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22 juin 2007 5 22 /06 /juin /2007 00:06
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Simone Weil (à ne pas confondre avec Simone Veil la politicienne!) est une philosophe française, née à Paris le 03 février 1909 et décédée à Ashford, Angleterre le 24 août 1943.
Née à Paris dans une famille juive non pratiquante, Simone Weil  étudie au lycée Henri IV avec le philosophe Alain. Suivant le modèle de son frère, brillant mathématicien, elle entre à l'Ecole normale supérieure et passe son agrégation de philosophie en 1931. Elle enseigne ensuite au Puy, à Roanne et à Saint-Étienne, où elle se rapproche de la classe ouvrière. Elle écrit ses premiers essais ('Oppression et liberté') en confrontant sa conception du marxisme avec la réalité du travail qu'elle expérimente ensuite dans les usines Alsthom et Renault. Toujours en quête d'absolu, Simone Weil rejoint le Front républicain espagnol en 1936 et connaît sa première révélation mystique à l'abbaye de Solesmes, deux ans plus tard. Dès lors, elle veut comprendre la volonté de Dieu et l'articuler intellectuellement avec ses propres expériences religieuses. En 1942, forcée de se réfugier aux Etats-Unis, Simone Weil refuse de quitter ses compatriotes et revient aider les Forces Française Libres en Angleterre. Atteinte de tuberculose, elle s'éteint à 34 ans dans un sanatorium anglais.

Source: Evene


La beauté :

La beauté est un mystère, elle est ce qu’il y a de plus mystérieux ici-bas. Mais elle est un fait. Tous les êtres en reconnaissent le pouvoir, y compris les plus frustes ou les plus vils, quoique fort peu en possèdent le discernement et l’usage. Elle est invoquée dans la plus basse débauche. D’une manière générale, tous les êtres humains emploient les mots qui se rapportent à elle pour désigner tout ce à quoi ils attachent à tort ou à raison une valeur, quelle que soit la nature de cette valeur. On croirait qu’ils regardent la beauté comme la valeur unique.

Il n’y a ici-bas, à proprement parler, qu’une seule beauté, c’est la beauté du monde. Les autres beautés sont des reflets de celle-là, soit fidèles et purs, soit déformés et souillés, soit même diaboliquement pervertis.

En fait, le monde est beau. Quand nous sommes seuls en pleine nature et disposés à l’attention, quelque chose nous porte à aimer ce qui nous entoure, et qui n’est fait pourtant que de matière brutale, inerte, muette et sourde. Et la beauté nous touche d’autant plus vivement que la nécessité apparaît d’une manière plus manifeste, par exemple dans les plis que la pesanteur imprime aux montagnes ou aux flots de la mer, dans le cours des astres. Dans la mathématique pure aussi, la nécessité resplendit de beauté.

Sans doute l’essence même du sentiment de la beauté est-elle le sentiment que cette nécessité dont une des faces est contrainte brutale a pour autre face l’obéissance à Dieu. Par l’effet d’une miséricorde providentielle, cette vérité est rendue sensible à la partie charnelle de notre âme et même en quelque sorte à notre corps.

Cet ensemble de merveilles est parachevé par la présence, dans les connexions nécessaires qui composent l’ordre universel, des vérités divines exprimées symboliquement. C’est la merveille des merveilles, et comme la signature secrète de l’artiste.

(...)
Nous avons tous les jours sous les yeux l'exemple de l'univers, où une infinité d'actions mécaniques indépendantes concourent pour constituer un ordre qui, à travers les variations, reste fixe. Aussi aimons-nous la beauté du monde, parce que nous sentons derrière elle la présence de quelque chose d'analogue à la sagesse que nous voulons posséder pour assouvir notre désir du bien.

(...)
Nous devons reproduire en nous l’ordre du monde. Là est la source de l’idée de microcosme et de macrocosme qui a tellement hanté le Moyen Âge. Elle est d’une profondeur presque impénétrable. La clef en est le symbole du mouvement circulaire. Ce désir insatiable en nous qui est toujours tourné vers le dehors et qui a pour domaine un avenir imaginaire, nous devons le forcer à se boucler sur soi-même et à porter sa pointe sur le présent. Les mouvements des corps célestes qui partagent notre vie en jours, en mois et en années sont notre modèle à cet égard, parce que les retours y sont tellement réguliers que pour les astres l’avenir ne diffère en rien du passé. Si nous contemplons en eux cette équivalence de l’avenir et du passé, nous perçons à travers le temps jusque dans l’éternité, et, étant délivrés du désir tourné vers l’avenir, nous le sommes aussi de l’imagination qui l’accompagne et qui est l’unique source de l’erreur et du mensonge. Nous avons part à la rectitude des proportions, où il n’y a aucun arbitraire, par suite aucun jeu pour l’imagination. Mais ce mot de proportion évoque sans doute aussi l’Incarnation.

(...)
Il y a malheureusement beaucoup de moments, et même de longues périodes de temps où nous ne sommes pas sensibles à la beauté du monde parce qu’un écran se met entre elle et nous, soit les hommes et leurs misérables fabrications, soit les laideurs de notre propre âme. Mais nous pouvons toujours savoir qu’elle existe. Et savoir que tout ce que nous touchons, voyons et entendons est la chair même et la voix même de l’Amour absolu.

Encore une fois, il n’y a dans cette conception aucun panthéisme  car cette âme n’est pas dans ce corps, elle le contient, le pénètre et l’enveloppe de toutes parts, étant elle-même hors de l’espace et du temps  elle en est tout à fait distincte et elle le gouverne. Mais elle se laisse apercevoir par nous à travers la beauté sensible comme un enfant trouve dans un sourire de sa mère, dans une inflexion de sa voix, la révélation de l’amour dont il est l’objet.

Ce serait une erreur de croire que la sensibilité à la beauté est le privilège d’un petit nombre de gens cultivés. Au contraire, la beauté est la seule valeur universellement reconnue. Dans le peuple, on emploie constamment le terme de beau ou des termes synonymes pour louer non seulement une ville, un pays, une contrée, mais encore les choses les plus imprévues, par exemple une machine. Le mauvais goût général fait que les hommes, cultivés ou non, appliquent souvent très mal ces termes  mais c’est une autre question. L’essentiel, c’est que le mot de beauté parle à tous les coeurs.

Simone WEIL, Intuitions pré-chrétiennes, 1951.

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commentaires

D
Une philosophe découverte dans mes études de philo par une prof passionnée.A méditer..."Jamais en aucun cas je ne consentirai à juger convenable pour un de mes semblables, quel qu'il soit, ce que je juge moralement intolérable pour moi-même."
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