20 juin 2006
2
20
/06
/juin
/2006
12:41
Voici l'extrait d'un magnifique discours prononcé par Jaurès devant des lycéens de Toulouse, le 31 juillet 1892.
Sa phrase finale a fait l'objet ce jour là "d'interminables ovations". Hollande, Royal, Sarkozy et les autres semblent bien petits face à cet idéaliste.
Sa phrase finale a fait l'objet ce jour là "d'interminables ovations". Hollande, Royal, Sarkozy et les autres semblent bien petits face à cet idéaliste.
Développer en soi la puissance de l'âme
(...) Il faut que vous appreniez à dire "moi", non par les témérités de l'indiscipline ou de l'orgueil, mais par la force de la vie intérieure. Il faut que, par un surcroît d'efforts et par l'exaltation de toutes vos passions nobles, vous amassiez en votre âme des trésors inviolables. Il faut que vous vous arrachiez parfois à tous les soucis extérieurs, à toutes les nécessités extérieures, aux examens de métier, à la société elle-même, pour retrouver en profondeur la pleine solitude et la pleine liberté: il faut que vous lisiez les belles pages des grands écrivains et les beaux vers des grands poètes, que vous vous pénétriez à fond et de leur inspiration et du détail même de leur mécanisme; qu'ainsi leur beauté entre en vous par tous les sens et s'établisse dans toutes vos facultés; que leur musique divine soit en vous, qu'elle soit vous-mêmes; qu'elle se confonde avec les pulsations les plus larges et les vibrations les plus délicates de votre être, et qu'à travers la société quelle qu'elle soit, vous portiez toujours en vous l'accompagnement sublime des chants immortels.
Il faut, lorsque vous étudiez les propriétés du cercle, de la sphère et des sections coniques, que vous vous sentiez frère par l'esprit d'Euclide et d'Archimède et que, comme eux, vous voyiez avec ravissement se développer le monde idéal des figures et des proportions dont les harmonies enchanteresses se retrouvent ensuite dans le monde réel. Il faut, lorsque vous étudiez en physiciens, par l'observation et le calcul, la subtilité et la complexité mobile des forces, que vous sentiez le prestige de l'univers, relativement stable et toujours mouvant, tremblotant et éternel, et que votre conception positive des choses s'élargisse dans le mystère et dans le rêve comme ces horizons des soirs d'été où la lumière s'éteint, où l'éclair s'allume et où l'oeil croit démêler les subtiles mutations des forces dans l'infini mystérieux.
Alors, jeunes gens, vous aurez développé en vous la seule puissance qui ne passera pas, la puissance de l'âme; alors vous serez haussés au-dessus de toutes les nécessités, de toutes les fatalités et de la société elle-même, en ce qu'elle aura toujours de matériel et de brutal. Alors, dans les institutions extérieures, en quelque manière que l'avenir les transforme, vous ferez passer la liberté et la fierté de vos âmes. Et de quelque façon qu'elle soit aménagée, vous ferez jaillir dans la vieille forêt humaine, l'immortelle fraîcheur des sources.