29 janvier 2007
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Après Leibniz, continuons notre exploration de l'économie physique. Voici quelques extraits de la lettre encyclique "Populorum progressio" de Paul VI, consacrée à l’engagement social de l’Église dans le monde. Publiée en mars 1967, il y est question de développement, de justice et de paix. Point fort: "Le développement est le nouveau nom de la paix". Une piste de réflexion toujours intéressante pour les problèmes d'aujourd'hui.
Populorum progressio - Extraits
Le développement
Le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. Pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme. Comme l’a fort justement souligné un éminent expert : « Nous n’acceptons pas de séparer l'économique de l'humain, le développement des civilisation où il s'inscrit. Ce qui compte pour nous, c'est l'homme, chaque homme, chaque groupement d'hommes, jusqu'à l'humanité tout entière ».
Vocation à la croissance
Dans le dessein de Dieu, chaque homme est appelé à se développer, car toute vie est vocation. Dès la naissance, est donné à tous en germe un ensemble d'aptitudes et de qualités à faire fructifier : leur épanouissement, fruit de l'éducation reçue du milieu et de l'effort personnel, permettra à chacun de s'orienter vers la destinée que lui propose son créateur. Doué d'intelligence et de liberté, il est responsable de sa croissance, comme de son salut. Aidé, parfois gêné par ceux qui l'éduquent et l'entourent, chacun demeure, quelles que soient les influences qui s'exercent sur lui, l'artisan principal de sa réussite ou de son échec : par le seul effort de son intelligence et de sa volonté, chaque homme peut grandir en humanité, valoir plus, être plus.
Devoir personnel...
Cette croissance n'est d'ailleurs pas facultative. Comme la création tout entière est ordonnée à son créateur, la créature spirituelle est tenue d'orienter spontanément sa vie vers Dieu vérité première et souverain bien. Aussi la croissance humaine constitue-t-elle comme un résumé de nos devoirs. Bien plus, cette harmonie de nature enrichie par l'effort personnel et responsable est appelée à un dépassement. Par son insertion dans le Christ vivifiant l'homme accède a un épanouissement nouveau, à un humanisme transcendant, qui lui donne sa plus grande plénitude : telle est la finalité suprême du développement personnel.
...et communautaire
Mais chaque homme est membre de la société; il appartient à l'humanité tout entière. Ce n'est pas seulement tel ou tel homme, mais tous les hommes qui sont appelés à ce développement plénier. Les civilisations naissent, croissent et meurent. Mais, comme les vagues à marée montante pénètrent chacune un peu plus avant sur la grève, ainsi l'humanité avance sur le chemin de l'histoire. Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous, et ne pouvons nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine. La solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir.
La destination universelle des biens
« Emplissez la terre et soumettez-la » : la Bible, dès sa première page, nous enseigne que la création entière est pour l'homme, à charge pour lui d'appliquer son effort intelligent à la mettre en valeur, et, par son travail, la parachever pour ainsi dire à son service.
Si la terre est faite pour fournir à chacun les moyens de sa subsistance et les instruments de son progrès, tout homme a donc le droit d'y trouver ce qui lui est nécessaire. Le récent Concile l'a rappelé : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité . » Tous les autres droits, quels qu'ils soient, y compris ceux de propriété et de libre commerce, y sont subordonnés : ils n'en doivent donc pas entraver, mais bien au contraire faciliter la réalisation, et c'est un devoir social grave et urgent de les ramener à leur finalité première.
L'industrialisation
Nécessaire à l'accroissement économique et au progrès humain, l'introduction de l'industrie est à la fois signe et facteur de développement. Par l'application tenace de son intelligence et de son travail, l'homme arrache peu à peu ses secrets à la nature, tire de ses richesses un meilleur usage. En même temps qu'il discipline ses habitudes, il développe chez lui le goût de la recherche et de l'invention, l'acceptation du risque calculé, l'audace dans l'entreprise, l'initiative généreuse, le sens des responsabilités.
Capitalisme libéral
Mais un système s'est malheureusement édifié sur ces conditions nouvelles de la société, qui considérait le profit comme motif essentiel du progrès économique, la concurrence comme loi suprême de l'économie, la propriété privée des biens de production comme un droit absolu, sans limites ni obligations sociales correspondantes. Ce libéralisme sans frein conduisait à la dictature à bon droit dénoncée par Pie XI comme génératrice de « l'impérialisme international de l'argent ». On ne saurait trop réprouver de tels abus, en rappelant encore une fois solennellement que l'économie est au service de l'homme . Mais s'il est vrai q'un certain capitalisme a été la source de trop de souffrances, d'injustices et de luttes fratricides aux effets encore durables, c'est à tort qu'on attribuerait à l'industrialisation elle-même des maux qui sont dus au néfaste système qui l’accompagnait. Il faut au contraire en toute justice reconnaître l'apport irremplaçable de l'organisation du travail et du progrès industriel à l'œuvre du développement.
Le travail
De même, si parfois peut régner une mystique exagérée du travail, il n'en reste pas moins que celui-ci est voulu et béni de Dieu. Créé à son image, « l'homme doit coopérer avec le créateur à l'achèvement de la création, et marquer à son tour la terre de l'empreinte spirituelle qu'il a lui-même reçue».
Dieu qui a doté l'homme d'intelligence, d'imagination et de sensibilité, lui a donné ainsi le moyen de parachever en quelque sorte son œuvre : qu'il soit artiste ou artisan, entrepreneur, ouvrier ou paysan, tout travailleur est un créateur. Penché sur une matière qui lui résiste, le travailleur lui imprime sa marque, cependant qu'il acquiert ténacité, ingéniosité et esprit d'invention. Bien plus, vécu en commun, dans l'espoir, la souffrance, l'ambition et la joie partagés, le travail unit les volontés, rapproche les esprits, et soude les cœurs: en l'accomplissant, les hommes se découvrent frères.
Le développement est le nouveau nom de la paix
Les disparités économiques, sociales et culturelles trop grandes entre peuples provoquent tensions et discordes, et mettent la paix en péril. Comme nous le disons aux pères conciliaires au retour de notre voyage de paix à l'O.N.U : « La condition des populations en voie de développement doit être l'objet de notre considération, disons mieux, notre charité pour les pauvres qui sont dans le monde - et ils sont légions infinies - doit devenir plus attentive, plus active, plus généreuse ». Combattre la misère et lutter contre l'injustice, c'est promouvoir, avec le mieux-être, le progrès humain et spirituel de tous, et donc le bien commun de l'humanité. La paix ne se réduit pas à une absence de guerre, fruit de l'équilibre toujours précaire des forces. Elle se construit jour après jour, dans la pour suite d'un ordre voulu de Dieu, qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes.
Tous Solidaires
Dans ce cheminement, Nous sommes tous solidaires. A tous, Nous avons voulu rappeler l’ampleur du drame et l’urgence de l’œuvre à accomplir. L’heure de l’action a maintenant sonné: la survie de tant d’enfants innocents, l’accès à une condition humaine de tant de familles malheureuses, la paix dans le monde, l’avenir de la civilisation sont en jeu. A tous les hommes et à tous les peuples de prendre leurs responsabilités.