucre devrait être classé parmi les produits qui entrent en franchise aux Etats-Unis, car le consommateur américain paye cette denrée trop cher.
« La valeur brute des récoltes sucrières pour les cultivateurs américains de betteraves et de canne à sucre s'élève annuellement à environ soixante millions de dollars. Les partisans de l'entrée en franchise du sucre disent que l'impôt de deux « cents » par livre, levé principalement pour protéger ces récoltes d'une valeur de soixante millions de dollars, coûte annuellement au consommateur américain plus de deux cent millions de dollars.
« Aujourd'hui, je ne crois pas qu'il faille accorder l'entrée en franchise du sucre. J'estime que nous devons essayer le système des contingentements dans le triple but de réduire les prix payés par les consommateurs, de maintenir la production continentale de la betterave et de la canne à sucre et de prévenir une extension ultérieure de cette industrie nécessairement coûteuse.
« Les consommateurs n'ont pas bénéficié du désarroi de la production sucrière aux Etats-Unis et dans les possessions insulaires. Le tarif d'importation et les frais de distribution qui, réunis, influent en majeure partie le prix de consommation du sucre, sont restés sensiblement les mêmes durant les trois années qui viennent de s'écouler.
« Cette situation exige indubitablement des remèdes. Je crois que nous pouvons augmenter le revenu de nos fermiers, aider au relèvement économique du Cuba, et accorder des contingentements convenables aux Philippines, aux îles Hawaï, à Porto-Rico, et aux îles Vierges, tout en empêchant une hausse du prix de la consommation.
« Problème difficile qui peut se résoudre si on l'aborde de front et si l'on sacrifie de faibles gains temporaires à l'avantage qui finira par en résulter pour la communauté.
« On peut atteindre très facilement cet objectif si l'on amende la législation actuelle. Il faut amender le texte de la loi de réajustement agricole afin de comprendre la betterave à sucre et la canne parmi les produits agricoles de première nécessité. Il sera alors possible de lever sur le sucre une taxe de première transformation. Les fonds ainsi recueillis serviront à dédommager les fermiers pour la réduction de leurs cultures à la limite prévue par les contingentements. Une taxe de moins d'un demi-cent par livre serait suffisante.
« Cette taxe ne doit pas peser sur les consommateurs. Il rentre déjà dans les attributions du pouvoir exécutif de réduire les tarifs sucriers d'une somme égale à l'impôt. En vue d'assurer le consommateur américain qu'il n'aura pas à supporter une hausse des prix due à cet impôt, le Congrès veillera à ce que le taux de la taxe de première transformation ne dépasse en aucun cas la somme dont on aura réduit les droits actuels d'entrée.
« Un autre amendement à la loi de rajustement agricole devra permettre au Secrétaire à l'Agriculture d'accorder des licences aux raffineurs, importateurs et traiteurs pour vendre et acheter le sucre provenant des différentes exploitations mais seulement dans la proportion où les marchés récents de ces exploitations figurent au regard de la consommation totale des Etats-Unis. La moyenne de ces marchés au cours de ces trois années repose dans l'ensemble sur une base équitable; néanmoins le système de base devrait être suffisamment souple pour qu'il permette de légers ajustements entre certaines exploitations.
« L'emploi de pareille base permettrait approximativement les premiers contingentements suivants à titre temporaire:
Tonnes
Betteraves continentales 1.450.000
Louisiane et Floride 260.000
Hawaï 935.000
Porto Rico 821.000
Iles Philippines 1.037.000
Cuba. 1.944.000
Iles Vierges 5.000
« L'application de ces contingentements permettrait d'écouler tous les stocks des marchés et fixerait pour les besoins du marché des Etats-Unis une base à la réduction de la production.
« En outre, au cours des négociations qui vont être entreprises prochainement pour la conclusion d'un traité cubano-américain destiné à remplacer l'accord commercial actuel, nous considérons avec faveur l'accroissement dans les limites compatibles avec les intérêts des deux pays, des privilèges dont bénéficie le sucre cubain.
« En plus des mesures qu'entraîneront les changements législatifs prévus par ce traité, le Secrétaire de l'Agriculture a déjà le droit de signer des codes et des accords commerciaux avec des manufacturiers qui réaliseraient des économies dans les frais de fabrication et d'écoulement des produits fabriqués. Si l'on conclut des accords ou des codes, ils devront assurer aux producteurs et aux consommateurs une part des économies qui pourraient en résulter. »
Le 9 février, je prononçai devant le Congrès un discours sur le règlement de la Bourse et des échanges de marchandises. Ce discours était conforme au programme du parti démocrate de 1932.
« Dans le message que je vous adressai au mois de mars, et dans lequel je vous proposai de prendre des mesures législatives pour créer le contrôle fédéral du trafic national des valeurs de placement, je déclarai:
« Ce n'est là qu'une première mesure dans notre plan général de protection des épargnants et des déposants. Elle sera suivie d'une législation qui contrôlera d'une manière plus rationnelle l'achat et la vente de toutes les valeurs boursières. »
« Ce Congrès a rendu de grands services en réglementant le mode de placement des établissements financiers et en protégeant l'épargnant dans ses achats de valeurs.
« Il demeure cependant qu'en dehors du domaine du placement légitime, la spéculation pure a séduit par sa trop grande facilité aussi bien les gens qui pourraient se permettre de jouer que les autres.
« Pareille spéculation a gagné le public depuis l'individu qui risquait sa paye ou ses maigres épargnes dans des opérations à terme sur des titres dont il ignorait complètement la vraie valeur, jusqu'à ces syndicats d'individus ou de sociétés pourvus de ressources abondantes — qui, souvent ne leur appartenaient pas — qui s'efforçaient par leurs manoeuvres d'élever ou d'abaisser les cours de la Bourse dans des proportions excessives, manoeuvres qui se traduisaient par des pertes pour l'épargnant moyen à qui, nécessairement, une information personnelle exacte fait défaut.
« Ces opérations boursières sont évidemment d'intérêt national puisque ceux qui en dépendent vivent dans toutes les parties du pays. Ceux qui dirigent ces transactions ont, à la vérité, pris souvent des mesures pour remédier à certains abus patents. Nous devons être certains de la suppression de ces abus, et, pour ce faire, il faut adopter un vaste programme de réglementation nationale.
« J'estime que les transactions de titres et de valeurs sont nécessaires et utiles à notre vie commerciale et agricole. Néanmoins c'est la tâche de notre gouvernement national d'interdire, dans la mesure du possible les transactions purement spéculatives.
« En conséquence, je recommande au Congrès d'appliquer une législation qui autorisera le Gouvernement Fédéral à réglementer les transactions de valeurs et de titres, en vue de protéger les placeurs de titres et de sauvegarder ces valeurs de manière à supprimer, dans la limite du possible, toute spéculation inutile, déraisonnée et destructrice. »
Le 9 février, à la suite des nettes révélations apportées sur les conditions frauduleuses et illégales qui avaient présidé à l'octroi des contrats de la poste aérienne, le directeur général de l'administration des Postes annula les contrats, et le Ministère de la Guerre fut chargé d'effectuer temporairement le service de la poste aérienne.