14 octobre 2006
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Ce magnifique tableau, "Saint Barthélemy", a été peint par Rembrandt en 1661, vers la fin de sa vie (1606-1669). La vie de Rembrandt n'était pas facile à cette époque: soucis financiers considérables, décès de ses proches, etc. C'est une donnée importante pour mieux comprendre ses tableaux, son approche de la vie et de la mort. Rembrandt s'interroge sur le sens de la vie, sur l'immortalité, sur l'art, sur la religion et sur l'âme. Il va peindre ses plus beaux tableaux, les plus "simples" et les plus touchants.
Mais revenons à ce saint-Barthélemy. Qui était cet homme?
Barthélemy fut, selon la bible, l'un des douze apôtres. Il évangélisa l'Inde et l'Arménie, où il brisa les idoles païennes et fut martyrisé par le roi Astyage, qui le fit écorcher vif. La tradition l'identifie généralement au Nathanaël cité dans l'Évangile selon Jean, pour son association étroite avec l'apôtre Philippe.
Avant de continuer, regardons comment d'autres peintres ont abordé ce même sujet:
Valentin de boulogne
Michel-Ange
De Ribera
Tiepolo
De Ribera
Tiepolo
Ce qui frappe tout de suite dans le tableau de Rembrandt, c'est sa modernité et son intemporalité. Avec de tels habits, il est en effet difficile d'imaginer ce saint vivant au 1er siècle! Ce qui me semble magnifique, c'est que le tableau de Rembrandt nous "parle" et "parlera" encore dans 2000 ans. Il a choisi de ne pas peindre simplement une histoire de martyre, à un moment précis, comme les autres artistes (mon intention n'est pas de juger les autres artistes, mais d'évoquer le génie de Rembrandt et sa façon de traiter un sujet assez "classique").
A travers le regard pensif de ce vieil homme qui va mourir, Rembrandt nous interroge sur la mort, sur le sens de la vie et sur le sacrifice. Cela donne une dimension supérieure au tableau, une dimension universelle et intemporelle. Ce paradoxe (l'anachronisme apparent du tableau) nous amène à chercher une solution au-delà de la vision classique du martyre de saint Barthélemy.
Mais Rembrandt veut encore nous surprendre: Il nous montre le saint avant sa mort. Il est assis, une lumière crue lui éclaire le visage, ses mains sont vieilles, ses habits sont simples. Un couteau dans la main droite de Barthélemy symbolise sa mort prochaine (il sera écorché vif). Là encore, Rembrandt introduit une dimension supérieure: pourquoi nous représenter le saint avant son martyre? Quelle drôle d'idée!
Regardons un peu mieux saint Barthélemy: que fait-il?
Il pense, la main gauche sous le menton, et il nous regarde. A t'il peur? Doute t'il? Est-il prêt à mourir? Est-il serein? Autant de questions que Rembrandt nous pose...et que nous tentons de résoudre.
La force de ce tableau, sa "silencieuse puissance", c'est le "dialogue intime" qui s'établit entre Barthélemy et le spectateur. Rembrandt, se sentant vieillir, va à l'essentiel. L'apôtre, mort pour des idées, nous amène à réfléchir sur le sens de la vie et de l'engagement. Rembrandt pousse loin la réflexion, avec beaucoup de profondeur et d'humanité. Il nous hisse vers le haut et le beau. C'est le peintre de l'âme.