9 juin 2006
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"Un réveil d'enfants, c'est une ouverture de fleurs; il semble qu'un parfum sorte de ces fraîches âmes (...) Ce qu'un oiseau chante, un enfant le jase. C'est le même hymne. Hymne indistinct, balbutié, profond. L'enfant a de plus que l'oiseau la sombre destinée humaine devant lui. De là la tristesse des hommes qui écoutent, mêlée à la joie du petit qui chante. Le cantique le plus sublime qu'on puisse entendre sur terre, c'est le bégaiement de l'âme humaine sur les lèvres de l'enfance. Ce chuchotement confus d'une pensée qui n'est encore qu'un instinct contient on ne sait quel appel inconscient à la justice éternelle; peut-être est-ce une protestation sur le seuil avant d'entrer; protestation humble et poignante; cette ignorance souriant à l'infini compromet toute la création dans le sort qui sera fait à l'être faible et désarmé. Le malheur, s'il arrive, sera un abus de confiance.
Le murmure de l'enfant, c'est plus et moins que la parole; ce ne sont pas des notes, et c'est un chant; ce ne sont pas des syllabes, et c'est un langage; ce murmure a eu son commencement dans le ciel et n'aura pas de fin sur terre; il est d'avant la naissance, et il continue; c'est une suite. Ce bégaiement se compose de ce que l'enfant disait quand il était ange et de ce qu'il dira quand il sera homme; le berceau a un Hier, de même que la tombe a un Demain; ce demain et cet hier amalgament dans ce gazouillement obscur leur double inconnu; et rien ne prouve Dieu, l'éternité, la responsabilité, la dualité du destin, comme cette ombre formidable dans cette âme rose".