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11 décembre 2004 6 11 /12 /décembre /2004 00:20

Vattel-tome-II.jpgCHAPITRE XVI

De diverses Conventions, qui se font dans le cours de la Guerre.

 

§.233     De la Trève & de la Suspension d'armes

            La Guerre deviendroit trop cruelle & trop funeste, si tout commerce étoit absolument rompu entre Ennemis.   Il reste encore, suivant la remarque de GROTIUS (a(a) Liv.III Chap.XXI §.I), des Commerce de Guerre, comme VIRGILE (b(b) …..Belli Commercia Turnus sustulit ista prior …..   AEneïd.X) & TACITE (c(c) AnnaL. Lib.XIV cap.XXXIII) les appellent.   Les occurrences, les événemens de la Guerre obligent les Ennemis à faire entre-eux diverses Conventions.   Comme nous avons traité en général de la Foi qui doit être gardée entre ennemis, nous sommes dispensés de prouver ici l’obligation de remplir avec fidélité ces Conventions, faites pendant la Guerre : il nous reste à en expliquer la nature : on convient quelquefois de suspendre les hostilités pour un certain tems : Si cette Convention est faite seulement pour un terme fort court, & pour quelque lieu en particulier, on l’appelle Cessation ou Suspension d'armes.   Telles sont celles qui se font pour enterrer les morts, après un assaut, ou après un combat, & pour un pourparler, pour une Conférence entre les Chefs ennemis.   Si l’Accord est pour un tems plus considérable, & sur-tout s'il est général, on l’appelle plus particulièrement du nom de Trève.   Plusieurs se servent indifféremment de l’une ou de l’autre de ces expressions.

 

§.234     Elle ne finit point la Guerre

            La Trève, ou la Suspension d'armes ne termine point la Guerre ; elle en suspend seulement les actes.

 

§.235     La Trève en particulière, ou universelle

            La Trève est particulière, ou universelle.   Dans la prémière, les hostilités cessent seulement en certains lieux, comme entre une Place & l’Armée qui en fait le siége.   La séconde les fait cesser généralement & en tous lieux, entre les deux Puissances qui sont en Guerre.   On pourroit encore distinguer des Trèves particulières, par rapport aux actes d'hostilité, ou aux personnes ; c’est-à-dire que l’on peut convenir de s'abstenir, pour un tems, de certaine espèce d'hostilités, ou que deux Corps d'Armée peuvent arrêter entre-eux une Trève ou Suspension d'armes, sans rapport à aucun lieu.

 

§.236     Trève générale & à longues années

            Quand une Trève générale est à longues années, elle ne diffère guéres de la paix, sinon en ce qu'elle laisse indécise la question qui fait le sujet de la Guerre.   Lorsque deux Nations sont lasses de la Guerre, sans pouvoir convenir sur ce qui forme leurs différends, elles ont recours à cette espèce d'Accord.   C’est ainsi qu'il ne s’est fait communément, au lieu de Paix, que des Trèves à longues années, entre les Chrétiens & les Turcs.   Tantôt par un faux esprit de Religion, tantôt parceque ni les uns ni les autres n'ont voulu se reconnoître réciproquement pour maîtres légitimes de leurs Possessions respectives.

 

§.237     Par qui ces Accords peuvent être conclus

            Pour qu'un Accord soit valide, il faut qu'il soit fait avec un pouvoir suffisant.   Tout ce qui se fait à la Guerre est fait en l’autorité de la Puissance Souveraine, qui seule a le droit & d'entreprendre la Guerre & d'en diriger les opérations (§.4).   Mais il est impossible qu’elle exécute tout par elle-même ; il faut nécessairement qu'elle communique une partie de son Pouvoir à ses Ministres & Officiers.   Il s'agit de sçavoir quelles sont les choses, dont le Souverain se réserve la disposition, & quelles on présume naturellement qu'il confie aux Ministres de ses volontés, aux Généraux & autres Officiers à la Guerre.   Nous avons établi & expliqué ci-dessus (Liv.II, §.207) le Principe, qui doit servir ici de règle générale.   S’il n’y a point de Mandement spécial du Souverain, celui qui commande en son nom est censé revêtu de tous les Pouvoirs nécessaires pour l’exercice raisonnable & salutaire de ses fonctions, pour tout ce qui est une suite naturelle de sa Commission ; le reste est réservé au Souverain, qu’on ne présume point avoir communiqué de son pouvoir, au-delà de ce qui est nécessaire pour le bien des affaires.   Suivant cette règle, la Trève générale ne peut être concluë & arrêtée que par le Souverain lui-même ou par celui à qui il en a expressément donné le pouvoir.   Car il n’est point nécessaire, pour le succés des opérations, qu'un Général soit revêtu d'une Autorité si étenduë.   Elle passeroit les termes de ses fonctions, qui sont, de diriger les opérations de la Guerre, là où il commande, & non de régler les intérêts généraux de l’Etat.   La conclusion d'une Trève générale est une chose si importante, que le Souverain est toûjours censé se l’être réservée.   Un pouvoir si étendu ne convient qu'au Gouverneur, ou Viceroi d'un pays éloigné, pour les Etats qu'il gouverne ; encore, si la Trève est à longues années, est-il naturel de présumer qu’elle a besoin de la ratification du Souverain.   Les Consuls & autres Généraux Romains pouvoient accorder des Trèves générales, pour le tems de leur Commandement ; mais si ce tems étoit considérable, ou s'ils étendoient la Trève plus loin, la ratification du Sénat & du Peuple y étoit nécessaire.   Une Trève même particuliére, mais pour un long-tems, semble encore passer le pouvoir ordinaire d'un Général, & il ne peut la conclure que sous réserve de la ratification.

 

            Mais pour ce qui est des Trèves particulières, pour un terme court ; il est souvent nécessaire, & presque toûjours convenable, que le Général ait le pouvoir de les conclure : Nécessaire, toutes les fois qu’on ne peut attendre le consentement du Prince ; convenable, dans les occasions où la Trève ne tend qu'à épargner le sang, & ne peut tourner qu'au commun avantage des Contractans.   On présume donc naturellement que le Général, ou le Commandant en chef, est revêtu de ce pouvoir.   Ainsi le Gouverneur d'une Place & le Général assiégeant peuvent arrêter des Cessations d'armes, pour enterrer les morts, pour entrer en pourparler ; ils peuvent même convenir d'une Trève de quelques mois, à condition que la Place se rendra, si elle n’est pas sécouruë dans ce terme &c.   De pareilles Conventions ne tendent qu'à adoucir les maux de la Guerre, & ne peuvent probablement Causer de préjudice à personne.

 

§.238     Ils engagent la foi du Souverain

            Toutes ces Trèves & Suspensions d'armes se concluent par l’Autorité du Souverain qui consent aux unes immédiatement, & aux autres par le ministére de ses Généraux & officiers ; elles engagent sa foi, & il doit veiller à leur observation.

 

§.239     Quand la Trève commence à obliger

            La Trève oblige les parties contractantes, dès le moment qu'elle est concluë.   Mais elle ne peut avoir force de Loi, à l’égard des sujets de part & d'autre, que quand elle a été solemnellement publiée : Et comme une Loi inconnuë ne sçauroit imposer d'obligation, la Trève ne lie les sujets, qu'à mesure qu'elle leur est dûement notifiée.   De sorte que, si, avant qu’ils ayent pû en avoir une connoissance certaine, ils commettent quelque chose de contraire, quelque hostilité ; on ne peut les en punir.   Mais comme le Souverain doit remplir ses promesses, il est obligé de faire restituer les prises, faites depuis le moment où la Trève a dû commencer.   Les Sujets qui ne l’ont pas observée, faute de la connaître, ne sont tenus à aucun dédommagement, non plus que leur Souverain, qui n'a pû la leur notifier plus tôt : C’est un accident, où il n’y a ni de sa faute, ni de la leur.   Un Vaisseau se trouvant en pleine mer, lors de la publication d'une Trève, rencontre un Vaisseau ennemi, & le coule à fond : Comme il n’est coupable de rien, il ne peut être tenu du dommage.   S’il a pris ce Vaisseau, il est seulement obligé à le rendre ; ne pouvant le retenir contre la Trève.   Mais ceux qui, par leur faute, ignoreroient la publication de la Trève, seroient tenus à réparer le dommage, qu’ils auroient causé contre sa teneur.   La faute simple, & sur-tout la faute légère, peut bien éviter jusqu'à un certain point la punition, & certainement elle ne mérite pas la même peine que le dol ; mais elle ne dispense point de la réparation du dommage.   Afin d'éviter autant qu'il se peut toute difficulté, les Souverains ont coûtume, dans les Trèves, comme dans les Traités de Paix, de fixer des termes différens, suivant la situation & la distance des lieux, pour la cessation des hostilités.

 

§.240     Publication de la Trève

            Puisque la Trève ne peut obliger les sujets, si elle ne leur est connuë ; elle doit être solemnellement publiée, dans tous les lieux, où l’on veut qu'elle soit observée.

 

§.241     Des actions des sujets contre la Trève

            Si des sujets, gens de Guerre, ou simples particuliers, donnent atteinte à la Trève, la foi publique n’est point violée, ni la Trève rompuë pour cela.   Mais les coupables doivent être contraints à la réparation complette du dommage, & punis sévérement.   Le Souverain, refusant de faire justice sur les plaintes de l’offensé, prendroit part lui-même à la faute, & violeroit la Trève.

 

§.242     Violation de la Trève

            Or si l’un des Contractans, ou quelqu'un par son ordre, ou seulement avec son consentement, vient à commettre quelque acte contraire à la Trève ; il fait injure à l’autre partie contractante ; la Trève est rompue, & la partie lésée peut courrir incessamment aux armes ; non-seulement pour reprendre les opérations de la Guerre, mais encore pour venger la nouvelle injure qu'elle vient de recevoir.

 

§.243     Du cas où l’on est convenu d'une peine pour l’infracteur

            Cependant on convient quelquefois d'une peine, que subira l’infracteur de la Trève ; & alors la Trève n’est pas rompuë tout de suite, à la prémière infraction.   Si la partie coupable se soumet à la peine & répare le dommage ; la Trève subsiste : l’offensé n'a rien à prétendre de plus.   Que si l’on est convenu d'une alternative, sçavoir, qu'en cas d'infraction, le coupable subira une certaine peine, ou que la Trève sera rompuë ; c’est à la partie lésée de choisir, si elle veut exiger la peine, ou profitter du droit de reprendre les armes.   Car si l’infracteur avoit le choix, la stipulation de l’alternative seroit vaine ; puisqu'en refusant de subir la peine, stipulée simplement, il romproit l’Accord & donneroit par-là à l’offensé le droit de reprendre les armes.   D'ailleurs, dans des Clauses de sûreté, comme celle-là, on ne présume point que l’alternative soit mise en faveur de celui qui manque à ses engagemens ; & il seroit même ridicule de supposer, qu'il se réserve l’avantage de rompre, par son infraction, plutôt que de subir la peine ; il n'a qu'à rompre tout simplement.   La Clause pénale n'est destinée qu'à éviter que la Trève ne soit rompuë si facilement ; & elle ne peut être mise avec l’alternative, que pour ménager à la partie lésée le droit de rompre, si elle le juge à propos, un Accord, où la conduite de son Ennemi lui montre peu de sûreté.

 

§.244     Du tems de la Trève

            Il est nécessaire de bien déterminer le tems de la Trève, afin qu'il n'y ait ni doute, ni contestation, sur le moment où elle commence & celui où elle finit.   La langue Françoise, extrêmement claire & précise, pour qui sçait la parler, offre des expressions à l’épreuve de la chicane la plus raffinée.   Avec les mots inclusivement & exclusivement, on évite toute l’ambiguïté, qui peut se trouver dans la Convention, à l’égard des deux termes de la Trève, de son commencement & de sa fin.   Par exemple, si l'on dit, que la Trève durera depuis le 1er de Mars inclusivement, jusqu’au 15 d’Avril, aussi inclusivement, il ne reste aucun doute : au lieu que si l’on eût dit simplement, du 1er Mars au 15 d'Avril, il y auroit lieu de disputer, si ces deux jours, qui servent de termes, sont compris ou non dans la Trève : Et en effet, les Auteurs se partagent sur cette question.   A l’égard du prémier de ces deux jours, il paroit indubitable qu'il est compris dans la Trève ; car si l’on convient qu'il y aura Trève depuis le 1er de Mars cela veut dire naturellement, que les hostilités cesseront le 1er de Mars.   Il y a un peu plus de doute à l’égard du dernier jour, l’expression jusques semblant le séparer du tems de l’Armistice Cependant, comme on dit souvent, jusques & compris un tel jour, le mot jusques n’est pas nécessairement exclusif, suivant le génie de la Langue : Et comme la Trève, qui épargne le sang humain, est sans-doute une matière favorable, le plus sûr est peut-être d'y comprendre le jour même du terme.   Les circonstances peuvent aussi servir à déterminer le sens.   Mais on a grand tort de ne pas ôter toute équivoque, quand il n'en coûte pour cela, qu'un mot de plus.

 

            Le mot de jour doit s'entendre d'un jour naturel, dans les Conventions de Nation à Nation ; car c’est en ce sens que le jour leur sert de commune mesure ; la maniére de compter par jours civils, vient du Droit Civil de chaque Peuple, & varie selon les pays.   Le jour naturel commence au lever du Soleil, & sa durée est de vingt-quatre heures, ou d'une révolution diurne du SoleiL.Si donc l’on convient d'une Trève de cent jours, à commencer au premier de Mars ; la Trève commence au lever du Soleil le 1er de Mars, & elle doit durer cent jours de vingt-quatre heures chacun.   Mais comme le Soleil ne se lève pas toute l’année à la même heure ; pour ne pas donner dans la minutie, & dans une chicane, indigne de la bonne-foi, qui doit régner dans ces sortes de Conventions, il faut sans-doute entendre, que la Trève finit au lever du Soleil, comme elle a commencé.   Le terme d'un jour s'entend d'un Soleil à l’autre, sans chicaner sur quelques momens, dont son lever avance, ou retarde.   Celui qui, ayant fait une Trève de cent jours à commencer au 21 de Juin, où le Soleil se lève environ à 4 heures, prendroit les armes à cette même heure, le jour que la Trève doit finir, & surprendroit son Ennemi, avant le lever du Soleil ; cet homme sans-doute seroit regardé comme un chicaneur sans foi.

 

            Si l’on n'a point marqué de terme pour le commencement de la Trève ; comme elle oblige les Contractans aussi-tôt qu'elle est concluë (§.239), ils doivent la faire incessamment publier, pour qu'elle soit observée.   Car elle n'oblige les sujets que du moment qu'elle est dûement publiée rélativément à eux (ibid) : Et elle ne commence à courrir que du moment de la prémière publication ; à moins qu’on ne soit autrement convenu.

 

§.245     Des effets de la Trève, de ce qui est permis, ou non, pendant sa durée. 1ère Règle : Chacun peut faire chez-soi ce qu’il a droit de faire en pleine paix

            L’effet général de la Trève est de faire cesser absolument toute hostilité ; & pour éviter toute dispute sur les actes qui méritent ce nom, la Règle générale est : Que chacun, pendant la Trève, peut faire chez soi, dans les lieux dont il est maître, tout ce qu'il seroit en droit de faire en pleine paix.

 

            Ainsi la Trève n'empêche point qu'un Prince ne puisse lever des soldats, assembler une Armée dans ses Etats, y faire marcher des Troupes, y appeller même des Auxiliaires, réparer les fortifications d'une Place, qui n’est point actuellement assiégée.   Puisqu’il est en droit de faire toutes ces choses chez lui, en tems de Paix ; la Trève ne peut lui en ôter la liberté.   Auroit-il prétendu, par cet Accord, se lier les mains sur des choses, que la continuation des hostilités ne pouvoit l’empêcher de faire?

 

§.246     2ème Règle : on ne peut profiter de la Trève, pour faire ce que les hostilités ne laissoient pas le pouvoir d'éxécuter

            Mais profitter de la Cessation d'armes, pour éxécuter   

             sans péril, des choses, qui portent préjudice à l’Ennemi, & que l’on n'auroit pû entreprendre avec sûreté, au milieu des hostilités, c’est vouloir surprendre & tromper l’Ennemi avec qui l’on contracte ; c’est rompre la Trève.   Cette 2ème Règle générale nous servira à résoudre divers cas particuliers.

 

§.247     Par exemple, continuer les travaux d'un siège, ou réparer les brèches

            La Trève concluë entre le Gouverneur d'une Place & le Général qui l’assiége, ôte à l’un & à l’autre la liberté de continuer les travaux.   Cela est manifeste pour le dernier ; car ses travaux sont des actes d'hostilité.   Mais le Gouverneur, de son côté, ne peut profitter de la suspension d'armes, pour réparer les brêches, où pour élever de nouvelles fortifications.   L’Artillerie des Assiégeans ne lui permet point de travailler impunément à de pareils ouvrages, pendant le cours des hostilités ; ce seroit donc au préjudice de ceux-ci qu'il y employeroit le tems de la Trève : & ils ne sont pas obligés d'être dupes à ce point : Ils regarderont avec raison l’entreprise, comme une infraction à la Trève.   Mais la Cessation d'armes n'empêche point le Gouverneur de continuer, dans l’intérieur de sa Place, des travaux, auxquels les attaques & le feu de l’Ennemi n’étoient pas un obstacle.   Au dernier siège de Tournay, on convint d'un Armistice, après la reddition de la Ville ; & pendant sa durée, le Gouverneur souffrit que les François fissent toutes leurs dispositions contre la Citadelle, qu’ils poussassent leurs travaux, dressassent leurs batteries ; parce que, de son côté, il débarrassoit l’intérieur, des décombres dont un Magasin sauté en l’air l’avoit rempli, & établissoit des batteries sur les remparts.   Mais il pouvoit travailler presque sans danger à tout cela, quand même les opérations du siège auroient commencé ; au lieu que les François n'eussent pû pousser leurs travaux avec tant de diligence, ni faire leurs approches & établir leurs batteries, sans perdre beaucoup de monde.   Il n'y avoit donc nulle égalité, & la Trève ne tournoit, sur ce pied-là, qu'au seul avantage des Assiégeans.   La prise de la Citadelle en fut avancée, peut-être, de quinze jours.

 

§.248     Ou faire entrer du sécours

            Si la Trève est concluë, ou pour régler les Conditions de la Capitulation, ou pour attendre les ordres des Souverains respectifs ; le Gouverneur assiégé ne peut en profitter, pour faire entrer du sécours, ou des munitions dans sa Place ; car ce seroit abuser de la Trève, pour surprendre l’Ennemi : ce qui est contraire à la bonne-foi.   L’esprit d'un pareil Accord est manifestement, que toutes choses doivent demeurer en état, comme elles sont au moment qu’on le conclut.

 

§.249     Distinction d'un cas particulier

            Mais il ne faut point étendre ceci à une Cessation d'armes, convenuë pour quelque sujet particulier, pour enterrer les morts, par exemple.   Celle-ci s’interpréte rélativement à son objet.   Ainsi on cesse de tirer, ou par-tout, ou seulement à une attaque, suivant que l’on en est convenu, afin que chaque parti puisse librement retirer ses morts ; & tandis que le feu cesse, il n'est pas permis de pousser des travaux, auxquels il s'opposoit ; ce seroit rompre la Trève, voulant en abuser.   Mais rien n'empêche que pendant une suspension d'armes de cette nature, le Gouverneur ne fasse entrer sans bruit quelque sécours, par un endroit éloigné de l’attaque.   Tant pis pour l’Assiégeant, si s'endormant sur un pareil Armistice, il a relâché de sa vigilance.   L’Armistice, par lui-même, ne facilite point l’entrée de ce sécours.

 

§.250     D'une Armée, qui se retire pendant une suspension d'armes

            De même, si une Armée, engagée dans un mauvais pas, propose & conclut un Armistice, pour enterrer les morts après un Combat, elle ne pourra, pendant la suspension d'armes, sortir de ses défilés à la vuë de l’Ennemi, & se retirer impunément.   Ce seroit vouloir profiter de l’Accord, pour exécuter ce qu'elle n'eût pû faire sans cela : Elle auroit tendu un piége ; & les Conventions ne peuvent être des piéges.   L’Ennemi la repoussera donc avec justice, dès qu'elle voudra sortir de son poste.   Mais si cette Armée défile sans bruit par ses derrières, & se met en lieu de sûreté ; elle n'aura rien fait contre la parole donnée.   Une Suspension d'armes, pour enterrer les morts, n'emporte autre chose sinon, que de part & d'autre, on ne s'attaquera point pendant que l’on vaquera à ce devoir d'humanité.   L’Ennemi ne pourra s'en prendre qu'à sa propre négligence : il devoit stipuler que, pendant la cessation d'armes, chacun demeureroit dans son poste : Ou bien, il devoit faire bonne garde, & s'appercevant du dessein de cette Armée, il lui étoit permis de s'y opposer.   C’est un stratagême fort innocent, que de proposer une Cessation d'armes pour un objet particulier, dans la vuë d'endormir l’Ennemi, & de couvrir un dessein de retraite.

 

            Mais si la Trève n’est pas faite seulement pour quelque objet particulier ; c’est mauvaise-foi que d'en profiter pour prendre quelque avantage, par exemple, pour occuper un poste important, pour s'avancer dans le pays ennemi.   Ou plûtôt cette dernière démarche seroit une violation de la Trève ; car avancer dans le pays ennemi, est un acte d’hostilité.

 

§.251     3ème Règle : Ne rien entreprendre dans les lieux disputés, mais y laisser toutes choses en état

            Or puisque la Trève suspend les hostilités sans mettre fin à la Guerre ; pendant sa durée, il faut laisser toutes choses en état, comme elles se trouvent, dans les lieux dont la possession est disputée, & il n’est pas permis d'y rien entreprendre, au préjudice de l’Ennemi.   C’est une 3ème Régle générale.

 

§.252     Des lieux abandonnés par l’ennemi, & de ceux qu'il néglige de garder

            Lorsque l’Ennemi retire ses Troupes d'un lieu, & l’abandonne absolument, c’est une marque qu'il ne veut plus le posséder ; & en ce cas, rien n'empêche qu’on ne puisse occuper ce lieu-là, pendant la Trève.   Mais s'il paroît par quelque indice, qu'un poste, une Ville ouverte, ou un Village n’est point abandonné par l’Ennemi, qu'il y conserve ses droits, ou ses prétentions, quoiqu'il néglige de le garder ; la Trève ne permet point de s'en emparer.   C’est une hostilité que d'enlever à l’Ennemi, ce qu'il prétend retenir.

 

§.253     On ne peut recevoir, pendant la Trève, les sujets qui veulent se révolter contre leur prince

            C’est de même une hostilité, sans-doute, que de recevoir les Villes, ou les Provinces, qui veulent se soustraire à l’empire d'un Ennemi, & se donner à nous.   On ne peut donc les recevoir pendant la Trève, qui suspend tous les actes d’hostilité.

 

§.254     Bien moins les inviter à la trahison

            Bien moins est-il permis, dans ce tems-là, d'exciter les sujets de l’Ennemi à la révolte, ou de tenter la fidélité de ses Gouverneurs & de ses Garnisons.   Ce sont-là, non-seulement des actes d'hostilité, mais des hostilités odieuses (§.180) Pour ce qui est des déserteurs & des Transfuges, on peut les recevoir pendant la Trève, puisqu’on les reçoit même en pleine Paix, quand on n'a point de Traité qui le défende.   Et si l’on avoit un pareil Traité, l’effet en est annullé, ou au moins suspendu, par la Guerre., qui est survenuë.

 

§.255     On ne peut saisir, pendant la Trève, les personnes ou les biens des ennemis

            Saisir les personnes, ou les choses, qui appartiennent à l’Ennemi, sans qu’on y ait donné lieu par quelque faute particulière, est un acte d'hostilité ; & par conséquent il ne peut se faire pendant la Trève.

 

§.256     Du Droit de Postliminie pendant la Trève

            Et Puisque le Droit de Postliminie n’est fondé que sur l’état de Guerre (voyez le Chap.XIV de ce Livre) ; il ne peut s'exercer pendant la Trève, qui suspend tous les actes Du Droit de la Guerre, & qui laisse toutes choses en état (§.251).   Les Prisonniers mêmes ne peuvent alors se soustraire au pouvoir de l’Ennemi, pour être rétablis dans leur prémier état.   Car l’Ennemi est en droit de les retenir pendant la Guerre ; & c’est seulement quand elle finit, que son droit sur leur Liberté expire (§.148).

 

§.257     On peut aller & venir pendant la Trève

            Naturellement il est permis aux Ennemis d'aller & de venir, les uns chez les autres, pendant la Trève, sur-tout si elle est faite pour un tems considérable, tout comme cela est permis en tems de paix ; puisque les hostilités sont suspenduës.   Mais il est libre à chaque Souverain, comme il le lui seroit aussi en pleine paix, de prendre des précautions, pour empêcher que ces allées & venuës ne lui soient préjudiciables.   Des gens, avec qui il va bientôt rentrer en Guerre, lui sont suspects à juste titre.   Il peut même, en faisant la Trève, déclarer qu'il n'admettra aucun des ennemis dans les lieux de son obéissance.

 

§.258     De ceux qui sont retenus par un obstacle invincible, après l’expiration de la Trève

            Ceux qui étant venus dans les terres de l’Ennemi pendant la Trève, y sont retenus par une maladie, ou par quelque autre obstacle insurmontable & s'y trouvent encore à la fin de la Trève, peuvent, à rigueur, être faits prisonniers.   C’est un accident, qu’ils pouvoient prévoir, & auquel ils ont bien voulu s'exposer.   Mais l’humanité & la générosité demandent, pour l’ordinaire, qu’on leur donne un délai suffisant pour se retirer.

 

§.259     Des conditions particulières ajoûtées aux Trèves

            Si dans le Traité d'une Trève, on retranche, ou on ajoûte à tout ce qui vient d'être dit ; c’est une Convention particulière, qui oblige les Contractans.   Ils doivent tenir ce qu’ils ont validement promis ; & les obligations qui en résultent forment un Droit pactice, dont le détail n'entre point dans le Plan de cet Ouvrage.

 

§.260     A l’expiration de la Trève, la Guerre recommence, sans nouvelle déclaration

            La Trève ne faisant que suspendre les effets de la Guerre (§.233) ; au moment qu'elle expire, les hostilités commencent, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle Déclaration de Guerre.   Car chacun sçait d'avance, que dès ce moment, la Guerre reprendra son cours ; & les raisons qui en rendent la Déclaration nécessaire (voyez le §.51) n'ont point de lieu ici.         

             

 

            Cependant, une Trève à longues années ressemble fort à la Paix ; & elle en diffère seulement en ce qu'elle laisse subsister le sujet de la Guerre.   Or comme il peut arriver que les circonstances & les dispositions ayent fort changé de part & d'autre, dans un long espace de tems ; il est tout-à-fait convenable à l’amour de la paix, qui sied si bien aux Souverains, au soin qu’ils doivent prendre d'épargner le sang de leurs sujets, & même celui des ennemis ; il est, dis-je, tout-à-fait convenable à ces dispositions, de ne point reprendre les armes, à la fin d'une Trève, qui en avoit fait disparoître & oublier tout l’appareil, sans faire quelque Déclaration, qui puisse inviter l’Ennemi à prévenir une nouvelle effusion de sang.   Les Romains ont donné l’exemple d'une modération si loüable.   Ils n'avoient fait qu'une Trève avec la Ville de Veïes, & même leurs ennemis n'en avoient pas attendu la fin, pour recommencer les hostilités : Cependant, la Trève expirée, il fut décidé par le Collège des Féciaux, qu'on enverroit demander satisfaction avant que de reprendre les armes (a(a) TIT. LIV. Lib.IV cap.XXX).

 

§.261     Des Capitulations, & par qui elles peuvent être concluës

            Les Capitulations des Places qui se rendent, tiennent un des prémiers rangs parmi les Conventions qui se font entre ennemis, dans le cours de la Guerre.   Elles sont arrêtées d'ordinaire entre le Général assiégeant & le Gouverneur de la Place, agissans l’un & l’autre par l’autorité qui est attribuée à leur Charge ou à leur Commission.   Nous avons exposé ailleurs.   (Liv.II Chap.XIV) les principes du pouvoir qui est confié aux Puissances subalternes, avec les Régles générales pour en juger ; & tout cela vient d'être rappellé en peu de mots, & appliqué en particulier aux Généraux & autres Commandans en chef dans la Guerre (§.237).   Puisqu’un Général & un Commandant de Place doivent être naturellement revêtus de tous les Pouvoirs nécessaires pour l’exercice de leurs fonctions ; on est en droit de présumer qu’ils ont ces Pouvoirs ; & celui de conclure une Capitulation est certainement de ce nombre, sur-tout lorsqu'on ne peut attendre les ordres du Souverain.   Le Traité qu’ils auront fait à ce sujet, sera donc valide, & il obligera les Souverains, au nom & en l’autorité desquels les Commandans respectifs ont agi.

 

§.262     Des Clauses qu’elles peuvent contenir

            Mais il faut bien remarquer, que si ces Officiers ne veulent pas excéder leurs pouvoirs, ils doivent se tenir exactement dans les termes de leurs fonctions, & ne point toucher aux choses qui ne leur sont pas commises.   Dans l’attaque & la défense, dans la prise, ou dans la reddition d'une Place, il s'agit uniquement de sa possession & non de la propriété, ou du droit : il s'agit aussi du sort de la Garnison.   Ainsi les Commandans peuvent convenir de la manière dont la Ville qui capitule sera possédée ; le Général assiégeant peut promettre la sûreté des habitans, la conservation de la Religion, des Franchises, des Privilèges.   Et quant à la Garnison il peut lui accorder, de sortir avec armes & bagages, avec tous les honneurs de la Guerre ; d'être escortée & conduite en lieu de sûreté &c.   Le Commandant de la Place peut la remettre à discrétion, s'il y est contraint par l’état des choses ; il peut se rendre, lui & sa Garnison, prisonnier de Guerre, ou s'engager qu’ils ne porteront point les armes contre ce même Ennemi & ses Alliés, jusqu’à un terme convenu, même jusqu'à la fin de la Guerre : Et il promet validement pour ceux qui sont sous ses ordres, obligés de lui obéir, tant qu'il demeure dans les termes de ses fonctions (§.23).

 

            Mais si le Général assiégeant s'avisait de promettre, que son Maître ne pourra jamais s'approprier la Place conquise, ou qu'il sera obligé de la rendre, après un certain tems ; il sortiroit des bornes de ses Pouvoirs, en contractant sur des choses, dont le soin ne lui est pas commis.   Et il faut en dire autant du Commandant, qui, dans la Capitulation, entreprendroit d'aliéner sa Place pour toûjours, d'ôter à son Souverain le droit de la reprendre, ou qui promettroit que sa Garnison ne portera jamais les armes, même dans une autre Guerre : Ses fonctions ne lui donnent pas un pouvoir si étendu.   S’il arrive donc que dans les Conférences pour la Capitulation, l’un des Commandans ennemis insiste sur des Conditions, que l’autre ne se croit pas en pouvoir d'accorder ; ils ont un parti à prendre, c’est de convenir d'une suspension d'armes, pendant laquelle toutes choses demeurent dans leur état jusques-à-ce qu’on ait reçû des ordres supérieurs.

 

§.263     Observations des Capitulations & son utilité

            On peut voir dès l’entrée de ce Chapitre, pourquoi nous nous dispensons de prouver ici, que toutes ces Conventions, faites pendant le cours de la Guerre, doivent être observées avec fidélité.   Contentons nous donc de remarquer, au sujet des Capitulations en particulier, que s’il est injuste & honteux de les violer, cette perfidie devient souvent préjudiciable à celui qui s'en rend coupable.   Quelle confiance prendra-t-on désormais en lui ? Les Villes qu'il attaquera supporteront les plus cruelles extrémités, plûtôt que de se fier à sa parole.   Il fortifie ses ennemis, en les poussant à une défense désespérée ; & tous les siéges qu'il lui faudra entreprendre, deviendront terribles.   Au contraire, la fidélité gagne la confiance & les cœurs ; elle facilite les entreprises, lève les obstacles, & prépare de glorieux succès.   L’Histoire nous en fournit un bel exemple dans la conduite de GEORGE BASTE Général des Impériaux, en 1602, contre BATTORY & les Turcs.   Les révoltés du parti de Battory ayant emporté Bistrith, autrement Nissa, Baste reprit cette Place, par une Capitulation, qui fut violée, en son absence, par quelques soldats Allemands : Ce qu'il n'eut pas sitôt appris, à son retour, qu'il fit pendre tous ces soldats & paya de ses deniers aux habitans le dommage qui leur avoit été fait.   Cette action toucha si fort les révoltés, qu’ils se soumirent tous à l’Empereur, sans demander d'autre sûreté que la parole de Baste (a(a) Mémoires de SULLY rédiges par M. DE L’ECLUSE, Tom.IV p.179 & 180).

 

§.264     Des promesses faites à l’ennemi par des particuliers

            Les particuliers, Gens de guerre ou autres, qui se trouvent seuls vis-à-vis de l’Ennemi, sont, par cette nécessité, remis à leur propre conduite ; ils peuvent faire, quant à leur personne, ce que feroit un Commandant, par rapport à lui-même & à sa troupe : Ensorte que s'ils font quelque promesse, à raison de l’état où ils se trouvent, pourvu qu'elle ne touche point à des choses, qui ne peuvent jamais être de la compétence d'un particulier, cette promesse est valide, comme faite avec un pouvoir suffisant.   Car Lorsqu’un sujet ne peut ni recevoir les ordres du Souverain, ni jouïr de sa protection, il rentre dans ses droits naturels, & doit pourvoir à sa sûreté, par tous moyens justes & honnêtes.   Ainsi quand ce particulier a promis une somme pour sa rançon, loin que le Souverain puisse le dégager de sa promesse, il doit l’obliger à la tenir.   Le bien de l’Etat demande que la foi soit gardée, & que les sujets ayent ce moyen de sauver leur vie, ou de recouvrer leur Liberté.

 

            C’est ainsi qu'un prisonnier relâché sur sa parole, doit la tenir religieusement, & son Souverain n’est point en droit de s'y opposer ; car sans cette parole donnée, le prisonnier n'eût pas été relâché.

 

            Ainsi encore, les habitans de la campagne, des villages, ou des villes sans défense doivent payer les Contributions, qu’ils ont promises pour se racheter du pillage.

 

            Bien plus, il seroit même permis à un sujet de renoncer à sa Patrie, si l’Ennemi, maître de sa personne, ne vouloit lui accorder la vie qu'à cette condition.   Car dès le moment que la Société ne peut le protéger & le défendre, il rentre dans ses droits naturels.   Et d'ailleurs, s'il s’obstinoit, que gagneroit l’Etat à sa mort ? Certainement, tant qu'il reste quelque espérance, tant qu'il y a moyen de servir la Patrie, on doit s'exposer pour elle, & braver tous les dangers.   Je suppose qu'il faille, ou renoncer à sa Patrie, ou périr sans aucune utilité pour elle.   Si l’on peut la servir en mourant, il est beau d'imiter la générosité héroïque des DECIUS.   On ne pourroit s'engager même pour sauver sa vie, à servir contre la Patrie ; un homme de cœur périra mille fois, plûtôt que de faire cette honteuse promesse.

 

            Si un soldat, rencontrant un ennemi à l’écart, le fait prisonnier, en lui promettant la vie sauve, ou la Liberté, moyennant une certaine rançon ; cet accord doit être respecté par les Supérieurs.   Car il paroit que le soldat, livré pour lors à lui-même, n'a rien fait qui passe son pouvoir.   Il eût pû juger qu'il ne lui convenoit pas d'attaquer cet ennemi, & le laisser aller.   Sous ses Chefs, il doit obéir ; seul, il est remis à sa propre prudence.   PROCOPE rapporte l’aventure de deux soldats, l’un Goth & l’autre Romain, qui étant tombés dans une fosse, se promirent la vie l’un à l’autre : Accord qui fut approuvé par les Goths (a(a)PROCOP. Goth. Lib.II c.3, apud PUFENDORF. Lib.VIII cap.VII §.XIV).


  

 

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