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4 avril 2007 3 04 /04 /avril /2007 03:36
Solitude

Heureux qui, s’écartant des sentiers d’ici-bas,
À l’ombre du désert allant cacher ses pas,
D’un monde dédaigné secouant la poussière,
Efface, encor vivant, ses traces sur la terre,
Et, dans la solitude enfin enseveli,
Se nourrit d’espérance et s’abreuve d’oubli !
 
Tel que ces esprits purs qui planent dans l’espace,
Tranquille spectateur de cette ombre qui passe,
Des caprices du sort à jamais défendu,
Il suit de l’œil ce char dont il est descendu !...
Il voit les passions, sur une onde incertaine,
De leur souffle orageux enfler la voile humaine.
Mais ces vents inconstants ne troublent plus sa paix ;
Il se repose en Dieu, qui ne change jamais ;
Il aime à contempler ses plus hardis ouvrages,
Ces monts, vainqueurs des vents, de la foudre et des âges,
Où dans leur masse auguste et leur solidité,
Ce Dieu grava sa force et son éternité.
A cette heure où, frappé d’un rayon de l’aurore,
Leur sommet enflammé que l’Orient colore,
Comme un phare céleste allumé dans la nuit,
Jaillit étincelant de l’ombre qui s’enfuit,
Il s’élance, il franchit ces riantes collines
Que le mont jette au loin sur ses larges racines,
Et, porté par degrés jusqu’à ses sombres flancs,
Sous ses pins immortels il s’enfonce à pas lents :
Là, des torrents séchés le lit seul est sa route,
Tantôt les rocs minés sur lui pendent en voûte,
Et tantôt, sur leurs bords tout à coup suspendu,
Il recule étonné ; son regard éperdu
Jouit avec horreur de cet effroi sublime,
Et sous ses pieds, longtemps, voit tournoyer l’abîme !
Il monte, et l’horizon grandit à chaque instant ;
Il monte, et devant lui l’immensité s’étend
Comme sous le regard d’une nouvelle aurore ;
Un monde à chaque pas pour ses yeux semble éclore !
 
Jusqu’au sommet suprême où son œil enchanté
S’empare de l’espace, et plane en liberté.
Ainsi, lorsque notre âme, à sa source envolée,
Quitte enfin pour toujours la terrestre vallée,
Chaque coup de son aile, en l’élevant aux cieux,
Élargit l’horizon qui s’étend sous ses yeux ;
Des mondes sous son vol le mystère s’abaisse,
En découvrant toujours, elle monte sans cesse
Jusqu’aux saintes hauteurs d’où l’œil du séraphin
Sur l’espace infini plonge un regard sans fin.

Alphonse de Lamartine (1790-1869)

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commentaires

D
Seul oui mais pas n'importe où... seul au sommet du monde qu'il contemple comme dépouillé de ses ruptures quotidiennes.Cette solitude des contemplations silencieuse n'est pas un poids.Celle des jours de pluie, collé à sa fenêtre dans une temps gluant qui s'installe ferait pencher la balance.Merci encore pour ce magnifique poème (qui il faut le dire me rappelle le Lac soutenu au bac de français avec bien peu de réussite...mais quelle maturité nous manque à 17 ans ! C'est bien connu "on n'est pas sérieux" !)
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